ÉDITORIAL: L’humain approximatif ― Allez travailler bande de paresseux!

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Le 10 novembre dernier était adopté le projet de loi 70 (désormais la loi 25). Cette loi, qui s’applique aux nouveaux demandeurs de l’aide sociale, permet au gouvernement de couper environ du tiers le montant mensuel de 623$. Les sanctions s’appliquent dans le cas où les prestataires refusent de prendre part au programme d’employabilité, d’une durée de 12 mois.

Tous les jeudis midi, il se trouve que j’assiste au cours de Démocratie et citoyenneté, donné par le toujours pertinent Paul-Étienne Rainville. D’ailleurs, je crois que la société gagnerait à se voir offrir un cours comme celui-ci dès le secondaire. On y apprend les enjeux politiques, les fonctions de notre démocratie, ainsi que celles de notre statut de citoyen. Il est incohérent que nos propres citoyens vivent dans notre société sans connaître leurs droits ni le fonctionnement du système politique.

Au dernier cours, M. Rainville nous a fait lire un article du Devoir, coécrit par Martin Petitclerc, professeur, et Cory Verbauwhede, doctorant, tous deux au département d’histoire de l’UQAM. Dans cette lettre datée du 12 novembre 2016 et intitulée «L’aide sociale et la peur de la faim», les deux universitaires retracent l’histoire de la citoyenneté dite «sociale», terme utilisé par le sociologue britannique Thomas Humphrey. Ce concept revendique le droit à une condition de vie minimale, permettant à tous les citoyens de profiter amplement de leur statut civil positif. On souhaite ainsi aplanir les inégalités sociales.

La loi 25 va clairement à l’encontre de cet idéal. Comme on peut le lire dans la lettre, le programme engage les prestataires «à accepter tout emploi convenable» et à le garder. De surcroît, les individus qui refusent de se plier au programme en seront retirés. En gros, on les jette à la rue.

Pour ceux qui ne sont pas touchés par cette loi, cela peut paraître normal. Pourquoi des gens, qui ont les moyens de travailler, seraient-ils payés à ne rien faire? Je dois répondre: pour plusieurs raisons. D’abord, j’en connais du monde sur l’aide sociale ou qui l’a déjà été. De la famille, mais aussi des amis. C’est une option qu’ils ont prise, mais c’était la dernière.

La vie nous réserve parfois de mauvaises surprises: mort dans la parenté, grosse dépression, etc. La loi ne prévoit pas ça. Le salaire minimum à temps plein, avec ce que cela engage de frais de garderie et de déplacement, est souvent moins rentable que l’assistance sociale. Aussi, certains prestataires se voient éliminés dès la période des entrevues. Ils sont catégorisés comme étant aptes aux travaux, mais ne possédant pas les aptitudes sociales pour s’adapter au marché du travail.

Le gouvernement Couillard s’attaque aux pauvres. Ce n’est pas en traitant les symptômes que l’on guérit le cancer.

La chasse aux pauvres et la dissolution du filet social

Le gouvernement Couillard s’attaque aux pauvres. Ce n’est pas en traitant les symptômes que l’on guérit le cancer. Le vrai problème est la pauvreté. L’aide sociale est un filet qui empêche les plus démunis de tomber dans la criminalité. Si ton enfant meurt de faim, il y a de bonnes chances que tu voles ton voisin qui mange.

Certains vont affirmer que plusieurs assistés sociaux sont déjà dans la criminalité. Si l’on revient à l’époque à laquelle l’État-providence n’existait pas, les prisons étaient surpeuplées. Et même si certains individus sont réellement dans la criminalité, essayez de vivre dignement avec 965$ pour deux individus par mois!

D’un autre côté, «l’efficace» Commission Charbonneau nous a démontré que notre gouvernement est gangrené par le crime organisé et la corruption. On attend toujours des lois efficaces à ce sujet.

Faut-il vraiment travailler pour gagner sa vie?

Partout dans le monde, les industries et les commerces tendent à s’informatiser, et même à se robotiser. Les emplois aliénants, que l’on veut offrir aux prestataires, sont en voie de disparition. Le chômage est aussi un phénomène qui va aller en augmentant. Notre vision du citoyen en rapport avec le travail est une vision héritée du libéralisme économique. Le travail et le revenu qu’il en tire lui permettent d’être autonome et libre. L’État n’a plus à intervenir autant dans ce cas.

Sur papier, c’est bien beau, mais dans les faits, nous n’avons pas tous la chance d’être nés dans une famille bien nantie, où l’éducation est valorisée. De là l’idée d’un revenu minimum garanti par l’État. Peu importe leur salaire, chacun aurait droit à un salaire de base. La Finlande va tenter le projet l’année prochaine. Cette dernière tente de sortir d’une grave récession. L’Ontario souhaite aussi emboîter le pas, en créant un projet pilote dans ce sens. Même Couillard se dit ouvert à l’implantation de ce système (Jean-Marce Salvet, Le Soleil, 21 septembre 2016).

Pendant que les gens et la radio de Québec s’acharnent sur le sort des assistés, le 6 mars 2012, Le Devoir nous informait que le Québec perdait 3,5 milliards en évasions fiscales. Avec les scandales qui éclaboussent le secteur de la construction, il serait temps qu’on s’attaque à la pauvreté. En attendant de voir si le revenu minimum garanti est viable, le meilleur moyen reste l’éducation et les programmes sociaux. Selon le site Web du Club des petits déjeuners, 1 enfant sur 5 a un accès inadéquat à la nourriture. Non, les chances ne sont pas égales pour tout le monde.

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