Chronique d’un lunatique: Culture peignée, trophées dorés et restants de platine

0
Publicité

Ce n’est plus jaune dehors. Ce n’est plus orange dehors. Dehors, c’est brun, c’est gris.

Dans mon lecteur CD, oui un lecteur CD, là c’est tout Jaune par contre. Récemment, j’ai décidé de dépoussiérer un classique de la chanson québécoise. L’italique précédemment utilisé vous l’aura fait deviner, j’ai ressorti Jaune de Ferland. Mes détracteurs diront ce qu’ils veulent, c’est assez dur, lorsque l’on s’intéresse à ce qui s’est fait dans la courte histoire de ma musique québécoise, de passer à côté de ce mythique album. La voix de Ferland pour moi, c’est un velours de la même douceur que celui de Joe Dassin dans l’ensemble de son œuvre. Cependant, ce qui est plus étonnant, c’est que même après avoir essayé, il m’est impossible d’apprécier sincèrement, selon mes gouts personnels, autre chose que Jaune. Pour moi, cet album qui ouvre les années 70 vole si haut qu’il justifie l’œuvre en soi. L’éclatement musical dont ce long-jeu se fait synonyme annonce parfaitement ce vers quoi le Québec semblait choisir de se diriger culturellement parlant. Il représente aussi l’éventail des possibles. Avec Charlebois, Jean-Pierre Ferland nous faisait réaliser que ce n’est pas que par la chanson plus traditionnelle qu’il était possible de sonner comme quelque chose de distinct en Amérique française.

Aujourd’hui, nous nous élaborons diverses manières de se le rappeler. Il en est une parmi tant d’autres sur laquelle on braque davantage les projecteurs: la soirée du Gala de l’ADISQ.

Au moment où je rédige ces nouvelles lignes, le gala n’est pas encore arrivé dans le salon des Québécois et la communauté artistique, elle, ne s’est pas encore flattée vivement dans le sens du poil à grands coups de bafouillages émotifs, de «mon dieu, merci!» et de «Je n’y aurais jamais cru!»

Loin de moi l’idée de saborder l’utilité de cette célébration païenne sacrée. Chaque année, je me trouve toujours un moyen de visionner au moins quelques extraits du gala. Cependant, chacune des fois depuis plusieurs représentations, l’ADISQ me suscite quelques malaises et questionnements.

«Comment se fait-il que tant d’artistes soient tassés du gala?», fut la première que je me posai, il y a de ça déjà quelques années. Celle-ci, je n’étais pas le seul à la soulever, puisque bien du travail a été accompli pour enrayer ce problème. Par exemple, on donne davantage d’attention au rap ou aux réalisateurs d’albums, aux gens derrière la console et, le tout, lors d’un gala fort intéressant qu’on nommait il n’y a vraiment pas si longtemps (l’an passé) L’Autre Gala de l’ADISQ.

Étais-je le seul se voulant titillé par cette appellation. Il faut croire que non, puisque cette année, le terme a disparu pour donner place à Premier Gala de l’ADISQ. Avouons-nous ceci: organiser un Autre Gala n’enrayait aucunement le fait que tous les artisans de la chanson qui n’intéressent pas le grand public restaient classés dans une sphère floue dans laquelle ils sont considérés comme les autres, ceux qui se tiennent à côté d’Eux; ceux qui, selon une élite, aussi floue que les limites qu’elle impose, méritent davantage l’attention par rapport à d’autres acteurs de la sphère culturelle québécoise.

Il reste néanmoins que la diffusion de l’Autre Gala ainsi que du gala principal constitue une formidable manière de faire entrer dans l’imaginaire collectif des sonorités qui, nous en sommes tous conscients, ne vendent plus chez les disquaires. D’ailleurs c’est cette crise du disque qui aura probablement imposé de nouvelles manières de penser en ce qui a trait à l’organisation de l’ADISQ qui mise dorénavant énormément sur les performances à grand déploiement que l’on peut admirer à travers les interminables remises de prix qui parsèment la soirée du gala.

Ce qui me frappe davantage cette année, plus que jamais, c’est de constater à quel point le Gala de l’ADISQ est à l’image du Québec: familial, gentil et rarement dénonciateur.

Ce qui me frappe davantage cette année, plus que jamais, peut-être est-ce de vieillir et d’évoluer dans un milieu culturel, c’est de constater à quel point le Gala de l’ADISQ est à l’image du Québec: familial, gentil et rarement dénonciateur (sauf lors de certains remerciements). Il nous fait réaliser qu’à peu près toutes les têtes qui montent sur scène ce soir-là ont déjà travaillé ensemble soit à l’occasion de concerts tels que la fête nationale, en studio, lors de concours ou de festivals. Cela nous rappelle que le milieu québécois, malgré son effervescence actuelle, il faut l’admettre, comporte sa grande part d’hermétisme. Certes le réseau de musique populaire a les bras grands ouverts tout en étant tissé très serré, à l’image de la bonne famille canayenne-française.

Cependant, ce serait de se coudre les paupières que de croire qu’il n’existe rien d’autre au Québec que les ressortissants de tel festival ou tel concours (que vous aurez, j’en suis sûr, l’audace d’identifier vous-même).

Le Québec est une terre fertile en arts divers, et malgré les diverses manières qu’a l’ADISQ de bien représenter la culture francophone, il est de mon humble avis que c’est dans son ombre que se dessine un univers tout aussi intéressant dont les tribunes commencent à apparaitre, mais restent, malgré tout, cachées partiellement par cette ombre justement.

L’intérêt porté par les Québécois sur le Gala de l’ADISQ est indéniablement fort. Cependant, est-il télévisuel, est-il évènementiel? Surtout, résonne-t-il assez fort pour que l’intérêt des Québécois envers la chanson francophone perdure avec une véritable solidité durant toute l’année? Il est difficile de répondre à ces questions. Néanmoins, il est impératif, chaque année, de se les poser.

REPONDRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici