Le jeudi 14 novembre dernier, Coïncidences Productions était de passage à la salle Louis-Philippe-Poisson de la Maison de la culture de Trois-Rivières pour y présenter la première médiatique de sa plus récente pièce de théâtre, Les Émigrés. L’atmosphère de la pièce incitait son public à la réflexion lors de cette soirée.
La pièce met en scène deux hommes émigrés, un ouvrier joué par Patrick Lacombe et un intellectuel interprété par Camil Bergeron, qui réveillonnent en huis clos le soir du jour de l’An. Seul l’exil semble les réunir, car sur le plan identitaire, tout semble différent, voire à l’opposé. Toutefois, une certaine dépendance se dessine entre les deux hommes. «Plus on avance dans les répétitions, plus je vois mon personnage comme un être totalement dépendant, lance l’acteur Camil Bergeron. «Il ne l’aime pas vraiment, mais il meuble sa vie, il a besoin de sa présence.» Une relation amour/haine s’esquisse entre les deux hommes lors de cette soirée qui est supposément une fête.
L’incertitude au cœur du texte et de la représentation
Quand le spectateur semble cerner l’identité et la fonction d’un personnage, cette compréhension passagère flanche. C’est une opposition constante entre compréhension et incompréhension, autant des personnages que du sens de l’œuvre. Il s’agit d’une production déstabilisante où le solide jeu des acteurs trifluviens met en valeur cette perpétuelle remise en question de l’action qui vient tout juste de se produire. Toutefois, la pièce demeurait statique et immobile, emmurée dans une réflexion philosophique sur les thèmes centraux du texte, même si plusieurs mécanismes comme l’ironie invitaient l’audience à la rigolade par moment. Malgré le texte puissant et le jeu béton des deux acteurs trifluviens, la pièce manquait quelquefois de rythme et de magie.
«La réflexion proposée ainsi que les enjeux soulevés par l’auteur sont, encore aujourd’hui, au sein de nos préoccupations quotidiennes.» – Michèle Leblanc, metteure en scène.
La représentation s’est voulue fidèle au texte et laissait le lecteur sur une réflexion. C’est un but que s’était fixé la metteure en scène Michèle Leblanc. «La réflexion proposée ainsi que les enjeux soulevés par l’auteur sont, encore aujourd’hui, au sein de nos préoccupations quotidiennes», dit-elle. Le texte du tout récemment défunt auteur Slawomir Mrozek aborde de front les thèmes de l’identité, de l’exil et des relations humaines.
Le théâtre de l’absurde
Le décor était minimaliste, ce qui renforçait l’appartenance de la pièce au théâtre de l’absurde. Pour ajouter à cet effet, plusieurs moments de la pièce ont été joués avec une luminosité minimale. Les trames sonores étaient majoritairement composées de bruits lugubres. Parfois, Minuit chrétien, cet air empreint dans la mémoire collective québécoise et associé au temps des Fêtes, accentuait cette ambiance qui réduisait tout à l’essentiel et qui plongeait l’audience dans un univers sombre. Cela permettait aussi de constater l’isolement et la dépendance des deux personnages principaux. Ce tout avait un côté beckettien en cet épuisement de la parole et du sens. Les choix scéniques avantageaient ce manque d’ancrage dans une réalité physique qui était présent dans l’unique but de déstabiliser le spectateur. L’atmosphère était très bien construite et les choix de mise en scène étaient tout aussi adéquats et justes.
Pour avoir plus d’informations sur la pièce de théâtre et sur la compagnie Coïncidences Productions, vous pouvez visiter le www.coincidencesproductions.com.