Sincèrement, j’ai le meilleur papa du monde. Il n’y a rien que je puisse lui reprocher. Rien, sauf une chose. En octobre 1995, Cimon n’est pas allé voter. J’aime m’imaginer le voir déposer son bulletin de vote dans la petite boite en carton. J’aime imaginer que cet insignifiant bout de papier aurait changé le cours de l’histoire du Québec. Je sais pertinemment que même si mon père avait voté, le résultat aurait été le même. Je ne peux quand même pas tenir mon père responsable du deuxième échec d’émancipation du Québec. Ne t’en fais pas papa, je ne t’en tiens pas rigueur, tu avais sans doute des choses plus importantes à faire. Ne t’en fais pas papa, car aujourd’hui, il nait dans une instabilité politique et sociale, une lueur d’espoir pour les gens comme nous. Des gens qui n’ont jamais maitrisé le français, mais qui l’aiment plus que tout. Les deux pieds dans un monde tiraillé s’avance « la prochaine fois ». Serge Bouchard écrira dans son ouvrage Un café avec Marie : « une grande crise peut être une grande occasion ». Elle est là l’occasion ! Il est temps que le Québec sorte de sa position de sujet canadien et s’affranchisse. Il est temps de renverser cette ingérence canadienne, car non, « les gens [ne] se foutent [pas] des champs de compétence » M. Trudeau. La centralisation des pouvoirs, ne me semble jamais une bonne chose, encore moins une avancée pour le Québec. Notre Québec.
« Maître partout » plutôt que « Maître chez nous »
Le slogan culte « Maître chez nous » a d’abord été lancé lors de la campagne électorale de Jean Lesage en 1962. La nationalisation de l’hydroélectricité était un objectif majeur pour lui. C’est d’ailleurs René Lévesque, alors ministre des Richesses naturelles, qui a suggéré au gouvernement de racheter toutes les compagnies d’électricité privées pour les regrouper sous Hydro-Québec, une société d’État établie en 1944. À cette époque, Hydro-Québec, donc le Québec, ne possédait qu’une infime place dans le secteur de l’énergie.
Dans les années 60 et 70, ce slogan a été popularisé, particulièrement lors du débat sur la souveraineté du Québec. De nos jours, il exprime le désir de contrôler ses propres affaires, sans ingérence extérieure. Cette expression symbolise l’autonomie et la capacité de prendre des décisions indépendantes en tant que nation québécoise. Pas rien quand même !
Récemment, notre premier ministre canadien a déclaré en point de presse suite au dépôt de son budget : « les citoyens se foutent de quel ordre de gouvernement est responsable de quoi. Ils veulent que leurs loyers soient abordables, que leur épicerie ne coûte pas trop cher et que les enfants soient en bonne situation pour pouvoir réussir. » Pour ma part, ce genre de déclaration provoque un problème intuitif. Ces propos entrent en contradiction directe avec mon ressenti immédiat. Même pour ceux qui s’opposent à l’affranchissement du Québec, je n’ai pas l’impression qu’ils se foutent de savoir quelle instance les gouverne. Mais ça, c’est mon ressenti.
Si on se penche sur des bases « empiriques », on peut citer le dernier sondage réalisé par Léger. Je cite ce sondage sous toute réserve, car je n’ai pu voir la méthodologie. Selon cette firme spécialisée dans les sondages, « 82% des répondants croient que les gouvernements doivent respecter leurs juridictions respectives. 74% d’entre eux estiment qu’Ottawa doit obtenir l’accord des provinces pour intervenir dans leurs juridictions. »
Afin d’illustrer mes propos, et démontrer pourquoi les libéraux veulent outre-passer la juridiction québécoise, prenons la crise du logement comme exemple. Nous le savons tous, la crise du logement touche beaucoup de gens, autant canadien que québécois. J’avoue qu’il peut être tentant de s’en remettre à quelqu’un d’autre que la ministre québécoise de l’habitation, France-Élaine Durenceau, alors que celle-ci déclarait, à propos de son projet de loi 31, « tu ne peux pas utiliser un droit qui n’est pas le tien de céder un bail, quand ce n’est pas ton immeuble. Le locataire qui veut faire ça, qu’il investisse en immobilier. » Chers lecteurs, les élections s’en viennent.
Avec son nouveau budget, Ottawa veut, par exemple, obliger les provinces à signer une entente, et il le somme de le faire avant la fin de l’année. Si le gouvernement provincial refuse cette entente, Ottawa menace de faire directement affaire avec les villes. Cette entente veut intégrer le fédéral dans les plans d’urbanisme des municipalités. Il veut par exemple « déterminer la hauteur et la densité des quartiers résidentiels dans un rayon de 800 mètres des institutions d’enseignement ou des lignes du transport en commun ». Autre exemple, Ottawa veut acheter des terrains appartenant aux provinces et louer ces terrains à des promoteurs.
Ces quelques exemples démontrent la volonté du gouvernement fédéral d’outrepasser le gouvernement Québécois. Celui-ci tente de diviser la nation québécoise afin de mieux régner. Des exemples comme cela, il y en a dans d’autres domaines, notamment l’immigration. Qui d’autre est mieux placé que le Québec pour connaître les besoins en immigration sur son propre territoire ? Nous sommes « Maîtres chez nous ».
Un débat essentiel pour réaffirmer le Québec
En février, Québec solidaire a lancé une campagne pour promouvoir l’indépendance du Québec. Au Parti Québécois, la souveraineté et l’indépendance du Québec ont toujours fait partie des combats et valeurs profondes.
Malgré que les prochaines élections provinciales soient prévues seulement dans deux ans, j’ai l’impression que les élections fédérales nous poussent à remettre de l’avant ce débat. Depuis le dernier référendum en 1995, cette question n’était plus mise à l’avant plan dans les débats sociaux et politiques. Par contre, avec la popularité des Conservateurs dans les sondages, on se demande de plus en plus quelle est notre place dans le territoire canadien.
Peu importe sa position, ce débat est essentiel, surtout en temps de crise. Celui-ci nous forcera à savoir ce que nous voulons pour l’avenir du Québec. Il est temps que ces échanges viennent aux oreilles des nouvelles générations, simplement pour ne pas oublier l’histoire, et s’en inspirer. Il est important de comprendre que le Québec est une nation particulière, qu’elle est unique au monde. Nous possédons un héritage très précieux.
Le Québec n’a besoin de personne pour se représenter
Alors que je me trouvais en Allemagne cet été, ma classe et moi visitions les bureaux de l’Antenne du Québec à Berlin. Les personnes présentes nous expliquaient que le Québec rayonne à l’international, voire davantage que le Canada. Le Québec n’a besoin de personne pour se représenter, il le fait très bien lui-même. Partout dans le monde, nous sommes un exemple, en termes d’éducation et de santé notamment.
Nous sommes experts, nous n’avons pas besoin de personnes d’autres encore une fois.
Il y a, à mon sens, beaucoup d’arguments en faveur de l’indépendance du Québec, mais mes mots sont comptés. « À une prochaine fois » peut-être ? Dans une prochaine chronique ? En attendant, je termine ce dernier éditorial par une citation de Gabriel Sainte-Marie.
« Du “Maîtres chez nous“ des Québécois, on glisse vers un fédéral “maître partout“. Nous aurons le choix : laisser le fédéral et la nation voisine dicter d’en haut leurs priorités et décider à notre place de nos choix de société à même notre argent. Ou choisir d’assumer pleinement notre entière souveraineté ».
Sources
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2062998/annonces-prebudgetaires-champs-competence
https://plus.lapresse.ca/screens/9b63e498-1731-4d81-8091-67ed086854e3%7C_0.html
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2048135/quebec-solidaire-independance-parti-quebecois
https://quebecsolidaire.net/propositions/nos-principes
https://www.electionsquebec.qc.ca/comprendre/comprendre-la-democratie-et-les-elections/referendums
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2064853/plamondon-chef-pq-troisieme-referendum
https://www.lautjournal.info/20240327/ingerences-dans-les-champs-de-competence-du-quebec
https://www.lautjournal.info/20240327/un-gouvernement-qui-travaille-la-depossession-du-bien-commun
https://www.lautjournal.info/20240412/la-republique-du-quebec-est-une-valeur-ajoutee
https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/grandes-series/239/larevolutiontranquille50ansapres
https://usito.usherbrooke.ca/articles/th%C3%A9matiques/paquin_1
https://books.openedition.org/pum/15288?lang=fr
https://histoire.recitus.qc.ca/periode/explorer/1945-1980/chapitre/revolution-tranquille