Le 13 janvier dernier, dans le cadre de La Nuit des idées et en coproduction avec Vidéographe, la Galerie R3 ouvrait l’exposition Afficher le travail de l’artiste, chercheuse et designer graphique montréalaise Karine Savard. L’installation, qui a d’abord été présentée au Centre Diagonale et au Musée d’art de Joliette, se trouve désormais présentée à Trois-Rivières sous une formule renouvelée.
Karine Savard est reconnue pour son travail d’affichiste depuis plus de quinze ans. Il a réalisée de nombreuses affiches de films, notamment Incendies, La Vie d’Adèle, Il pleuvait des oiseaux, Mon année Salinger et Gurov & Anna. Elle collabore avec plusieurs réalisateur.trice.s, producteur.trice.s et distributeur.trice.s de films de fiction et de documentaires. Son travail d’affichiste a été récompensé à de nombreuses occasions aussi bien au Canada qu’à l’international : meilleure affiche au festival Karlovy Vary (République tchèque, 2018), sélection à la Biennale d’affiches du Mexique (Mexico, 2016), prix Communication Arts – Illustration Annual (Californie, 2015), prix Lux (Montréal, 2014).
En parallèle, en tant qu’artiste et chercheuse, elle développe «une réflexion sur des enjeux liés à la transformation du travail, notamment sur son propre statut de travailleuse autonome dans l’industrie culturelle, en détournant des dispositifs de présentation publicitaire à des fins artistiques» (Savard). Elle détient un baccalauréat en art du design (Université Concordia, 2006) et une maitrise en arts visuels et médiatiques (UQAM, 2014) et elle poursuit actuellement un doctorat en études et pratiques des arts (UQAM). Son travail a été présenté dans plusieurs lieux du Québec : Galerie Leonard & Bina Ellen (2016), Festival Art Souterrain (2016), Centre Diagonale (2021) et Musée d’art de Joliette (2021), en plus de ses interventions artistiques furtives.
Afficher le travail
L’installation Afficher le travail a été diffusée au Centre Diagonale du 15 avril au 5 juin 2021 et au Musée d’art de Joliette du 2 octobre 2021 au 9 janvier 2022. Aujourd’hui, c’est la Galerie R3 qui l’accueille.
Dans le cadre de ce projet, elle a réalisé une résidence de recherche et de commissariat au centre d’artiste Vidéographe où elle s’est s’intéressée à des vidéos documentaires ou des pamphlets militants portant sur les revendications de travailleuses et de travailleurs dans les années 1970 jusqu’aux années 1990. Pour concevoir sa série d’affiches, elle a sélectionné des œuvres vidéos au sein de Vithèque, la collection du centre d’artiste. Un glissement s’opère. Alors que ces pamphlets-vidéos sont à l’époque reconnues pour leur fonction promotionnelle, l’artiste leur donne une toute nouvelle identité contemporaine. D’une part, leur esthétique est numérique. D’autre part, elles se trouvent désormais sur les murs d’une galerie. Elles résonnent ainsi avec les nouveaux modes de travail contemporains, par exemple le travail indépendant ou l’économie numérique.
Une formule renouvelée
L’installation se déploie en une série d’affiches, des vidéos, du son et une pile d’essais-affiches imprimés déposée au sol. Des élastiques colorés sont laissés à côté, les spectateur.trice.s peuvent repartir avec une copie, un peu comme on repart avec un pamphlet. L’essai Afficher le travail est également disponible en ligne sur le site de Vidéographe. Il propose une analyse des nouvelles modalités du travail et invite à renouveler l’héritage de solidarité et de mobilisation issu de la culture ouvrière.
Une toute nouvelle dimension s’ajoute à l’installation présentée à la Galerie R3, soit celle de la recherche. Les traces menées au cours de son travail de recherche et de commissariat sont présentées, souligne Fanny Latreille-Beaumont, responsable de la galerie par intérim. On y retrouve trois téléviseurs, des images imprimées, des séquences de vidéos, des notes et des textes annotés. Ces documents sont fixés au mur à l’aide de ruban adhésif, un peu comme on imagine qu’ils l’ont étés dans l’atelier de l’artiste. Ces traces documentaires sont encadrées à l’aide de rubans adhésifs verts, chaque cadrage correspond ainsi à l’affiche qui se trouve sur le mur en face. L’artiste présente ainsi, elle aussi, son travail.
L’oeuvre-installation de l’artiste pose un regard actuel sur les luttes ouvrières menées au Québec dans les années 1970-80 et nous laisse sous-entendre que malgré les mutations numériques nous ont mené à la sortie des usines, «le travail ne nous quitte plus».
L’exposition se poursuit jusqu’au 12 février 2022. L’accès est gratuit et la Galerie R3 est accessible aux fauteuils roulants. Jusqu’à maintenant, le passeport vaccinal n’est pas exigé dans les institutions muséales.