Depuis 1984, Trois-Rivières brille en tant que Capitale internationale de la Poésie. Né d’une révolte contre l’absence de poètes locaux lors du Festival international de poésie, le OFF-Festival est un évènement marquant de la contre-culture trifluvienne.
Le festival nous offre chaque année «la crème de la poésie émergente, de la Mauricie à Sherbrooke en passant par la scène de Montréal». Fondé en 2006, le festival est aujourd’hui possible grâce à des gens comme Pierre Brouillette-Hamelin et Hélène Bughin.
Une édition en ligne
C’est sur un 10 sous que l’organisation s’est retournée suite à l’annonce du passage en zone rouge cette semaine. Même si le vernissage de Marie-Hélène Racine a été annulé, le fanzine a néanmoins été lancé ce vendredi au Café Frida. La couverture a été faite par Racine et l’esthétique intérieure par Gabriel Ménard.
24 poètes se partagent ce fanzine, qui lui a permis par son esthétique iconoclaste de faire réfléchir non seulement le fond des textes, mais aussi ses formes. Collage, cut-up et illustrations déjantées sont au rendez-vous dans cet ouvrage collectif.
La rage au ventre : Chloé Rousseau
Parmi tous ces gens, nous avons discuté avec certains pour comprendre leurs textes et leurs démarches. Nous avons eu la chance de discuter avec Chloé Rousseau. Cette dernière nous signe un poème sans titre. Le style de Rousseau est abrasif, organique. La forme en rend compte, puisque les deux pages qui lui sont consacrées sont entièrement composées de son écriture manuscrite. Elle nous livre des extraits poignants, comme :
Pis là y’a le voisin
Qui frappe
Qui frappe le mur
Qui frappe sa blonde
Pis là y’a le voisin
Ou bien encore :
Tu me prends
Tu me mens
Tu me sens
Je te sens
Te ressens
Pour Chloé, l’écriture est sa passion, mais aussi sa thérapie. «J’avais écrit ces quelques lignes dans un moment émotionnellement difficile, et j’avais envie de changer le moment en positif, en l’immortalisant dans ce projet qui me tient à cœur». La démarche artistique de Chloé est viscérale. Pour elle, la démarche, c’est qu’il n’y en a pas; son style est spontané et délivre très bien.
Lutte éternelle contre soi-même : Élizabeth Leblanc-Michaud
Étudiante en littérature et fondatrice du Club de lecture féministe de Trois-Rivières, nous avons aussi eu la chance de discuter avec Élizabeth Leblanc-Michaud, qui signe deux poèmes : Faim et la brèche. Très courts, ce sont des poèmes coup de poing, comme savaient en faire les grandEs poètes québécoisES des dernières décennies. Elle nous offre des vers fatalistes :
J’ai avorté
Chacune de mes
Inspirations
Les mains
Pleines de vides
(extrait de «La brèche»)
C’est avec beaucoup de courage qu’Élizabeth a décidé d’écrire ces poèmes : «Rien n’a été réfléchi si ce n’est que la mise en page, mais les mots sont sortis tout seuls.» Il n’y a pas vraiment de démarche pour Élizabeth. Alors qu’elle déprimait dans son lit lors d’une froide journée d’hiver, l’inspiration l’a trouvée dans une pile de linge sale, et le poème Faim a pris vie. Ce dernier comporte des ratures, ce qui était très difficile pour la perfectionniste qu’est Élizabeth Leblanc-Michaud.
«La brèche», quant à lui, était une réponse à un syndrome de la page blanche. Il est sans aucun doute qu’Élizabeth est une véritable incendiaire du verbe.
Un choix à faire pour l’avenir: Louis Côté
Le troisième et dernier poète que nous avons entendu est Louis Côté. Déjà récipiendaire d’un prix de poésie avec son recueil Les papillons de phosphore, ce dernier nous livre ici un long poème de deux pages, intitulé Cent secondes avant l’abime. C’est une longue mélancolie, une complainte, un spleen qui nous est offert.
Louis s’est inspiré de la Doomsday Clock notamment, horloge ayant été créée en 1947 par des scientifiques pour mesurer l’état de la guerre froide. Métaphoriquement, lorsque l’horloge tapera minuit, l’humanité sera détruite par les nouvelles technologies :
Éternels spectateurs
Devant le cul-de-sac télévisé
Les fakes news les complots
Les doctorants surqualifiés
Et l’apcalypse en construction
Quand viendra le naufrage
Il nous restera cent secondes
On utilise aussi cette métaphore de l’horloge aujourd’hui pour parler des changements climatiques : «J’invite les lecteurs à se questionner sur qui sera affecté par la crise climatique, tout en traçant des bribes de ce qui nous aide à garder le cap ou encore l’inverse, ce qui peut nous attirer vers l’indifférence.» Encore une fois, Louis Côté nous prouve que ses dents sont faites et que son titre de poète n’est pas à défendre.
Le fanzine collectif nous offre nombre de talents, qu’on ne peut pas présenter en entier ici. Cependant, on invite tous celleux qui ont aimé les extraits à vous procurer le fanzine ici, en soutien au OFF.
Bonne lecture!