Comment est-ce possible qu’un individu ayant commis un crime grave puisse sortir de prison après peu de temps de détention? Voilà une question posée régulièrement par la population lors d’histoires criminelles médiatisées au Québec. Différentes raisons peuvent venir expliquer la décision du système de justice québécois, dont tout particulièrement l’irresponsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.
Selon la loi du pays, un individu peut ne pas être reconnu coupable de ses gestes lorsque le crime de ce dernier est causé par une maladie mentale. Par exemple, si une personne est atteinte de schizophrénie (maladie touchant 1% de la population) et qu’elle commet un geste criminel lors de la phase active de sa maladie, il est possible que ce geste puisse être expliqué par une perte de contact avec la réalité. Cette perte de contact, nommée psychose, est caractérisée par des hallucinations et des délires. Dans ce cas, il ne serait pas possible d’accuser automatiquement la personne comme étant entièrement responsable de son crime.
Prenons le rêve. Lorsque vous rêvez, vous avez l’impression que ce que vous voyez est bien la réalité. Il peut même arriver que certains d’entre vous posent parfois des gestes dans vos rêves que vous n’auriez jamais faits dans la vie réelle. La psychose qui est présente dans certaines maladies mentales se compare à cette perception. Il est difficile pour la personne en phase psychotique de faire la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Prenons l’exemple du cas de l’homme qui a assassiné ses parents et qui a congelé ces derniers en 2007, dans la région de Trois-Rivières. Cet homme était déconnecté de la réalité lors de ses gestes.
D’un autre côté, le cas du meurtrier de Jun Lin sera un procès qui risque de marquer l’histoire du système judiciaire. Il est possible qu’en raison de la nature exceptionnelle de son crime, des changements au système puissent se produire en se basant sur ce cas. Malgré un passé de schizophrénie paranoïde datant de 2005 chez l’accusé et la nature bizarre de son crime, il est tout de même trop tôt pour s’avancer à confirmer s’il avait ses moyens lors de ses actes de 2012.
Toutefois, là où le titre de ce texte peut susciter les débats les plus controversés, est lorsque le trouble en question n’est pas marqué principalement d’une perte de contact avec la réalité à caractère psychotique. Par exemple le trouble d’adaptation, qui est une réaction émotionnelle face à un facteur de stress. Le médecin qui a assassiné ses deux enfants il y a quelques années a eu ce diagnostic et est maintenant en «liberté», sous certaines conditions. Cette décision de la cour n’est pas partagée par tous les professionnels de la santé mentale et surtout pas par la population. La raison? Le crime semble avoir été une crise de colère, et non une maladie l’empêchant d’avoir pleinement conscience de ce qu’il faisait. Ceci est sujet à débat, car la décision remet en doute toute la question d’irresponsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.
La question à se poser comme société face aux risques liés à l’irresponsabilité criminelle est la suivante: est-ce que la personne accusée sera encore une menace après sa peine? Et si oui, à quel degré? L’idée de permettre une liberté après quelques années aux personnes non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux est basée sur la philosophie de réinsertion en société. D’où l’importance de bien traiter le trouble de santé mentale, afin que la personne ne représente plus un risque pour elle-même ou pour les autres. Toutefois, il n’est pas toujours avantageux pour une personne de plaider non criminellement responsable, car il est possible que cela allonge le processus judiciaire. Et contrairement à ce qui est véhiculé dans les médias, ces cas ne sont pas si fréquents que l’on pourrait le croire.
Il est difficile pour la personne en phase psychotique de faire la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas.
Il est nécessaire de bien distinguer la différence entre la personne non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux et le criminel habituel ayant la nette intention de commettre ses gestes. Les psychopathes ou personnalités antisociales sont des gens ayant une pleine intention derrière leurs gestes, qui n’ont aucun remords et qui ne sont pas touchés par une perte de contact avec la réalité. Ils ont de lourdes peines de prison, allant jusqu’à la prison à vie.
La peine de mort est également une possibilité dans certains endroits pour les antisociaux. Celui qui a fait la fusillade dans un cinéma au Colorado en 2012 risque la peine de mort s’il n’est pas reconnu non criminellement responsable de ses gestes pour cause de troubles mentaux. Comme Québécois, si vous êtes en faveur de ce type de décision, à partir de quand seriez-vous prêt à imposer une peine de mort? Où est votre limite?
Il peut être difficile pour les victimes, les proches des victimes et un pourcentage de la population d’accepter certaines décisions du système judiciaire. Il y a d’un côté l’argument de la défense qui mentionne l’irresponsabilité criminelle de l’accusé. Du côté de la couronne, les gens comprennent cela, toutefois il peut quand même y avoir de la colère, de l’incompréhension, un désir de vengeance et un sentiment d’injustice. La complexité de l’expérience repose alors sur un conflit entre le système de lois et les valeurs personnelles.