François Pratte : Combattant résilient à l’oeil de tigre

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Le coup est puissant. Si puissant qu’il envoie le boxeur trifluvien au tapis. Nous sommes au sixième round du combat. L’arbitre, dans le ring érigé dans l’antre du Casino de Montréal, annonce la fin de l’affrontement. Sans équivoque, le mexicain Jorge Garcia Jimenez remporte le combat par knockout. Il s’agit alors, en ce samedi de mars 2019, de la première défaite en carrière pour François Pratte.

On apprendra, dans les heures qui suivront, qu’il s’agira aussi de sa dernière défaite, puisque le bachelier de l’Université du Québec à Trois-Rivières annoncera qu’il tire sa révérence. Sur le pourquoi de cette décision, Pratte sera demeuré relativement avare de commentaires, mentionnant qu’il préférait s’épargner la santé. On apprendra éventuellement qu’il aura subi une commotion épileptique et que sa décision était donc, pleine de gros bon sens.

À voir le poste qu’il occupe aujourd’hui et étant témoin de son parcours de combattant (dans tous les sens du terme), je crois que cette défaite aux mains du Mexicain a peut-être été la meilleure chose qui pouvait lui arriver. S’il paraît que rien n’arrive pour rien dans la vie, le parcours de François Pratte image à merveille ce mantra proverbial.

La boxe, malgré lui…

Très jeune, François est vite devenu un grand sportif. Au sein des associations mineures de hockey et de soccer dans lesquelles François a évolué, il s’est vite fait remarquer. Détrompez-vous, il ne s’y est pas fait remarquer pour un redoutable lancer-frappé sur la surface glacée ou par une vitesse hors-norme sur le terrain synthétique, non. C’était plutôt pour ses agissements teintés de violence que François s’est fait pointer du doigt. 

Encore aujourd’hui, l’ancien boxeur explique mal d’où provenait cet excès de rage : «Je ne sais pas trop pourquoi, mais peu importe le sport que je pratiquais, j’avais toujours envie de me battre». Ceci explique cela, peut-être, puisque c’est cette manie de mettre le feu aux poudres qui aura catapulté François dans l’univers de la boxe amateur.

Le voyant jouer de façon si (trop) déterminée, le père d’un des amis de François a proposé à la mère de ce dernier de l’inscrire à la boxe. Au départ, cette dernière, on peut la comprendre, n’a pas voulu que François troque les sports collectifs pour le monde infâme et malfamé de la boxe. Par contre, ne voulant que voir son fils s’épanouir, elle est passée par dessus ses craintes et mis de côté le fait que François pouvait s’évanouir. François lui avait, au départ, promis qu’il ne ferait que s’entraîner sans prendre part à des combats pour la rassurer. Paradoxal quand même lorsque l’on sait que quelques années plus tard, il deviendra boxeur professionnel.

De la boxe amateur à la boxe professionnelle

Je me demandais quelle était la ligne qui traçait le trait entre la boxe amateur et professionnelle. François Pratte m’a alors expliqué, avec ses talents de vulgarisateur probablement issus de son baccalauréat en communication, que la boxe amateur est celle qui se dispute avec un casque et où les combats sont plus courts. Son continuum prend fin aux Jeux olympiques. Cette compétition mondiale s’avère donc être l’expérience ultime du boxeur amateur. Celle-là, François n’aura pas pu y goûter. Elles sont rares, les expériences qui ne garnissent pas le curriculum vitae sportif de cet athlète au parcours atypique, mais les Jeux olympiques n’en font pas partie.

À force de résilience et d’acharnement, il aura, au final, disputé environ 90 combats dans la boxe amateur. S’ajoutent à cela pas moins de cinq titres nationaux, une médaille de bronze lors des Jeux de la francophonie en 2009 et plusieurs autres succès à l’international.

Son choix de devenir boxeur professionnel a été fortement influencé par ses idoles comme Floyd Maywaether et Jean Pascal, entre autres. Par contre, c’est l’arrivée d’un nouveau et prestigieux nom dans le monde de la promotion de la boxe (Eye of the Tiger Management) qui a fait en sorte que François s’y soit lancé. Son objectif premier était de boxer pour cette écurie. Il y parviendra, s’entendra avec eux et, comme on connaît la suite, se battra onze fois pour eux, la onzième et dernière fois ayant été fatidique.

Au final, François Pratte aura remporté 8 de ses 10 combats professionnels, avant d’accrocher ses gants suite au KO qu’il a subi face à ce Mexicain, au Casino de Montréal. Il dresse malgré tout une expérience plus que positive de son parcours de boxeur. 

Résilient sur le ring, mais aussi sur les bancs d’école

De la persévérance, François n’en aura pas fait preuve que chaque fois où il aura enfilé les gants. Il en a, à mon sens, aussi fait preuve pour parvenir à obtenir un baccalauréat en communication sociale à l’UQTR.

Au début de son parcours à l’UQTR, absolument rien ne le présumait bachelier en communication. Il avait d’abord opté pour la kinésiologie, puis pour l’enseignement en éducation physique. Ce dernier programme le rejoignait moins et c’est dans cette optique qu’il s’est dirigé en communication. Une suite d’essais et d’erreurs qui prouve encore une fois que l’ex-boxeur est un artisan, un perfectionniste.

Faisant des pieds et des mains pour parvenir à décrocher ce baccalauréat, en trimant dur et en arrimant ses périodes d’étude avec celles des compétitions ou des entraînements, François Pratte était loin de se douter de la suite. S’il y a une belle leçon à tirer de la conclusion qui s’en vient, c’est qu’il ne faut jamais négliger l’importance d’un diplôme et que, lorsque le corps nous envoie des messages, il vaut mieux les écouter puisqu’au fond, rien n’arrive pour rien.

Je rappelle ici que l’athlète a accroché ses gants suite à une défaite par KO, plus particulièrement parce qu’il y avait subi une commotion épileptique. Dans ce monde malfamé qu’est la boxe, régné par la puissance, la violence et l’argent, il faut énormément d’humilité pour s’avouer vaincu et tirer sa référence. François Pratte a eu les couilles de le faire et, quelques mois plus tard, à voir le poste qu’il occupe, je suis persuadé que quelque part, il s’en bat les couilles, justement.

De la maison des futailles à l’oeil du tigre

Après avoir complété son baccalauréat, François est allé explorer le marché du travail. À Trois-Rivières, il s’est déniché un emploi pour une compagnie de vin. Il y a fait un temps. Il ne s’en cache pas, il n’était pas malheureux. L’ex-boxeur aimait ce qu’il faisait, mais, au fond de lui, quelque chose brûlait encore.

Le flambeau de la boxe qui l’illuminait, bien qu’il avait été sèchement éteint à la suite de la défaite subie au Casino, est vite rené de ses cendres. La passion s’est embrasée et s’est vite mise à brûler de plus belle. Ce que ce parcours inspirant nous confirme, c’est que nous pouvons toujours sortir l’homme de la boxe, mais que la boxe ne sortira jamais de l’homme.

En ce sens, François savait que s’il n’essayait pas de revenir dans le monde de la boxe, de passer de l’autre côté, il s’en serait trop voulu d’avoir eu ce manque d’ambition. De nature fonceuse, il aura donc cogné aux bonnes portes et, comme rien n’arrive pour rien, il aura finalement reçu un coup de téléphone qui aura changé sa vie.

L’émetteur de l’appel, un certain Camille Estephan, promoteur de l’écurie Eye of the Tiger, la même pour laquelle François se sera battu chez les professionnels, l’invitera à souper, prétextant une proposition intéressante pour François.

Une deuxième carrière aussi motivante que la première

Durant ce souper en tête à tête entre Estephan et Pratte, je n’ai absolument aucune idée de ce que François a commandé. Par contre, je sais une chose maintenant, c’est que peu importe le plat que lui aura apporté le serveur, il me paraît impossible qu’il ait été aussi alléchant que l’offre que lui aura fait Camille Estephan.

Notre homme, celui qui travaille alors pour la compagnie de vin La Maison des Futailles se voit offrir le poste de directeur des opérations pour Eye of the Tiger. L’occasion que le promoteur lui tendait lui semblait trop belle. Rationnel, François était conscient que le fait d’avoir terminé ses études et de détenir un baccalauréat aura été sans doute ce qui a fait osciller la balance vers sa candidature. Bien entendu, il sait aussi que les liens presque de fraternité qu’il avait avec l’écurie ont sans doute influencé aussi, mais que la scolarité a primé.

Comme vous devez vous en douter, François Pratte a rapidement accepté l’offre et sauté sur l’occasion que venait de lui tendre la vie sur un plateau d’argent.

Depuis ce jour, François est donc le directeur des opérations de ce géant de la boxe que s’avère être Eye of the Tiger, cette sommité, renommé au Québec comme aux quatre coins du globe. Son poste au sein de l’écurie consiste à organiser les soirées de boxe. 

Un gala couronné de succès

Le 7 décembre dernier, au Centre Bell, à Montréal, a eu lieu le gala de boxe que plusieurs médias ont qualifié de «Gala de l’année». Gala auquel a aussi pris part le boxeur poids lourds Simon Kean, Shawiniganais fréquentant l’UQTR comme étudiant libre. Une soirée couronnée par la victoire in extremis de David Lemieux, pour laquelle tous les billets disponibles auront été vendus. Devinez qui était derrière ce gala-là? 

François Pratte. Lui et les quelques trois ou quatres personnes avec qui il travaille. Comme il le dit si bien : «Les gens croient que nous sommes soixante-dix à travailler la logistique entourant des soirées comme ça alors que nous ne sommes que trois ou quatre».

Maintenant qu’il s’émancipe et qu’il fait ce dont il a toujours rêvé, François Pratte ne pourrait demander mieux. Par contre, de mon côté, il y a une ou deux questions que je me pose.

Que serait-il arrivé si François Pratte n’avait pas subi de commotion en mars dernier?

Je ne connais pas la réponse, mais je sais pertinemment qu’il ne serait pas là où il est. Rien n’arrive pour rien, mais tout est possible pour celui qui croit et qui persévère, et ça…

François Pratte en a fait son affaire.

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2 COMMENTAIRES

  1. D’abord felicitations Antoine pour ta belle plume!
    Je suis la maman de François et je constate que tu résumes bien le parcours de son parcours.
    Je suis fière de mon fils, il possède de très belles qualités, la détermination, l’humilité, le courage et j’en passe. Il a également une très belle plume aussi.
    Bien que son parcours et son talent de pugiliste furent exemplaires et pleins de mérites, je ne vous cacherai pas que je préfère le voir ailleurs que sur le ring.
    Connaissant mon fils, je sais qu’il donnera là-aussi le meilleur de lui-même et je pense que nous commençons déjà à voir de bons résultatsdans le domaine dans lequel il évolue depuis 5 mois mois déjà en tant que directeur des opérations chez Eye of the tiger. Bravo François et bonne continuité!
    Claire Pratte <3

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