
L’artiste Christine Ouellet présente sa toute première exposition solo, «Désordre en chantier», à la Galerie d’art du Parc. Dans le cadre de cette exposition, elle s’est intéressée aux traces que nous – humain.e.s – laissons de façon concrète ou métaphorique dans le monde. Divisée en trois temps, elle réunit les œuvres installatives Entre l’intimité et l’exhibition 2.0, Ruines digitales et AOC no.3.
Christine Ouellet est native de Québec, mais elle habite désormais le village de Saint-Élie-de-Caxton. Elle est bachelière en arts visuels (nouveaux médias) de l’UQTR et diplômée en céramique de la Maison des métiers d’art de Québec. Elle poursuit actuellement ses études au deuxième cycle en arts – la maîtrise par cumul en arts – à l’UQTR. Son travail de recherche a pour point de départ ses préoccupations environnementales et une réflexion sur son mode de production. Son essai aura pour titre «S’EN FAIRE – FAIRE OEUVRE : rejouer ma production pour en tirer une nouvelle substance». D’ici quelques mois, elle déposera son essai ; l’UQTR recevra les essais de la toute première cohorte de la maîtrise par cumul en arts.
Son travail a été diffusé tout récemment à l’UFR des Arts dans le cadre de l’exposition collective «Transparence/Transparaitre (Volet 2 – Amiens)» organisée en partenariat, entre autres, avec l’UQTR, le Groupe URAV et l’Université de Picardie Jules Verne. Elle a également participé à la table-ronde qui a eu lieu lors de LA NUIT DES IDÉES : «ÊTRE VIVANT[.E]» qui s’est déroulée à la Galerie R3.
L’humain.e et son rapport au monde
La première œuvre qui ouvre l’exposition est Entre l’intimité et l’exhibition 2.0 – sans doute celle qui m’a le plus touchée. Sur les cartels, aucune description des œuvres n’est inscrite. Nous y retrouvons seulement les titres ainsi que les matériaux utilisés. Les spectateur.trice.s sont ainsi amené.e.s à réfléchir le sens des œuvres presqu’entièrement par eux.elles-mêmes, ce qui peut être à la fois libérateur et vertigineux. Une stratégie à double tranchant.
Les sous-vêtements ont été retravaillés, puis figés dans le temps, ce qui nous amène à les envisager comme des traces.
Dans le cas de Entre l’intimité et l’exhibition 2.0, le titre est très révélateur. L’intime est partagé avec le public. Des sous-vêtements en porcelaine sont suspendus sur des cordes à linge. Il y en a de différentes tailles et chacun sont distincts. Alors qu’ils sont habituellement fait de matériaux souples et légers comme le coton et la dentelle, ils sont ici solides et figés dans un seul mouvement. Nous avons ainsi affaire à leurs représentations. Les sous-vêtements ont été retravaillés, puis figés dans le temps, ce qui nous amène à les envisager comme des traces. Ils font alors plutôt acte d’absence que de présence. En arrière-plan, une projection vidéo défile lentement. Elle rappelle le ciel, un coucher de soleil brumeux. Lorsqu’on s’y attarde, on constate qu’autre chose s’y cache sans qu’on puisse en définir l’objet. L’ambiguïté suscite la curiosité des spectateur.trice.s.
Pour finir, l’œuvre fait écho au quotidien, plus particulièrement au lavage, mais la porcelaine cassée au sol, la lourdeur des sous-vêtements, leurs ombres ainsi que la projection vidéo viennent le bousculer.

Accumulation, traces et hybridation
Un point commun réunit les trois installations : l’accumulation par la répétition du geste. L’œuvre AOC no.3 est celle où la notion d’accumulation est la plus présente. Plus d’une centaine d’œufs en porcelaine sont disposés sur des cartons d’œufs et au sol. Sur chacun d’entre eux, les prénoms les plus populaires y sont gravés. Dans cette œuvre-ci, une vidéo est aussi projeté en arrière-plan. Elle met ainsi en relation des matériaux dits traditionnels et des nouvelles technologies. Au sein des trois œuvres, l’artiste fossilise les objets du quotidien afin d’en garder la trace ou bien le souvenir : des sous-vêtements, des traces de pneus, des œufs. L’accumulation, l’hybridation des différents matériaux et différentes technologies ainsi que la notion de trace sont des processus qui permettent de créer un dialogue entre ces éléments et confronter les spectateur.trice.s avec la rencontre de la nature et la culture.
Il est d’ailleurs possible de qualifier son travail de poélitique, c’est-à-dire qu’il est à la fois poétique et politique. Elle traite d’enjeux contemporains avec une très grande sensibilité et son travail comporte souvent, pour ne pas dire toujours, une dimension poétique.
Réutiliser ses œuvres : une pratique écoresponsable
Habitée par des préoccupations environnementales, Christine Ouellet propose une réflexion sur son mode de production. Plusieurs artistes se sont tourné.e.s vers des pratiques éphémères afin de ne pas produire d’autres «objets» alors que le monde en regorge. Les formes d’art relationnel et d’art performance en sont des exemples. Christine Ouellet, pour sa part, nous propose une autre alternative. «Je suis céramiste et je crée des œuvres qui comportent des milliers d’éléments fabriqués. Je me demande pourquoi je continuerais de fabriquer des objets d’art alors qu’il y a tant d’objets de consommation», affirme l’artiste. Christine Ouellet «réutilise [s]es œuvres comme si elles étaient [s]es matériaux». «C’est le moyen que j’ai trouvé pour éviter les cas de conscience et pour être cohérente avec mes préoccupations», souligne-t-elle.
En cette Journée internationale des droits des femmes, nous nous réjouissons de constater que les femmes sont de plus en plus représentées en art contemporain.
La Galerie d’art du Parc présente du 23 février au 5 avril 2020 une programmation entièrement féminine. En plus de l’exposition de Christine Ouellet, Camille Rajotte présente «Jambage, traverse et appui» et, au 3e étage, Alejandra Basañes présente son travail de recherche jusqu’au 29 mars 2020. En cette Journée internationale des droits des femmes, nous nous réjouissons de constater que les femmes sont de plus en plus représentées en art contemporain.
L’exposition «Désordre en chantier» est présentée à la Galerie d’art du Parc, 864, rue des Ursulines, Trois-Rivières, jusqu’au 5 avril 2020.