Je me souviens, du temps où j’enseignais (en sec. 4), quand je posais cette question à mes groupes d’adolescents, les réponses qui revenaient le plus souvent étaient : qu’est-ce que je vais manger ce midi? Avec qui vais-je baiser ce soir? Ce qui vient confirmer que les jeunes de cet âge sont un regard perpétuel vers le réfrigérateur et une érection perpétuelle. Plus sérieusement, les grandes questions sont nombreuses. À commencer par l’économie, dont le but est de satisfaire nos besoins (quand ce n’est pas d’enrichir les riches), la politique qui a pour but de résoudre le problème du comment vivre ensemble?, la morale qui répond à la question : que faire?, etc. Mais, à mon avis, la plus importante question consistera à répondre à : qu’est-ce que le bonheur?, puisqu’il est le but ultime de l’économie, de la politique, de la morale, etc. Il me restera à suggérer une clé du bonheur.
LE BUT ULTIME : LE BONHEUR? Le philosophe Alain affirmait : «Le bonheur n’est pas un but plausible, et même dès qu’un homme cherche le bonheur, il est condamné à ne pas le trouver.» Pouvons-nous lui faire confiance? L’être humain veut-il uniquement vivre? Ou veut-il vivre heureux? Le résumé de toute l’ambition humaine ne tient-il pas en deux mots : être heureux? Pour ma part, si je m’interroge, j’en arrive vite à la conclusion que c’est ce que je veux, être heureux. Quant à lui, Aristote exprimait cette idée ainsi : «Tous les hommes aspirent au bonheur. Tous les autres biens s’y rapportent et lui ne se rapporte à rien d’autre… Le bonheur est donc la finalité ultime de l’existence humaine.» Le bonheur étant reconnu comme le but ultime de la vie, en quoi consiste-t-il?
DIFFÉRENTES CONCEPTIONS DU BONHEUR. Le bonheur : qu’est-ce? Rousseau affirmait que «tout homme veut être heureux, mais pour parvenir à l’être, il faudrait commencer par savoir ce qu’est le bonheur.» En effet, une personne peut-elle vivre heureuse sans avoir la moindre idée du bonheur? De même qu’il est presque impossible de toucher une cible que je ne vois pas, de même il m’est impossible d’être heureux si j’ignore ce qu’est le bonheur. Allons-y donc de quelques conceptions (voies) du bonheur.
1-Bonheur et religion. L’Église peut nous sembler une institution moribonde, mais ses idées ne sont-elles pas bien vivantes dans nos neurones? Quelles sont-elles? La vie ici-bas est une vallée de larmes, un lieu de souffrance pour mériter le ciel… et la vraie vie est reportée dans l’au-delà.
2-Bonheur et capitalisme. Le capitalisme veut-il notre bonheur? Frédéric Beigbeder déclare : «Je suis un publicitaire. Vous faire baver est mon sacerdoce. Dans ma profession, personne ne souhaite votre bonheur, parce que les gens heureux ne consomment pas.» Selon «The Economist», «la mission historique du capitalisme est d’étendre l’accès aux biens de consommation, non de rendre les gens heureux.» Même si le néolibéralisme voulait faire de nous des êtres unidimensionnels, ne sommes-nous pas à même de nous rendre compte que l’amélioration de nos conditions de vie ne saurait être qu’un élément partiel du bonheur humain?
3-Une façon de définir le bonheur est de me baser sur l’étymologie : «bon» et «heur», c’est-à-dire la bonne chance. Le bonheur m’arrive par chance… si j’ai une destinée favorable, si je suis né sous une bonne étoile… Le problème avec une telle conception est que si c’est le hasard qui me rend heureux, pourquoi faire des efforts? Ou m’en préoccuper?
4-Une dernière façon (pour l’instant) de concevoir le bonheur est «bona» et «hora», ce qui revient à dire qu’il consiste à passer une bonne heure, ou encore de bonnes heures. Dans cette conception, je décide d’être heureux, je décide de passer de bonnes heures. Aujourd’hui, on parle beaucoup de l’importance de se fixer des buts. Eh bien, n’est-ce pas le premier but à se fixer : être heureux? D’autant plus qu’il correspond entièrement au programme que la nature m’a tracé?
UNE CLÉ DU BONHEUR? Le contrôle de la pensée. Le bonheur étant défini comme la capacité de passer de bonnes heures, le contrôle de la pensée sera une des tâches les plus importantes dans l’apprentissage du bonheur. En effet, l’être humain est une machine à penser, et je peux toujours choisir les pensées que je veux garder en mémoire. C’est moi qui choisis comment je me sens en choisissant ce à quoi je pense. (Je n’oublie pas que la conscience est un flux de pensées et qu’il m’est difficile de me concentrer plus de 30 secondes sur le même sujet.) En ce sens, y a-t-il une leçon plus précieuse que nous pouvons apprendre à une personne que d’éduquer son cerveau?