La dernière chronique présentait les effets spéciaux visuels permis par les studios numériques, les améliorations corporelles prosthétiques et les moulages. Pour la dernière chronique de l’année, nous avons pu échanger avec Jean-François Lemaire, spécialisé dans la création d’effets spéciaux depuis 53 ans.
Les effets spéciaux, tout un métier
Présenté comme le Géo Trouvetou des effets spéciaux, Jean-François Lemaire est ce qu’on pourrait appeler un inventeur d’effets spéciaux. Il fait le lien entre l’effet imaginé par les réalisateurs et producteurs de films ou de publicités, et la réalité de ce qu’il est possible de faire.
Enfant, il a vu une équipe tourner un film de guerre dans son village en Suisse. Il avait à l’époque 13 ans, et démontait tout ce qui lui tombait sous la main pour en comprendre le fonctionnement. C’est en voyant des professionnels faire la même chose pour le cinéma qu’il a été subjugué. Sa décision était prise, sa vie, ce serait ça. Dans un reportage récent, il confiait que c’est « le seul métier au monde, où on peut jouer et être payé à jouer ».
Citant Georges Méliès, pionnier des effets spéciaux au cinéma dès le début des années 1900 en France, il considère qu’un effet spécial réussi est celui qui n’est pas perceptible. Ainsi, il crée des objets insolites, des textures, en somme, des illusions. Pendant plusieurs années, il a travaillé aux États-Unis notamment pour la Warner Bros, et a eu l’occasion de collaborer avec les grands noms tels que Spielberg, Hitchcock, Schwarzenegger.
« [Mon entreprise] c’est un peu la dream factory, moi je suis un Willy Wonka des effets spéciaux, je passe mes journées à jouer avec des trucs, à faire des machins. »
Jean-François Lemaire, lors d’un échange avec le Zone Campus.
Ses quelques 53 années d’expérience lui ont appris que l’argent prévu pour un projet n’est pas un obstacle en soi. Le fruit de l’expérience, c’est d’écouter les demandes du client, puis de proposer des solutions dont la seule limite est l’imagination. Ensuite, éventuellement, il va faire « redescendre sur Terre» les aspirations trop démesurées pour être réalisées. Il n’y a donc pour lui pas de problèmes de budget pour réaliser l’impossible, mais plutôt des problèmes mal posés.
Il cite en exemple cette publicité réalisée en 1989 pour la compagnie de piles Duracell, dans laquelle, rien n’est «vrai».
L’entreprise voulait des lapins à taille réelle, mais le professionnel les a convaincu de changer d’idée. Plutôt que des lapins miniatures à usage unique, ils ont alors utilisé des automates « à taille humaine », dans un paysage enneigé et surdimensionné : plus de 2,5m de large pour les sapins, et des pommes de pin grandes de 70cm !
Les éléments naturels
Pour une illusion au plus près du réel, Jean-François et son équipe ont développé une gamme variée d’éléments naturels, à l’exception de la pluie. Pourquoi donc fait-elle exception ? Il explique que suite au tournage du film Blade Runner (réal. Ridley Scott, 1982) sur lequel la pluie était omniprésente, l’équipe technique était constamment trempée. Suite à cette mésaventure, il a choisi de ne plus jamais refaire cet élément.
Néanmoins, il maîtrise les nuages (qui penserait à du latex liquide dans un aquarium ?), et propose une grande variété de neige. Il y a celle pour les évènements en intérieur, que l’on veut pouvoir réutiliser à volonté (en synthétique). Il y a celle, comme une poudreuse, qui laisse des traces lorsqu’on la foule (qu’il a nommé Versailles, et qui est biodégradable). Il y en a bien d’autres encore, mais la plus étonnante est la neige pour les tempêtes : obtenue grâce à un composé à base d’algues, cette neige est comestible. En effet, avec la poussée des ventilateurs, certains flocons peuvent se retrouver dans les yeux ou la bouche des personnes sur un plateau. En l’écoutant parler sur de nombreuses vidéos qu’il publie sur la plateforme YouTube, il n’y a qu’un critère à ses créations : la sécurité.
Parmi ses étonnantes inventions, il présente notamment une fumée… Sans feu. Pour cela, il utilise une simple poudre, qu’il fait chauffer sur un réchaud. Selon la température et la quantité de poudre, cela va produire une fumée plus ou moins dense sur plusieurs minutes. L’artifice idéal pour imiter un feu de cheminée ou une bouilloire prête à l’usage !
D’autres professionnels vont utiliser des systèmes actionnables à distance, permettant un contrôle accru sur la combustion. À chaque projet sa magie !
Nous pourrons continuer cette chronique au retour de la session d’automne, en attendant, vous pouvez suivre de nombreux trucs du cinéma grâce à la chaîne Jerry Talks, et nous partager ce que vous aimeriez que l’on dévoile les prochaines fois !