Un œil sur l’actualité internationale: Les enfants volés

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Gwendoline Le Bomin 1

Pour cette chronique, cette fois-ci, j’ai choisi de ne pas parler d’un sujet qui a fait récemment les titres dans les médias, mais d’un autre qui mériterait tout autant sa place dans les unes. Il s’agit de la pratique de l’abandon forcé des enfants. Abasourdie à la suite des différentes lectures à ce propos, il m’est apparu évident d’en parler ici.

Lorsqu’on s’y intéresse de plus près, on se rend compte que finalement des pays, pour diverses raisons, ont eu recours à la prise en charge forcée des enfants. Argentine, Australie, Canada, Royaume-Uni, tous, à un moment donné de l’Histoire, ont arraché des nourrissons, des enfants à leur famille.

Pendant la dictature argentine, entre 1976 et 1983, près de 500 bébés d’opposants de gauche ont été enlevés par la junte militaire (Courrier International, 3 décembre 2015). Ces derniers ont été confiés, en butin de guerre, à des familles proches du régime.

Plus près géographiquement, au Canada, les jeunes Amérindiens étaient envoyés dans des pensionnats autochtones pour les «civiliser». En réalité, ces enfants, séparés pendant de longues années de leur famille, vivaient dans des conditions très difficiles, le plus souvent mal nourris et maltraités, voire abusés sexuellement. Coupés de leur culture d’origine, le but était de les évangéliser et de les assimiler à la culture euro-canadienne. Cette pratique a été décrite comme un génocide culturel. Le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1996 seulement.

Quant à l’Australie, elle n’a pas été non plus très clémente avec les Aborigènes. En témoigne l’arrachement d’enfants, métis principalement, généralement issus d’une mère aborigène et d’un père blanc. Au XIXe siècle, ils sont envoyés dans des orphelinats ou des institutions éducatives fermées, puis dans les années 1950, dans des familles blanches. Cette assimilation forcée ne s’achève qu’en 1972 par la «politique d’autodétermination». Les Aborigènes ont enfin des droits reconnus et les centres ferment. On les appellera «les générations volées».

Dès les années 1920, le Royaume-Uni envoie pendant près de 50 ans, 150 000 jeunes Britanniques au Canada, en Afrique du Sud ou en Australie.

Une pratique encore actuelle

On se dit que c’était avant, qu’il s’agit de l’histoire ancienne, mais hélas, cette horreur perpétue de nos jours. Au Royaume-Uni, la pratique reste courante et se révèle des plus scandaleuses.

Dès les années 1920, le Royaume-Uni envoie pendant près de 50 ans, 150 000 jeunes Britanniques au Canada, en Afrique du Sud ou en Australie (France Info, 22 janvier 2017). Le programme «Migrant Children» a pour but d’en faire des citoyens de «bonne souche blanche». Issus de familles pauvres, ou récupérés dans des orphelinats, ils constituent de fait une main d’œuvre peu chère. À l’instar des Aborigènes, ils connaissent les mêmes maltraitances et autres abus.

L’état actuel dans le pays reste, hélas, encore sombre. Après trois ans d’enquête, Stéphanie Thomas et Pierre Chassagnieux ont réalisé en 2016 un documentaire, Les Enfants volés d’Angleterre. Ils dépeignent un pays aux pratiques scandaleuses concernant les droits de l’enfant. Pour des raisons arbitraires, les services sociaux peuvent enlever l’enfant ou le nourrisson de sa famille. Aucun fait avéré n’est nécessaire: à la suite d’une simple suspicion, l’enfant peut être retiré définitivement à ses parents.

L’absurdité est à son summum lorsqu’elle concerne des femmes à qui l’on retire leur premier nouveau-né, alors qu’elles sont seulement soupçonnées de pouvoir commettre des violences tant physiques que psychologiques sur celui-ci à l’avenir. D’ailleurs, aucun recours ne semble être possible: parents et journalistes sont réduits au silence, sous peine de condamnations judiciaires.

Aucun recours ne semble être possible: parents et journalistes sont réduits au silence, sous peine de condamnations judiciaires.

Cette impitoyable pression sur les familles britanniques provient, entre autres, de l’existence de quotas, imposés aux différents services sociaux des comtés. En effet, ceux-ci doivent respecter chaque année un nombre d’enfants retirés à leur famille, ainsi que des objectifs d’adoption. Dans le cas contraire, ils se verront sanctionnés financièrement.

Arrêter cette pratique honteuse

Ne peut-on pas plutôt aider la mère, les parents en détresse, au lieu de leur retirer l’enfant, et éviter ainsi cette décision radicale? Surtout que ces victimes du vol n’ont aucun moyen de se défendre, ce qui rend la situation encore plus révoltante. La justice est absente, leurs droits semblent avoir été confisqués, bafoués, aucune loi ne les protège de cette pratique.

Et que dire de l’enfant? Ces recours qui se veulent salvateurs, lui promettant une meilleure vie, sont trompeurs. La famille se retrouve déchirée. On peut déjà imaginer l’enfant devenu adulte partant à la recherche de ses parents biologiques. C’est sans compter également le choc que provoque parfois la découverte, des années plus tard, que sa famille n’est finalement pas la sienne. Le rôle des services sociaux en Angleterre se montre plutôt désastreux.

Le système de protection à l’enfance se révèle contradictoire: on souhaite protéger l’enfant de toutes menaces et violences, mais c’est le résultat contraire. Il produit presque un effet pervers. Le cas du Royaume-Uni est particulièrement choquant. Il menace finalement plus qu’il ne protège.

De plus, dans les cas cités, on remarque que ces faits se sont arrêtés tardivement, à la fin du XXe siècle. Il s’agit donc d’une prise de conscience tardive. Elle reste même inexistante en Angleterre.

Les États se constituent en responsables de ces abandons forcés.

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