REPORTAGE: La vie d’artiste en région, plus difficile qu’à Montréal?

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Pour le mois de février, votre journal étudiant Zone Campus vous propose de mettre en lumière une question artistiquement existentielle, et propre au Québec: est-il plus facile de vivre de son art à Montréal qu’en région? Voyons avec Marie-Jeanne Decoste, artiste-peintre établie à Saint-Justin; Jeannot Bournival, musicien de Saint-Élie-de-Caxton, et Isabelle Clermont, artiste multidisciplinaire de Trois-Rivières, s’il y a de si grands défis pour un.e artiste de demeurer en Mauricie.

Marie-Jeanne Decoste. Rencontre amphibie, 2008. Crédit: Marie-Jeanne Descoste
Marie-Jeanne Decoste. Rencontre amphibie, 2008. Crédit: Marie-Jeanne Descoste

Marie-Jeanne Decoste

Native de Saint-Justin, Marie-Jeanne Descoste est une artiste-peintre qui habite présentement son village qui l’a vue grandir. D’aussi loin qu’elle se rappelle, l’aspiration à une carrière artistique était primordiale à son avenir. Toutefois, la jeune Justinienne ne nie pas que certaines interrogations ont fait surface, comme ce fut le cas au sujet de dilemmes académiques: étudier l’art en région ou à Montréal?

«Pour des raisons personnelles, j’ai préféré faire [mes études] à Trois-Rivières», raconte-t-elle. «Je n’ai pas été déçu parce que, dans le fond, le département des arts visuels du Cégep à Trois-Rivières était quand même très dynamique. J’ai toujours été bien impliquée dans les pavillons [du Cégep] comme personne et ça m’a confirmé que j’étais à la bonne place.»

Par la suite, Marie-Jeanne Descoste entreprend des études universitaires en arts visuels. Cette fois-ci, la question ne se pose plus: Marie-Jeanne poursuit sur la voie régionale. «Pour vrai, c’était le côté accessible qui me plaisait du fait qu’on était en région. Moi, j’ai trouvé qu’il y avait quand même une chaleur et qu’il y avait une espèce de fraternité. Je me sentais maintenant bien dans ce milieu-là. (…) Je voyais qu’il y avait possibilité d’un futur artistique ici», ajoute-t-elle. Aujourd’hui, elle détient donc un Baccalauréat en Arts visuels de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

«Je voyais qu’il y avait possibilité d’un futur artistique ici.»  — Marie-Jeanne Descoste

Marie-Jeanne amène l’aspect du numérique comme un avantage pour les artistes en région, amoindrissant l’impact de l’argumentaire d’une vie artistiquement épanouie au contexte montréalais. «Il y a des artistes à l’Île-aux-Coudres qui réussissent à vivre de leur art. Les gens ont des possibilités des ventes sur le web, de collaborations, d’envoyer des fichiers, des œuvres par le numérique… C’est rendu tellement facile de faire voyager l’art.» Cet aspect du numérique vient contribuer à son désir de poursuivre sa carrière d’artiste tout en demeurant en région.

Toutefois, Marie-Jeanne soulève certaines démarches primordiales et nécessaires pour vivre de son art en milieu rural:

• La collaboration à des projets collectifs

• Se créer un large réseau, donc être prêt à effectuer de nombreux déplacements

• Avoir un certain bagage

• Posséder une voiture, avoir le réflexe de calculer les déplacements

• Une bonne connaissance du web.

Marie-Jeanne Decoste présentera, à compter du 22 février prochain, une exposition à la galerie de l’Atelier Presse Papier de Trois-Rivières. Le projet est une collaboration avec Joanie Pépin.


 

Jeannot Bournival. Crédit: Robitaille Photo
Jeannot Bournival. Crédit: Robitaille Photo

Jeannot Bournival

La musique a toujours été omniprésent dans la vie de ce Caxtonien d’origine. Adolescent, il s’adonnait déjà à jouer plusieurs instruments, comme la guitare, la basse et le saxophone, et de cette passion ont émergé différents projets musicaux. Il a d’ailleurs fait partie de la toute première formule du groupe Les Tireux d’Roches en 1999, aux côtés de Denis Massé, Dominic Lemieux et Fred Pellerin. Ce dernier sera un collaborateur notable dans sa carrière artistique: Jeannot Bournival signe la réalisation de l’ensemble des albums de Fred Pellerin.

Au début de la vingtaine, Jeannot Bournival découvre un instrument qui sera l’origine de la construction de son studio: «À vingt ans, un moment donné, j’ai découvert un instrument de musique, puis c’était un ordi. Alors, je me suis mis à faire de la musique électronique pendant un bout, puis c’est là que j’ai appris le studio.» Son studio, le studio Pantouf, est situé à Saint-Élie-de-Caxton. Jeannot Bournival est titulaire d’un Baccalauréat en musique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

«Un des gros avantages d’habiter en région, c’est la vie familiale. La vie rurale de mon village est ce qui me convient le mieux.» — Jeannot Bournival

Pour le musicien caxtonien, il y a moins d’avantages qu’on ne le croit d’une vie artistiquement professionnelle dans la métropole. «Il y en a qui sont à Montréal et qui essaient de faire de quoi de cool, puis de rayonner sur Montréal… bien, ils ont du mal en tabarouette. Pour que ça marche, il faut qu’ils louent un camion et faire les régions. Comme les Bernard Adamus de ce monde, ils sortent, ils louent la vanne, puis ça fait cent shows par année… mais, pas à Montréal! (…) J’ai remarqué que ceux [les artistes] de la Mauricie, comme Nicolas Pellerin, ça marche bien son affaire. Il prend son char puis il fait le tour du Québec.»

Jeannot fait donc cette comparaison: l’artiste montréalais.e qui désire concentrer ses spectacles sur l’île de Montréal n’aura pas nécessairement plus de facilités que l’artiste mauricien.ne se concentrant uniquement en région. Dans tous les cas, l’artiste qui désire rayonner à l’échelle nationale — donc, vivre aisément de son art et ce, peu importe où il ou elle demeure — doit s’attendre à sillonner le Québec. Selon lui, la réalité est donc similaire pour tou.te.s les artistes.

Pour Jeannot Bournival, c’est d’abord un choix de résidence qu’il a fait selon la préférence d’une routine. «Un des gros avantages d’habiter en région, c’est la vie familiale. La vie rurale de mon village est ce qui me convient le mieux. En avant-midi, je peux travailler en studio et sur mes projets; en après-midi, je peux partir et aller bucher une corde de bois.»

Jeannot Bournival termine présentement un album avec Liliane Pellerin, tout en travaillant avec Bryan Perro sur un vidéo architectural qui sera présenté cet été, ainsi qu’un nouveau projet musical avec Pascal «Per» Veillette intitulé Lavabo.


Isabelle Clermont. À la lumière des offrandes sonores, 2016. Crédit: Line Nault
Isabelle Clermont. «À la lumière des offrandes sonores», 2016. Crédit: Line Nault

Isabelle Clermont

L’artiste interdisciplinaire Isabelle Clermont est native de Grand-Mère à Shawinigan et demeure présentement à Trois-Rivières. Sa démarche artistique se conjugue à la fois par la danse, le théâtre, les arts visuels, la poésie ainsi que la musique. Elle a étudié à Trois-Rivières, au Cégep et à l’Université dans le domaine des arts visuels, et a complété sa maitrise à l’Université Laval de Québec. Son mémoire traitait de la relation entre l’activité physique et l’activité artistique.

Selon Isabelle Clermont, il n’est pas facile de vivre de son art, peu importe le lieu de résidence. «Montréal, c’est une grosse ville, mais c’est à quelque part une région. Ce n’est pas plus facile à Montréal, parce que son bassin d’artistes est très grand. (…) Quand t’es créateur, l’outil le plus indispensable, c’est d’avoir plusieurs cordes à son arc.» L’intégrité et la singularité sont des qualités importantes pour l’artiste. Ces qualités peuvent permettre au créateur de perdurer à travers le temps.

Ayant obtenu une bourse du Conseil des arts et des Lettres du Québec (CALQ), Isabelle Clermont, elle participe à un projet de création intitulé La Traversée des harmonies. Le premier volet de ce projet se déroulera à la chapelle du Séminaire St-Joseph au printemps prochain, le deuxième à la Biennale nationale de sculpture contemporaine cet été, et le troisième à la Marina de Grandes-Piles cet été.

«Ce n’est pas plus facile à Montréal, parce que son bassin d’artistes est très grand.» — Isabelle Clermont

En relevant différents parallèles de ces trois entrevues, il semble que le travail de l’artiste, en général, n’est pas nécessairement plus difficile en région que dans la grande métropole. Dans les deux cas, la route est une avenue inévitable pour un.e artiste qui veut rayonner. En région, les déplacements se font à plus grande échelle et ne se font pas de la même façon. Le territoire ne favorise pas nécessairement un.e artiste, mais un.e artiste doit s’adapter à son territoire selon différentes conditions. Reste que tout repose sur une question de préférences par rapport à l’environnement.

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