«On jase, là!» Travail du sexe et mouvement féministe: «qu’est-cé faire?»

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Pour cette toute première chronique, j’hésitais à en parler. Ça divise, ça touche les valeurs, la moralité et l’éthique de tout le monde. Une fois que c’est dit, je crois sincèrement que nous devons aborder le sujet, en tant que société et individu. En revanche, nous devons connaitre les différentes positions pour réellement prendre position. Mettons qu’on jase là. Toi, le travail du sexe, t’en penses quoi ?

Depuis le 29 octobre dernier, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a ramené dans le débat public le dossier de la prostitution. Bien que les statistiques officielles concernant l’industrie du sexe soient quasi inexistantes par sa marginalisation, nous allons aborder le sujet d’un point de vue des travailleuses, tout comme la FFQ. Ainsi, «l’agentivité des femmes dans la prostitution/industrie du sexe incluant le consentement à leurs activités». L’agentivité est un concept utilisé en études de genre, qui reconnait la capacité d’être un agent actif de sa vie. À l’heure où j’écris ces lignes, ce débat, qui perdure depuis le début du siècle dernier, revient dans l’agenda féministe et provoque de nombreuses déchirures dans le mouvement.

Si des femmes font le choix d’œuvrer dans l’industrie du sexe, que pouvons-nous faire pour qu’elles soient, au même titre que vous et moi, défendues convenablement?

C’est à ce moment-là que je me suis posé quelques questions: la prostitution est-elle un travail comme les autres, comme l’affirme la FFQ? Si des femmes font le choix d’œuvrer dans l’industrie du sexe, que pouvons-nous faire pour elles? Pour assurer leur sécurité ? Pour qu’on les prenne au sérieux quand elles dénoncent des abus physiques et sexuels ? Pour qu’elles soient, au même titre que vous et moi, défendues convenablement? Quelles sont nos priorités dans la lutte à la prostitution?

Même si je comprends la problématique de la reconnaissance du «métier de travailleuse du sexe», que je suis d’accord que personne ne devrait avoir à se prostituer pour survivre, il faut voir tout ça autrement. Ces femmes faisant le choix d’œuvrer dans l’industrie du sexe, qui sont là pour elles? Comment sont-elles protégées et défendues? Lorsqu’on s’arrête et qu’on se pose ces questions, on voit bien qu’au fond, la stigmatisation n’a rien eu de bon. Ces femmes ont besoin et ont le droit à la sécurité comme vous et moi, et nous pouvons intervenir.

Les règlementaristes considèrent généralement la prostitution comme un mal qui sera toujours présent et qu’il vaut mieux encadrer pour mieux protéger.

Différents angles d’analyse

Il existe plusieurs tendances juridiques en ce qui concerne la prostitution. Premièrement, il y a les «abolitionnistes», qui visent l’abolition de la prostitution. Pour ces féministes, règlementer l’industrie du sexe serait comme une reconnaissance de ce métier et encouragerait le proxénétisme et les valeurs immorales que ça impliquerait.

Deuxièmement, il y a les «prohibitionnistes». Ce mouvement vise l’interdiction pénale et totale de la prostitution. Autrement dit, toute personne s’adonnant à des activités de prostitution (la prostituée, le client, le proxénète) est considérée comme criminelle au sens de la loi. Une branche de cette idéologie vise toutefois la décriminalisation de la prostitution, punissant ainsi le client et non pas la prostituée.

Finalement, il y a les «règlementaristes». Les femmes penchant pour cette optique visent plutôt non pas à organiser la prostitution, mais à l’encadrer pour favoriser sécurité et hygiène. Bien que plusieurs croient que cette branche approuve la prostitution, il n’en est rien. Les règlementaristes considèrent la prostitution comme un mal qui sera toujours présent, mais qu’il vaut mieux encadrer pour protéger. Cela dit, parmi celles-ci, certaines comme l’organisme Stella, croient à la pleine légalisation de la prostitution et à la liberté des femmes de choisir par elle-même.

Comme la prostitution fera toujours partie de la société, certaines femmes la choisissant elles-mêmes, nous avons le devoir en tant que féministes de protéger ces femmes, et ce, même si ça heurte nos valeurs et que ça vient à l’encontre de notre vision.

Le principe de totale abolition ne fonctionne visiblement pas. Travaillons donc à la base. Intervenons, éduquons, expliquons, et ce, sans prétention.

Mais Val qu’est-cé qu’on peut faire?

Si on part du principe de reconnaissance du métier de «travailleuse du sexe», nos actions auraient beaucoup plus d’impact. Voici quelques raisons et pistes de solution.

  • Soyons pragmatiques. Travaillons sur le terrain dans une optique de réduction des méfaits. En règlementant et en encadrant l’activité, les femmes choisissant la prostitution seront plus en sécurité et en meilleure santé physique comme sexuelle.
  • Ne stigmatisons plus les travailleuses du sexe. Ainsi, nous aurons une meilleure relation d’intervention auprès de ces femmes. Les effets seront plus immédiats, plus grands et perdureront dans le temps.
  • Le principe de totale abolition ne fonctionne visiblement pas. Travaillons donc à la base. Intervenons, éduquons, expliquons, et ce, sans prétention. En ne se plaçant pas dans une position d’autorité morale, la relation entre la prostituée et l’intervenante sera plus solide, et l’éducation sera de meilleure qualité.

Finalement, j’aimerais ajouter une chose. Si des femmes font ce choix-là, c’est aussi parce que parfois, elles n’ont pas le choix. Donnons-nous les moyens, en tant que société de rendre la vie plus facile aux femmes. Programmes sociaux, aide à l’emploi, financement adéquat des organismes, etc. Parce qu’on jase là, au final c’est aussi un choix de société.


[1] Pour en savoir davantage: Sarah-Marie Maffesoli, «Le traitement juridique de la prostitution», Société, vol. 1, no99, 2008, p. 33 à 46.

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