Cinéma d’aujourd’hui: Les Garçons et Guillaume, à table! / Salaud, on t’aime

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Les Garçons et Guillaume, à table!

«Et moi l’objet qui me fait le plus peur au monde, c’est le cheval.»

Dans cette adaptation de son one-man show pareillement titré, Guillaume Gallienne nous offre un aperçu aux notes poétiques, mais surtout très espiègles, de son propre parcours sexuel, en retraçant les nombreux malentendus et ambiguïtés dont il a fait l’objet depuis son jeune âge. Le film discute ainsi du pouvoir des étiquettes et des influences extérieures dans la construction de l’identité, tout en soulignant à grands traits l’importance renouvelée du «connais-toi toi-même» face à l’effritement des définitions traditionnelles du genre.

La réalisation, le premier rôle (Guillaume) et le second rôle (Maman) étant tous assurés par Gallienne lui-même, et l’histoire étant ni plus ni moins qu’une mise en image de sa vie personnelle, le film oscille du début à la fin entre l’intime et l’exhibition, ce qui lui donne sa couleur singulière, mais qui laisse aussi en arrière-fond l’impression tenace d’un «regardez-moi, Guillaume Gallienne, tel que je suis». À ce niveau, l’œuvre rejoint l’une des tendances actuelles en art qui consiste à employer le récit individuel pour mettre en lumière des vérités collectives, ce à quoi le film parvient, mais pas totalement (la dernière scène, par exemple, a surtout des allures d’aveu thérapeutique).

Parce qu’il est avant tout un témoignage, Les Garçons et Guillaume, à table! ne s’inscrit donc pas dans la même catégorie d’humour que les comédies fictives : ce qui fait sourire n’est pas, dans la plupart des cas, la qualité des chutes ou l’originalité du comique de situation, mais bien l’ambiance générale engendrée par cet univers où la vérité et l’invraisemblable se côtoient sans discernement. Gallienne s’amuse d’ailleurs ouvertement avec cette ambiguïté en poussant parfois l’absurde au-delà des limites du plausible, notamment lors de la scène de son arrivée en Angleterre et celle du souper avec sa grand-mère.

La force principale du film reste au final l’interprétation, dans laquelle Gallienne fait preuve de beaucoup de finesse. L’intelligence de son jeu se perçoit notamment dans le grossissement des traits fondamentaux du jeune Guillaume (la naïveté, la dépendance, la peur) et de Maman (le caractère, l’humeur revêche et le manque apparent d’empathie), ainsi que dans sa capacité toute particulière à camper dans le mouvement des deux personnages les attributs du féminin. Gallienne célèbre de cette façon la femme sans trop la glorifier, tout en questionnant gentiment au passage les présupposés entourant l’homme moderne.

Salaud, on t’aime

«Le hasard a du talent.»

Plus récent film de Claude Lelouch, Salaud, on t’aime possède ses forces, mais accumule aussi un nombre considérable d’imperfections. Librement inspiré de la vie du réalisateur, le film raconte l’histoire d’un photographe célèbre vivant en retraite fermée (Johnny Hallyday) qui, par le concours de son meilleur ami et médecin (Eddy Mitchell), parvient à rassembler ses quatre filles pour l’une des rares fois de sa vie. Toutes nées de mères différentes, ces dernières entretiennent face à lui un rapport d’amour/haine qui se concilie mal à l’amour sincère que lui porte sa dernière femme (Sandrine Bonnaire). Lelouch nous propose ainsi un regard honnête sur la famille, l’amour et les exigences du pardon, dans lequel peuvent se reconnaître les familles éclatées d’aujourd’hui.

Pour ce qui est des forces du film, il faut d’abord complimenter Sandrine Bonnaire qui épate par la juste modération de son jeu lors des scènes chargées émotivement (ce qui n’est pas le cas pour tous les acteurs). Au niveau de la réalisation, les scènes plus réussies sont incontestablement les tableaux familiaux sur fond de musique, qui respirent la joie de vivre, et les prises de vues époustouflantes qui attestent l’expérience de Lelouch. Les dialogues méritent aussi leur mention, surtout en ce qui concerne les insultes amicales et les jeux d’esprit que s’adressent les personnages une fois rassemblés.

Malgré ses bons coups, l’œuvre possède plusieurs revers qui entachent fortement le rendu général. Outre la surabondance des métaphores d’aigle, la direction qui semble lors de plusieurs scènes laisser les acteurs à eux-mêmes et le dénouement qui survient trop brusquement dans le schéma narratif pour créer le choc désiré, Hallyday apparaît à plusieurs moments trop rigide à l’écran et Mitchell quelque peu soubresautant dans son intensité. Ces quelques manques donnent au final l’impression que le film a été réalisé un peu rapidement, ce qui ne rend pas justice ni au matériel de base ni aux acteurs qui y figurent.

Indépendamment de ces faiblesses, les amateurs y trouveront tout de même de quoi les intéresser.

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Prochainement au Cinéma Le Tapis Rouge (www.cinemaletapisrouge.com) :

  • Vivre est facile avec les yeux fermés de David Trueba (depuis le 5 septembre – gagnant du meilleur film 2014 en Espagne)
  • Aimer, boire, chanter d’Alain Resnais (depuis le 12 septembre – du même réalisateur que Nuit et Brouillard et Les Herbes folles)
  • Le long week-end du court (du 26 au 28 septembre – rétrospective des courts-métrages parus dans la dernière année)

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