Je dois vous l’avouer, je n’en peux plus de garder ce secret. Voici le véridique plaidoyer de ma pertinente et ô combien satisfaisante culpabilité. Depuis 27 ans déjà, je suis mordu d’une drogue psychoanaleptique qui m’offre davantage que la grâce de vivre. Malgré toute l’effervescence de cette piqûre si grandiose par ses effets sédatifs et parfois hallucinogènes, je suis parfaitement conscient que j’en dépends totalement… mais je ne m’en plaindrai jamais!
Mes seuls arguments se résument par ses effets secondaires, si bénéfiques et positifs à la réalisation de mon être; qui m’apportent réconfort, courage et inspiration artistique. Une féroce soif de vivre, quoi! En conséquence, j’en suis ouvertement et totalement dépendant.
Je vous le dis, j’ai parfois dans la vie cet urgent besoin d’un endroit personnel, d’un refuge sacré et purificateur. J’ai donc avec ce narcotique sonore une relation si intime que tous les effets secondaires me sont, à mon avis, totalement bénéfiques : une joie intense de vivre et d’exister, une glorification de me sentir touché par l’invisible, me rendant soumis au génie de la culture humaine, tout en m’énergisant de toutes ses molécules infinies.
Après ma dose psychotonique journalière, et même parfois à plusieurs reprises par jour, je me sens détendu, satisfait, comme extasié du fait de vivre; d’être une masse organique complexe, complète, unie à l’univers et ayant heureusement des sens pour percevoir la réalité. D’ailleurs, celui qui m’est le plus utile à mon avis est bien entendu l’ouïe.
Par «elles», je vis
Cette drogue euphorisante me fait vivre une ataraxie sublime et extatique, tout en me confirmant de façon assez intense que dans cet immense univers, j’existe. Par cet antidote viscéral, aspirant passionnément et avec succès à l’infini, j’accède réellement à chaque fois au présent et ce, à chaque moment de ma vie.
Je suis conscient que je ne peux et ne pourrai point m’en passer mais que puis-je dire de plus? Je déteste et même je hais le silence; il me m’aide pas, il ne me parle pas : il est donc mon ennemi.
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La drogue, en particulier celle-ci, ne juge pas. Elle ne me dit pas que je suis laid, mal rasé, de mauvaise humeur ou que je suis mal habillé. Elle est toujours là pour moi, à outrance, peu importe le moment de la journée, peu importe la douleur de ma peine ou encore mon unique besoin primaire d’avoir ma dose.
Instigatrice d’une béatitude gratifiante et signifiante, elle exauce une satisfaction sacramentelle et fondamentalement essentielle, par la puissance de sa pure synergie revigorante, apaisante et cardiotonique.
J’ose dire que cette drogue agit tel un anticorps et m’évite ainsi toutes idées noires, paralysant par le fait même toute pulsion autodestructrice. Cet élixir de bonne vie me purifie – en néantisant mes douleurs, mes souffrances, ou simplement en multipliant mon bonheur et mes connaissances – et me redonne chaque fois le sourire.
Que ce soit pour m’endormir, pour me réconforter ou pour me défouler, je ne peux maintenant plus m’absoudre de son utilité légendaire et, avouons-le, ancestrale. Même sous sa forme sonore, on dirait que j’en bénéficie par tous les pores de ma peau! J’ai sans aucun doute besoin de mon intimité avec cette entité neuroleptique universelle. Elle, qui s’adresse en tout temps à tous les peuples de la Terre, au-delà des races, des croyances et des langages!
Le plus pénible dans mon histoire – ou la meilleure des choses selon les perceptions – est que ce stupéfiant émollient est GRATUIT et accessible à tous, en vente libre sur presque tous les marchés, disponible sur pratiquement tous les supports technologiques. Elle envahit déjà vos vies sans que vous le sachiez!
On en diffuse parfois dans les grands médias, soit par charité bourgeoise ou bien sans doute pour calmer la population en temps de crise collective comme nous le vivons présentement avec des élites au pouvoir totalement illégitimes, qui pensent davantage au portefeuille de leurs amis qu’aux véritables droits du peuple : santé et éducation gratuites.
Par souci d’une meilleure communication, devrait-on l’utiliser davantage? Savons-nous vraiment le faire, d’ailleurs?
Peu importe, je la garderai dans ma vie jusqu’à la toute fin, pour moi seul si personne ne veut la subir, tel un tatouage imprimé et caché sur mon corps. Heureusement, désormais dans mon esprit, elle est devenue ma précieuse compagne complémentaire. Je me délecte à fusionner à satiété, par désir d’éternité, avec cette drogue douce – distributrice de dimensions spirituelles – formant avec elle une réalité organique absolue et temporellement unique.
Cette relation est si essentielle, c’est mon oxygène; c’est clair, j’en vibre. Mon ivresse augmente lorsqu’elle m’exprime littéralement que je suis effectivement libre dans ma vie d’animal social doué de la raison. Je le confesse : je suis né pour devenir un drogué de la musique.