Avec la fermeture du plus grand hôpital du pays, l’assaut par les gangs des deux plus grandes prisons, ainsi que l’attaque de l’aéroport Toussaint-Louverture et de l’académie de police de Port-au-Prince, la crise en Haïti s’est aggravée d’un cran.
La faillite de l’État et le règne du chaos
En Haïti, situation politique et situation sécuritaire vont souvent de pair. La crise actuelle s’explique par deux aspects : conjoncturel et structurel.
Sur le plan conjoncturel, il y a eu l’arrivée d’Ariel Henry au pouvoir après l’assassinat de Jovenel Moïse. Ariel Henry, dont la légitimité a toujours été très contestée, s’est révélé inepte dans l’exercice de ses fonctions. Pour plusieurs observateurs, il n’a rien réalisé, n’ayant pas de vision ni de capacité de mobilisation et son bilan est tout à fait nul.
Sur le plan structurel, il convient de mentionner que les élites politiques et économiques du pays, qui utilisaient à l’occasion les services des gangs criminels à leurs propres fins, les ont malheureusement renforcés. Ces élites ont créé un véritable monstre de Frankenstein et donné de la vigueur à ces groupes armés. Dans une conjoncture où on a un dysfonctionnement maintenant presque total de l’État, ces gangs ont ainsi pu prospérer.
Le Canada évacue ses ressortissants
L’opération de rapatriement des Canadiens se trouvant en Haïti s’est réellement mise en branle le 25 mars dernier après un faux départ causé par les mauvaises conditions météorologiques de la veille. La première vague d’évacuations est réservée aux citoyens canadiens détenteurs d’un passeport valide, selon les exigences d’entrée fixées par Saint-Domingue. Affaires mondiales devrait préciser plus tard combien de personnes admissibles ont demandé de l’assistance pour un rapatriement.
Le gouvernement canadien assume les frais du trajet entre Haïti et la République dominicaine. À partir du moment où les personnes évacuées sont déposées en sécurité sur le territoire dominicain, le reste de la facture leur appartient. Des programmes de prêts gouvernementaux sont disponibles au besoin. Parmi les quelque 3000 personnes inscrites au registre des Canadiens en Haïti d’Affaires mondiales Canada, moins d’une centaine ont demandé de l’assistance et remplissent les critères de la première vague, d’après les informations fournies par la ministre Joly.
Comment sortir de la crise ?
Le rôle de premier plan, ce sont les Haïtiens eux-mêmes qui l’ont. Ensuite, ce sont les forces de l’opposition. Si elles pouvaient parvenir à un consensus, cela permettrait de faire avancer les choses. Enfin, le troisième acteur serait la police. En espérant qu’elle tienne le coup.
Sur le plan international, le pays qui joue le plus grand rôle — et de loin — , ce sont les États-Unis, suivis de la communauté caribéenne, la CARICOM, même si elle n’a pas eu de succès jusqu’ici. Le Canada, qui appuie le processus de la CARICOM, n’a peut-être pas dans l’immédiat un rôle de premier plan dans la crise politique, mais il en a certainement un pour la sécurité.
S’il s’avère que la mission multinationale de sécurité dirigée par le Kenya ne remplissait pas son mandat, peut-être que, à contrecœur, le Conseil de sécurité envisagerait une mission de maintien de la paix. Quant aux États-Unis, qui sont extrêmement actifs sur le plan politique, ils refusent toujours d’envoyer des troupes. Mais si la situation devenait trop dramatique et qu’ils le faisaient, ce serait un réel game changer. Ce n’est pas sur la table pour l’instant, mais on ne peut pas exclure cette situation à terme.
Références
https://www.ledevoir.com/monde/ameriques/808647/haiti-on-est-passe-crise-profonde-crise-aigue