Publié en novembre dernier aux éditions XYZ, l’essai politique En rupture avec l’État: Comment s’incarne le libertarianisme au Québec? dresse un portrait de la situation politique actuelle de la belle province en mettant l’accent sur le mouvement libertarien.
Écrit par Thomas Laberge, journaliste politique à l’Assemblée nationale, cet essai est un incontournable pour quiconque désire avoir une meilleure compréhension des origines de cette tangente politique. Présentant les origines et l’histoire du libertarisme avant de souligner les façons dont ce dernier s’implémente au Québec, Laberge réussit, en clarifiant plusieurs aspects de cette philosophie politique, à rendre cet ouvrage assez accessible.
Les visages du libertarianisme
En rupture avec l’État commence avec une courte introduction qui vise à justifier la nécessité d’un tel essai. Tandis que les derniers mois ont soulevé plusieurs questionnements en lien avec le libertarianisme, notamment en raison de l’apparition de partis politiques comme le Parti populaire du Canada, l’objectif de cet ouvrage n’est pas nécessairement d’y répondre. Laberge mentionne que son livre cherchera « plutôt à montrer comment les réflexions [que ces questionnements] engendrent permettent de mieux comprendre la structure du débat politique et canadien. »
« Le québec d’aujourd’hui est donc encore bien loin d’être sur la voie de devenir une utopie libertarienne. mais qu’à cela ne tienne, les libertariens québécois ne comptent pas baisser les bras. »
Dans son premier chapitre, l’auteur fait des distinctions importantes entre le libertarisme, l’anarchisme et le libéralisme. Expliquant de façon brève, mais éclairante, l’influence de diversEs penseurEs sur le libertarianisme, en passant de Friedrich Hayek à Ayn Rand jusqu’à Milton Friedman, Laberge souligne les moments marquants de l’histoire politique américaine. Laberge en vient à séparer les libertarienNEs en cinq catégories, en s’appuyant sur le classement de Sébastien Caré: les paléolibertarienNEs, les randroïdes, les preppies, les hippies et les cyberlibertarienNEs. Sans chercher ici à répéter les propos de Laberge, il reste que la lecture de ce premier chapitre permet au lectorat peu éduqué à ce sujet de comprendre que ce mouvement philosophique est loin d’être aussi homogène que le laissent penser certaines personnes.
Le libertarisme québécois
Après avoir fait le survol de l’histoire américaine du libertarisme, Laberge se penche sur celle du Québec et du Canada. Impossible de passer à côté des noms de Maxime Bernier, d’Éric Duhaime, de Martin Masse et de Vincent Geloso. L’auteur s’est même entretenu avec certains d’entre eux pour rédiger son ouvrage. Un peu plus loin dans le livre, Laberge traite des liens entre la mouvance libertarienne et le nationalisme. Cependant, c’est le chapitre « Libertarianisme covidien et dérives totalitaires » qui attire particulièrement le regard. En effet, après des mois de pandémie où l’on a assisté à des prises de position publiques plutôt controversées, il aurait été maladroit de la part de Laberge de taire les rapprochements qui existent entre les constations des mesures sanitaires et certains organes libertariens du Québec.
Une caricature ou une vision réaliste?
Bien que l’ensemble du livre soit basé sur des faits et des ouvrages publiés précédemment, En rupture avec l’État se conclut par un prologue fictif qui se déroule dans un Québec libertarien. Même s’il est amusant de lire cette version parfois utopique, parfois dystopique de notre patrie, il reste que certaines parties de ce prologue semblent un peu exagérées. Le Québec imaginaire qui est présenté en fin de livre, bien que tragiquement comique, dessine une nation complètement transformée par les idées les plus extrêmes du libertarianisme. Par exemple, il semble presque caricatural de penser qu’un premier ministre libertarien trouverait acceptable, au nom de la liberté complète, qu’une enfant de 11 ans vende légalement de la cocaïne québécoise pour espérer un jour aller à l’université. Tandis que l’essai était généralement plutôt neutre, ce prologue laisse présager que malgré ses efforts d’impartialité, Laberge ne peut s’empêcher de clore l’ouvrage en mettant en lumière les pires facettes de cette philosophie politique.