Galerie R3: Shabnam Zeraati | «Analgésie congénitale»

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Shabnam Zeraati, 2016, Majorité invisible | Photo : Shabnam Zeraati

La Galerie R3 présente sa toute nouvelle exposition Analgésie congénitale de l’artiste d’origine iranienne Shabnam Zeraati. Dans cette installation, l’artiste pose un regard à la fois sensible et critique sur les conflits sociaux.

Shabnam Zeraati vit et travaille à Montréal depuis 2011. Elle a complété ses études en design graphique à Téhéran en 2002 puis a poursuivi son cursus à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Strasbourg (ENSAD, 2008). Son travail a été présenté à plusieurs endroits dans le monde, notamment à Langage Plus (Alma, Canada), Atoll art actuel (Victoriaville, Canada), Azad Art Gallery (Téhéran, Iran) et au Musée d’art contemporain de Strasbourg (Strasbourg, France). Certaines de ses œuvres font partie de collections dont la collection publique du Musée BL du canton de Bâle-Campagne (Suisse).

En tant que jeune immigrée, l’artiste est grandement habitée par les différentes vagues migratoires. Elle porte une réflexion sur les politiques migratoires d’Europe et d’Amérique du Nord de même que leurs impacts sur le statut de réfugié. L’immigration apparaît ainsi comme thème central dans sa pratique.

Analgésie congénitale

L’exposition se compose de quatre œuvres : Analgésie congénitale #1 (2017), You Look Worn Out (2013), Majorité invisible (2016) et Analgésie congénitale #2 (2018). Bien qu’elles ne proviennent pas toutes d’une même série, un dialogue s’opère entre elles. On y retrouve des gravures, un livre d’artiste, des dessins et une installation composée de bateaux en origamis déposés au sol.

Que ce soit par le rendu ou par le sujet, un thème les rassemble : l’immigration. Les bateaux-origamis se trouvant au sol symbolisent, d’une certaine façon, les immigrant.e.s. Pour exprimer ces mouvements migratoires, l’artiste a opté pour la répétition. Il y a tellement de bateaux qu’on s’y perdrait à les compter. Même si nous essayons de poser notre regard sur l’un d’entre eux, c’est l’effet d’ensemble qui nous bouleverse. Nos yeux se dirigent un peu partout pour finalement revenir au centre et être capté.e par le mouvement circulaire.

Comment traiter de la guerre et de l’immigration aujourd’hui?

Au cours des siècles, plusieurs artistes ont traité de la guerre ou de l’immigration. Bien souvent, l’un vient avec l’autre. Alors que nous sommes constamment appelé.e.s à voir des images provenant de scènes de guerre ou d’immigration, la multitude de ces circulations d’images nous amèneraient parfois à les « normaliser ». Cette « normalisation » aurait à voir avec la multiplicité et les médias. Orange Car Crash Fourteen Times (1963) d’Andy Warhol évoquait déjà bien cette idée. Il a pris une image provenant d’un tragique accident de voiture qu’il a imprimé quatorze fois sur une même surface. En regardant l’œuvre, comme en regardant l’installation des bateaux, notre œil est distrait.

Dans le cas de cette exposition, en prenant comme exemple le titre, l’artiste met ses cartes sur table. Analgésie, qui signifie « abolition de la sensibilité à la douleur », démontre le ton de l’exposition. Elle questionne notre sensibilité face à la situation de l’immigration et de la guerre ainsi que notre capacité d’empathie. Or, son approche va un peu à l’encontre de ce qu’on voit dans les médias traditionnels. D’une part, l’artiste traite de ces sujets avec une profonde humilité, mais surtout avec une grande douceur. Il n’y a pas de couleurs, tout est en noir et blanc. Très peu de textes, aucun son. Nous ne sommes pas confronté.e.s à des photographies, mais à des dessins. Il y a quelque chose d’enfantin dans la manière dont les personnages sont dessinés, par exemple. Ça nous enlève un certain poids, l’ambiance est tout de même chaleureuse. Dans l’exposition, on peut presque sentir l’artiste nous tendre la main. On se sent interpellé.e.s, on a envie de comprendre

D’autre part, dans Analgésie congénitale, il faut creuser pour trouver une réponse. Il faut d’abord s’ouvrir, chercher et entamer un dialogue. Qu’est-ce que l’artiste évoque? Dans la série Analgésie congénitale #2, de quelle guerre est-il question? Qui sont ces gens qui souffrent, qui crient? D’où viennent-ils? Où sont-ils, aujourd’hui? Nous ne pouvons y répondre, mais sommes profondément touché.e.s. Nous ne sommes pas sans douleur, bien au contraire. À notre tour, nous avons envie de tendre la main.

Analgésie congénitale, c’est à la fois la pointe de l’iceberg et l’immense humilité d’une artiste qui traite de ces enjeux alors qu’elle a vécu la guerre et l’immigration. L’art demeure un lieu où il est possible de se questionner, en tant que société, sur notre rapport à ceux-ci.

L’exposition se poursuit jusqu’au 26 mars 2022. L’accès est gratuit et la Galerie R3 accessible aux fauteuils roulants. Le passeport vaccinal n’est pas exigé dans les institutions muséales.

 

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