Farador : un espoir pour le cinéma de genre québécois

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Les personnages dans le monde de Farador. De gauche à droite: Foba Bett/Tom (Voleur niv. 1), Gardakan/Guillaume (Paladin niv. 66) et Mordak/Louis (Archimage niv. 57). Photo de presse

Le cinéma Tapis Rouge accueillait ce jeudi 13 avril la tournée de première québécoise du film Farador. Réalisé par Édouard A. Tremblay et mettant en vedette les acteurs Éric K. Boulianne, Catherine Brunet, Benoit Drouin-Germain et Lucien Ratio. Le long-métrage évolue dans un univers médiéval-fantastique issu des jeux de rôle tout en combinant les éléments d’un coming of age pour trentenaires en quête de sens. Adapté du fameux court-métrage viral de 2005 La bataille de Farador, l’œuvre de Tremblay vient se présenter à un nouveau public et une nouvelle génération.


Adepte de jeux de rôles, Charles Riopelle (Éric K. Boulianne) est à la fois maître de jeu, vendeur dans un magasin d’électronique et écrivain en devenir. Avec ses amis Louis (Benoit Drouin-Germain) et Guillaume (Lucien Ratio), qui incarnent respectivement les personnages de Gardakan le paladin et de Mordak l’archimage, ils participent à la campagne de Farador, dans un univers médiéval-fantastique depuis maintenant 18 ans. Toutefois, Charles sent au fond de lui qu’il est à un point stagnant de sa vie, alors qu’il caresse le rêve de terminer un projet de roman érotico-médiéval intitulé Le Talisman du désir. Bien que la vie des trois confrères soit déjà chamboulée suite au départ de Paul (Marc-Antoine Marceau), leur ami d’enfance, de la maison où ils habitent et jouent, ils n’en sont pas au bout de leurs soucis. Leur univers est remis en jeu lorsque Kim (Catherine Brunet) vient habiter à l’improviste chez son frère, après une rupture avec son amoureux belge Tom (Florent Losson). S’en suit alors pour le duo frère et sœur, une quête d’identité entre l’envie de rester, mais aussi de se découvrir en sortant de leur zone de confort.

Un projet de longue haleine


Farador est la culmination de plus de 15 ans de travail pour le réalisateur Édouard A. Tremblay. Ce dernier a longuement travaillé dans le domaine de la télévision et du cinéma, avec notamment la série Phylactère Cola de 2001 à 2003 sur les ondes de Télé-Québec, la web-série Tom et ses chums (2004 – 2009) et le film Les feuilles mortes en 2016.

De gauche à droite: Éric K. Boulianne, Édouard A. Tremblay et Catherine Brunet. Photo de presse.


De fait, Édouard Tremblay avait réalisé le court-métrage La bataille de Farador en juin 2005. Suite au succès monstre du court-métrage, il a essayé pendant longtemps de faire financer le film, sans succès : « Je l’aurais fait avant, mais ça a pris 15 ans faire financer! Ça été compliqué, comme c’était un film de genre, j’avais pas beaucoup d’expérience, la culture geek était niché, alors oui ça a contribué au fait que les subventionnaires me prenaient pas trop au sérieux. » Entre-temps, il souligne que dans les dernières années, la culture geek est devenue beaucoup plus populaire.

Un hommage aux jeux de rôles



Farador s’inscrit dans une dynamique différente du court-métrage qui l’a engendré. S’imposant à la fois comme un antépisode et une séquelle aux événements du court-métrage, Tremblay utilise le personnage de Charles comme un pivot pour explorer des thématiques pouvant plaire à un large public, que ce dernier soit admirateur de jeux de rôle ou non : « Le film est davantage pour un grand public, j’ai voulu faire un film sur l’amitié plus que sur l’univers des jeux de rôle, sinon ça aurait été hermétique. C’est aussi sur les propres limites qu’on s’impose. »


Catherine Brunet, qui joue le personnage de Kim, voit aussi dans le personnage de Charles, l’idée importante du film, c’est-à-dire un hommage à la culture des jeux de rôle, mais aussi à l’importance de l’imaginaire, qu’on a tendance à perdre en vieillissant. Comme elle le souligne, avec le reste des membres de l’équipe, être acteur, c’est semblable, c’est s’adonner au jeu.

Des fans sont venus assister à la première trifluvienne en cosplay. Crédits : Journaliste


Dans l’histoire, le personnage de Kim, vient entre autres explorer ses limites chez son frère Charles. Toutefois, elle est elle-même aux prises avec des problèmes d’un autre ordre, comme l’explique l’actrice : « Kim a l’impression qu’elle vient sauver son frère, qu’elle vient le sortir de son affaire, mais en même elle l’aide à écrire son livre. Je pense qu’elle pense qu’elle est plus avancée dans la vie […] On est plus libres que nos parents, alors on se cherche plus longtemps […] Kim vient briser l’équilibre des gars, mais c’est pas la germaine, c’est pas la Yoko Ono. Y a quelque chose où elle veut le bien de son frère, ça en fait un personnage féminin très intéressant. »


Le film a aussi comme thématique le refuge que peuvent avoir les univers imaginaires pour les passionnés. Phénomène toujours présent aujourd’hui et qui faisait les manchettes au début des années 2000, le jeu fantastique devient problématique lorsqu’il devient une échappatoire existentielle, comme l’explique Édouard Tremblay, à propos des personnages de Guillaume et de Louis : « Les gars ont une vie plate […] pour eux l’univers fantastique de Farador c’est comme la liberté. C’est une façon maladroite de vivre leur liberté […] dans leurs vraies vies ils s’épanouissent pas, alors que dans Farador, ils peuvent être tout ce qu’ils ne sont pas ». Lucien Ratio, qui interprète le personnage de Guillaume, fait le même constat : « Ils sont rendus très fort dans le jeu, mais leur vie sociale laisse à désirer […] Dès qu’une fille arrive dans le décor, elle vient briser la fraternité […] Guillaume a peut-être plus peur de quitter la game parce qu’au final, il est plus cynique ».


En tant qu’hommage à cet univers et tout ce qu’il apporte, Benoît Drouin-Germain trouve que c’est ce qui donne toute sa profondeur au film : « Ces personnages-là sont drôles, sont plus grands que nature, mais ils vivent un grand drame ».

Effets spéciaux et références


Farador brille aussi par ses choix esthétiques au niveau des effets spéciaux et ses multiples easters eggs qui sauront plaire aux admirateurs de Tremblay. Adepte des films fantastiques des années 80 et 90, la plupart des effets spéciaux ont été réalisés en montages en stop-motion avec des maquettes. Aussi, nous soulignons l’usage extensible des maquillages longuement travaillés ainsi que des costumes, qui rappelle les classiques du genre médiéval-fantastique et qui lui apporte une authenticité.


De nombreuses références s’y trouvent, tel que Charles qui porte un chandail du défunt collectif artistique Phylactère Cola ou bien la présence de l’acteur Thierry Bouffard, qui jouait le rôle de Charles dans le court-métrage de 2005 et qu’on retrouve dans le long-métrage en train d’interagir avec le personnage de Charles (interprété par Éric K. Boulianne).


Le film Farador a le potentiel, comme l’a été sa genèse, de devenir une pierre d’assise de la culture geek proprement québécoise. Il s’implante déjà dans le paysage cinématographique québécois, où les films de genre méritent leur place plus que jamais.

Au Cinéma Tapis Rouge en programmation régulière à partir du 21 avril.

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