Un œil sur l’actualité internationale: Eaux noires en Inde

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Photo: Mathieu Plante
Photo: Mathieu Plante

Pendant que les singeries de Trump à la Maison-Blanche occupent la une des médias, un événement bien plus grave mériterait de l’attention. Le 28 janvier, deux navires-citernes sont entrés en collision au large de Chennai, dans l’État du Tamil Nadu (sud-est de l’Inde). 100 tonnes de pétrole se sont ainsi déversées et polluent maintenant les côtes indiennes sur 43 kilomètres.

Selon le Hindustan Times, la collision entre ces deux navires, le MT Dawn Kanchipuram et le BW Maple, n’a pu être évitée. Les navires, transportant respectivement du gaz de pétrole liquéfié (LPG) et du lubrifiant pétrolier, ont manœuvré en vain pour s’esquiver. Les autorités cherchent encore à savoir comment les deux bateaux ont pu entrer en collision, à trois kilomètres des côtes de Chennai.

Les mesures de nettoyage sont tout autant catastrophiques que les dégâts causés par la marée noire. En effet, les prises de décision de la part des autorités sont lentes, les équipes sont mal organisées et n’ont pas recours aux outils adéquats. Des pêcheurs, des étudiants et autres locaux aident les gardes-côtes à nettoyer les plages, au péril de leur santé. En effet, ces volontaires sont exposés à une quantité considérable de toxines dues à l’inhalation. De plus le pétrole brut contient du benzène, un élément cancérogène.

La municipalité a tenté de pomper le pétrole directement en mer, mais cette action s’est malheureusement révélée peu efficace. Le manque de moyens est criant face à cette catastrophe à laquelle il faudrait réagir au plus vite.

La lenteur de l’intervention aggrave de manière considérable la situation. Les scientifiques n’ont pas encore estimé l’impact écologique, mais on se doute qu’il sera, une fois de plus, désastreux pour la baie du Bengale.

Impacts sur la population et sur le monde marin

Les marées noires ont un impact du court au long terme. Outre les effets néfastes sur les côtes et sur les animaux, qu’adviendra-t-il des pêcheurs? Depuis l’accident, les zones côtières sont devenues inaccessibles, ils n’ont eu d’autre choix que de fuir la mer, qui les fait vivre. On devine qu’ils ne pourront aller pêcher de sitôt, puisque ce genre d’accident affecte en général toute la chaîne alimentaire, rendant toxique la faune marine.

Dans ces eaux, devenues noires, pas moins de 500 espèces de poissons et 270 espèces de mollusques y vivent. Cette faune maritime riche est alors sérieusement menacée.

Le manque de moyens est criant face à cette catastrophe à laquelle il faudrait réagir au plus vite.

Il s’agit d’une mauvaise nouvelle également pour la tortue olivâtre, qui doit son nom à la couleur olive de sa carapace. Ce désastre a lieu au pic de la période de nidation pour ces milliers de reptiles qui viennent déposer leurs œufs sur les plages du sud de l’Inde. D’ailleurs, cette espèce est évaluée «vulnérable» au niveau mondial par l’Union Internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Cette marée noire aura donc un impact écologique, mais aussi économique.

Que fait l’État indien?

Au même moment, l’Inde s’est réjouie du succès d’envoi de 104 satellites, en une seule fois, dans l’espace. Un record aujourd’hui. Par contre, le gouvernement ne semble pas très réactif à la catastrophe qui touche ses côtes maritimes. La lenteur des prises de décisions officielles n’a fait qu’envenimer les dégâts de ce tragique accident. Selon un activiste environnemental indien, Nityanand Jayaraman, les conséquences de cette collision auraient pu rester à l’échelle locale, mais elles sont devenues régionales.

Alors, déni? Indifférence? Devant cette catastrophe, l’État indien se montre plutôt irresponsable. Bien qu’il ait ratifié l’accord de Paris sur le climat l’année dernière, la plus grande démocratie du monde est connue pour se concentrer davantage sur sa croissance, en dépit de son écologie.

Fait surprenant, la nouvelle a été très peu relayée par les médias, même par les nationaux indiens. Dans un article paru sur le site Internet d’actualités Scroll.in, le journaliste Bahar Dutt rapporte que c’est seulement grâce à la pression des médias que l’on peut espérer une action de la part du gouvernement (Scroll.in, jeudi 2 février). D’ailleurs, peu d’informations circulent sur la nature de la catastrophe. Par exemple, la quantité de pétrole retirée depuis, ou encore la superficie sur laquelle le déversement de pétrole est finalement contenu.

L’Inde est devenue ce mois-ci le pays au monde où la pollution atmosphérique cause le plus de décès chaque année.

Pourtant, l’Inde ne connaît pas sa première marée noire. En 2010, deux porte-conteneurs entrent en collision à huit kilomètres de la côte de Mumbai. L’un d’eux déverse 800 tonnes de pétrole, endommageant les mangroves le long des côtes. Encore, en 2013, un porte-conteneurs laisse échapper dans les mers indiennes plus de 1000 tonnes de fioul.

Cette énième marée noire pose, une fois de plus, la question de l’avenir du pétrole et des possibles alternatives. L’Inde est devenue ce mois-ci le pays au monde où la pollution atmosphérique cause le plus de décès chaque année. Face à l’explosion démographique et aux taux de pollution atmosphérique records, l’État indien devrait penser plus sérieusement à la santé de sa population et peut-être un peu moins à sa croissance économique.

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