Ce matin, je déjeunais tranquillement dans la cuisine familiale quand l’inévitable est arrivé. Ma mère, qui lisait comme à l’habitude son journal, est tombée sur un article qui soulevait la question de l’influence des médias sociaux sur les relations des jeunes adultes. «Mais qu’est-ce qu’elles ont vos relations, ma fille?»
Tant d’effort mis à éviter le sujet, il fallait bien qu’une étude boboche sorte des statistiques là-dessus en ce beau matin d’hiver! Comment expliquer tout ça à une boomer qui vient tout juste de maîtriser le «@» et qui a grandi dans le temps où l’Église était au pouvoir? Comment lui expliquer que l’arrivée des médias sociaux a complètement bouleversé les relations d’une génération?
Comment lui expliquer que maintenant, nos réseaux se sont agrandis, mais que notre entourage a diminué? Que tout est extrême et qu’on en veut toujours plus? Qu’on peut avoir 2 862 amis Facebook, et encore passer notre vendredi soir seul à regarder des fail compilation sur YouTube? Que le nombre de like est devenu un indicateur de popularité?
Que de nos jours, on peut s’abonner à quelqu’un et le suivre jour et nuit sans pour autant faire de prison? Qu’on soit célibataire ou en couple, ce n’est officiel que si ce l’est sur Facebook? Qu’on a développé de vraies habitudes de détective et qu’en un seul clic, on est capable de savoir d’une personne d’où elle vient, qui sont ses amis, ce qu’elle a mangé la veille, et même si elle a couché avec cette autre personne!? Oui oui, car une photo laisse libre cours aux interprétations hâtives… Pas étonnant que les couples ne durent pas.
Comment lui expliquer le principe de l’amour moderne, qui veut qu’une génération entière se soit aperçue que la diversité a bien meilleur goût? Qu’en 2013, on fait du sexe quand on veut, avec qui on veut et que ce dit sexe soit tellement accessible que l’amour soit devenu le véritable fantasme? Qu’on assiste à la culture de la consommation rapide : on goûte, on aime, on regoûte, humm… trop familier, on se lasse et on commande autre chose, ainsi de suite?
Que l’attachement et la fidélité soit des espèces en voie de disparition? Qu’en 2013, on partage notre vie avec le monde entier, mais qu’il est impensable de le faire avec une seule personne? Que le pire dans tout ça, c’est qu’on ne sait même pas où ça risque de nous mener, car il s’agit d’une grande première dans l’histoire de l’humanité?
Comment lui expliquer qu’en 2013, on tweete, on texte, on commente, on like et on share : qu’on n’a jamais été aussi près les uns des autres tout en étant si loin de tous et chacun? Qu’il est rendu plus important de se tagger à un endroit et de dire à tous «J’étais là!» que d’y être réellement? Qu’en voulant tout partager avec le monde entier, on a perdu la notion de vivre pleinement? Qu’on met tout sur les réseaux sociaux: nos horaires, nos découvertes, nos joies et parfois même nos peines? Qu’on connaît maintenant la vie des gens comme si c’était nos meilleurs amis, mais que lorsqu’on les croise dans la rue, on se sourit timidement, on s’ignore même?
Lui expliquer tout ça, mais sans négliger la grande beauté des médias sociaux: qu’avec eux, on est capable de donner droit à la liberté d’expression, c’est-à-dire de libérer des pays, comme ils l’ont fait au Moyen-Orient, ou de créer des manifs, comme nous l’avons fait au Québec lors du printemps dernier. Qu’il s’agit de l’outil de révolution par excellence. Qu’en plus, ils nous permettent de parcourir le monde tout en restant en contact avec les êtres chers, de plus en plus rares qu’ils soient. Qu’ils sont tellement pratiques, qu’on peut faire des travaux d’équipe à distance. Qu’on peut partager des documents, des vidéos et même des idées. Que c’est littéralement l’ère du partage, l’ère du share.
Lui expliquer, aussi étrange que cela puisse paraître, qu’il y a une volonté merveilleuse qui ressort de tout cette technologie, ces comptes Twitter et ces statuts Facebook : la volonté de communiquer avec l’autre. Que malgré les méthodes douteuses utilisées, l’homme cherche encore à se rapprocher de ses semblables même après tant d’années et d’avancées. Que nous sommes, maintenant plus que jamais, tournés vers les autres. Comment lui expliquer que c’est ce qui me donne de l’espoir pour le futur?
Bref, comment lui expliquer qu’en 2013, on rejette les valeurs traditionnelles et le mode de vie des générations précédentes pour refaire le monde à notre façon, aussi choquante soit-elle, un peu comme les hippies l’ont fait avant nous?
Finalement, je lui ai simplement dit : «Mom, les relations en 2013 c’est comme les années 70 à travers un écran HD.» Je crois qu’elle a tout compris et j’ai pu finir mes Lucky Charms paisiblement.
Wow, s’est vraiment un texte très réfléchis et agréable à lire. J’espère qu’il en aura d’autres!
J’ai bien aimé cet artcile. Etant une femme dans la soixantaine qui revient au Québec après toute une vie passée en Afrique, cette étudiante m’aide à comprendre la culture des plus jeunes dans mon pays. Stephanie, continue d’écrire pour tes ami(e)s du campus, mais aussi toutes les générations qui te lisent.