Dans les lunettes du frisé: On se lasse du curé

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Je ne sais pas si vous aviez remarqué, mais pour ceux qui n’étaient pas au courant, depuis environ deux semaines, c’est la fête de la poésie à Trois-Rivières. Deux festivals cohabitent depuis maintenant huit ans: le Festival International de la Poésie de Trois-Rivières (FPTR), pour les poètes établis, et l’Off-festival de poésie, pour les voix émergentes.  L’harmonie entre les deux évènements, vous dîtes, aujourd’hui, oui, mais il y a huit ans, c’était autre chose. Je vous explique en bref. Ou peut-être en image, pourquoi pas ?

Je suis un nouveau fan des évènements poétiques. Je dois l’avouer avant la poésie me semblait légèrement incompréhensible. Je vous rassure, elle l’est toujours autant. Toutefois, je l’apprécie beaucoup plus qu’avant parce qu’il y a dans l’expérience des mots, dans les lectures de poésie, un souffle et une vitalité qui s’enchâssent dans la poésie. Un véritable plaisir, maintenant.

Lire un recueil et entendre le poète lire les mêmes écritures de son recueil sont deux choses complètement antithétiques. Le premier acte est beaucoup plus intime, voire personnel: seul avec un bouquin entre les mains assis, couché ou même debout; bref l’expérience de lecture est impressive et solitaire. Le deuxième est beaucoup plus collectif: le poète fait bouger les mots, les fait sonner, résonner, vibrer pour son public. Il joue avec les mots de son poème pour insuffler un charme et une unicité, partageant ainsi le monde tel qu’il le voit, tel qu’il le comprend. On a ainsi accès à son imaginaire, c’est-à-dire comment il voit non seulement le poème, mais aussi la vie. Il s’agit d’un acte dynamique, enrichissant même. Mais, malheureusement, ce n’est pas toujours le cas.

Parfois, les poètes me font penser aux vieux curés.

Je m’explique: vous savez, j’appartiens à cette dernière génération qui avait des cours de catéchèse à l’école. Je ne parle pas du cours d’éthique et culture religieuse, au contraire, c’était l’enseignement pur et dur des rudiments de la religion catholique: tout le charabia de l’Ancien/Nouveau Testament, les apôtres, et tout le kit. Alors, des curés qui chantent les cantiques sur le même ton faussé, ou qui font leur sermon sur la même foutue voix monotone, j’en ai vu et entendu. C’était d’une platitude absolue. Pour vrai, j’insiste, voici l’image: un vieux, souvent chauve, ou avec beaucoup de cheveux blancs, qui parlait sur la même voix insipide et endormante et qui abordait des sujets tout aussi farfelus les uns que les autres. Vous voyez la scène?

Parfois, la poésie peut ressembler à ça, à ce que je viens de décrire. Et quand c’est le cas, je regrette d’avoir passé ma soirée à écouter de la poésie au lieu de l’avoir lu chez moi, ou d’avoir fait carrément autre chose. Parce que le statique me fait penser à la platitude du curé et de son sermon.

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Je suis allé voir plusieurs évènements durant les deux semaines du festival, notamment le samedi soir du 5 octobre où j’ai assisté à la série Poème de nuit au Zénob. Il y avait plusieurs poètes de tous les horizons rassemblés cette soirée-là dans le mythique café-bar du centre-ville. Le talent était évidemment au rendez-vous: deux récipiendaires du Prix du Gouverneur général de poésie en Denise Desautels et Pierre Ouellet, un finaliste de ce même prix en Claude Beausoleil et deux poètes de la relève dont Sébastien Dulude, fort de son premier recueil de poésie, et Jean-Sébastien Larouche, cofondateur de la maison d’édition L’écrou, un incontournable au sein de la relève, voire même de la poésie québécoise en général.

Après une performance sans faille de Claude Beausoleil qui nous amenait dans les dédales du pays américain de Jack Kerouac où il rendait son texte de manière sublime avec un rythme dans son phrasé qui donnait la sensation d’entendre un train lointain en écho de ses vers de liberté, de grandeur humaine, de territoire insaisissable, j’étais réellement excité de voir deux Prix du Gouverneur général. Imaginez, je veux dire c’est LE prix de poésie au Canada, c’est LA consécration ultime pour un poète d’ici, et Beausoleil est seulement finaliste, deux gagnants en lecture: ce doit être quelque chose, tout de même, Non ?

Et quelle déception, mais quelle déception! C’était des lectures de curés. Denise Desautels et Pierre Ouellet ont sincèrement été les deux lectures les plus statiques de la soirée. Monotone, d’une voix nasillarde pour Pierre Ouellet et en cul de poule à la française pour la Québécoise Denise Desautels.  Ça me rappelait ces jours passés à l’église assis sur un banc de bois à écouter le vieux fou. Déception.

Une chance que les deux poètes habitués du Off-festival ont sauvé la mise de la soirée. Dulude avec sa poésie incisive qui abordait le thème de la sexualité de manière douce, mais choquante et Larouche qui s’adonnait à une poésie trash déconseillée pour les oreilles chastes ont vraiment su amener avec eux la scène controversée de la relève, c’est-à-dire le dynamisme, les sujets bruts, l’incisif, dans un endroit habitué à la tradition statique de la poésie d’église.

Est-ce que le FPTR et l’Off vivent en harmonie?  Maintenant oui, mais il y a huit ans, c’était autre chose.

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