
L’entrepreneur social est un réel baume sur nos sociétés. Qui sont ces héros des temps modernes? Qui sont ces gens qui se dévouent corps et âme à améliorer nos milieux de vie? Et surtout, en quoi sont-ils différents?
Le rôle de l’entreprise n’est que de réaliser le profit. Affirmation brute qui fait mal. Milton Friedman, en 1970, balançait cette rengaine, comme un pavé dans la marre, qui a fait verser beaucoup d’encre à l’époque. À l’inverse, en 2019, la Business Roundtable, organisation réunissant les plus grandes entreprises états-uniennes, publiait sa Déclaration sur l’objet d’une société (traduction libre). Les PDG des grandes entreprises y expliquaient leur vision de l’entreprise, comme un réseau dont il faut prendre soin, des fournisseurs aux clients. Alors que les PDG commencent à laisser entrevoir la possibilité d’une certaine responsabilité sociale, certains individus de nos sociétés y sont déjà bien habitués : les entrepreneurs sociaux.
Mais qu’est-ce qu’un entrepreneur social?
Un entrepreneur social, c’est toutes sortes de choses. C’est la personne qui siège sur les conseils d’administration d’organismes à caractère social, mais c’est aussi la personne qui sert la soupe tous les midis à la soupe populaire. C’est l’universitaire qui crée une clinique d’impôts, mais aussi le créateur d’une campagne pour lever des fonds pour une cause sociale. Bref, nous sommes entourés d’entrepreneurs sociaux. Si je me permets d’emprunter les mots de l’économiste Joseph A. Schumpeter, «entreprendre consiste à changer un ordre existant». Ainsi, l’entrepreneur social sous-tend à une volonté de changer l’ordre social existant.
On a d’ailleurs besoin de plus d’entrepreneurs sociaux, de davantage de ces gens qui remettent en question nos sociétés et prennent action pour les modifier. Ce sont des personnes importantes pour nos sociétés; on a d’ailleurs toujours eu des entrepreneurs sociaux, certains plus connus que d’autres.
Alphonse Desjardins, par exemple, a permis à des milliers d’agriculteurs de subvenir à leur foyer, en les munissant de machinerie nécessaire à leur exploitation agricole. Cet entrepreneuriat social passera à travers les âges pour devenir le Mouvement Desjardins comme on le connait aujourd’hui. Bien plus qu’outiller les agriculteurs, M. Desjardins a donné des moyens au Québec rural de sortir de la pauvreté. Il a permis le développement du Québec moderne. Tous les entrepreneurs sociaux ne sont pas à aussi grande échelle, mais il s’agit d’un exemple fort inspirant.
De l’entrepreneuriat à l’engagement social
Pour ce qui est de l’engagement social, petit frère de l’entrepreneuriat social, c’est près de 1,96 milliards d’heures bénévoles qui sont effectuées et 12,8 milliards de dollars de dons annuellement au Canada, selon la Chaire de leadership en enseignement en engagement social de l’Université Laval. Le bénévolat a un énorme impact dans notre société. Or, celui-ci n’est pas pris en compte dans notre société. Par exemple, il n’est pas comptabilisé au produit intérieur brut (PIB), même s’il est créateur d’une grande valeur.
Une autre mesure paradoxale est que nous reconnaissons les dons comme société en les incluant dans nos rapports d’impôts, ce qui donne droit à des déductions. Toutefois, les heures bénévoles n’y sont pas incluses. Pourtant, ces heures ont une valeur! Il faudrait remplacer ses bénévoles s’ils n’existaient pas! C’est en se prêtant à un exercice théorique que l’on comprend l’importance de ses heures bénévoles. À un salaire minimum (actuellement de 13,10$), ces heures valent 25,67 milliards de dollars. C’est ainsi dire qu’il faudrait tripler les dons de bienfaisance si l’on souhaitait remplacer ses heures de bénévolat.
L’entrepreneuriat et l’engagement social ont deux caractéristiques semblables; les gens qui s’y adonnent ont généralement une grande foi par rapport à l’humanité. Ils ont une profonde croyance que leur travail peut changer les choses, comme une petite contribution au monde. Dès lors, pourquoi ne pas plus valoriser le bénévolat? Valoriser l’engagement social? Nos entrepreneurs sociaux?