
Lorsqu’on a une douleur inexplicable et qui perdure, le réflexe est de consulter un centre spécialisé en santé qui nous confiera à un soignant. Leurs apparences rassurantes et leurs expressions bienveillantes ne nous laissent pas un seul instant soupçonner ce qu’ils endurent dans l’exercice de leur profession.
Isabelle Lacharme, étudiante au doctorat en psychologie, examine les réalités des soignants en centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) en Abitibi-Témiscamingue dans son projet de doctorat. Sous la direction de la professeure Liette St-Pierre, du Département des sciences infirmières de l’UQTR, Madame Lacharme a accordé une importance aux vécus des soignants dans l’exercice quotidien de leur profession. En effet, dans ses écrits, elle dénonce qu’en plus de la situation stressante que ces derniers doivent affronter en faisant parfois l’impossible pour soulager les maux des autres, on ne pense pas que ces soignants sont peut-être eux-mêmes dans un état de souffrance auquel ils ne peuvent pas remédier dans la plupart des cas.
Les soignants ont la mission d’assurer les soins permis par leurs compétences tout en ne pouvant remédier eux-mêmes à leurs souffrances. Les investigations de la chercheuse (entretiens individuels et entretiens collectifs) ont permis de signaler l’existence de plusieurs formes de violences physiques et/ou psychologiques dont ces soignants sont victimes. Madame Lacharme rapporte que certains patients n’hésitent pas à agir de façon violente avec ces personnels de la santé en les griffant ou en leur crachant dessus, par exemple. À ceci s’ajoute aussi les mauvaises conditions de travail de ces soignants déjà frustrés et le manque de véritable communication entre le personnel soignant et leurs supérieurs.
Maux
Aider les autres à moins souffrir peut générer un état de souffrance en soi. L’exercice de la profession de soignant est épuisant. «Rester disponible et veiller au bien-être d’un patient demande sept jours de travail sans interruption», a appris la chercheuse à l’issue de son terrain. Par ailleurs, les accidents au travail causés par la configuration des lieux et l’insuffisance des équipements peuvent être fréquents, comme les blessures musculosquelettiques. Toujours soucieuse du confort au travail, comme ses intérêts de recherche le confirment, Madame Lacharme souhaite la révision de la politique de soins dénonçant le caractère non ergonomiques des techniques de manutentions utilisées.
Certains patients n’hésitent pas à agir de façon violente avec ces personnels de la santé en les griffant ou en leur crachant dessus
Recommandations
L’étude ergonomique réalisée dans trois CHSLD avec la collaboration de 35 soignants (infirmières, auxiliaires, préposés) a permis à la chercheuse de mettre en exergue des recommandations. À noter que ces recommandations visent à assurer un maximum de confort à ces soignants pour leur permettre de travailler dans de meilleures conditions. Un des problèmes urgents auquel il faut remédier est la constante souffrance psychologique présente dans ces centres spécialisés en soins.
Madame Lacharme a aussi laissé comprendre que les médias ont tendance à informer le public sur les très rares cas de violence de soignants envers les patients. Les maux des soignants en CHSLD sont pratiquement tenus au silence, et dans cette jungle moderne camouflant une grande cacophonie, des clans de soignants souffrants se forment, chacun espérant assurer sa survie.