Une envie de cinéma pour retracer une histoire commune
Je veux que ce film puisse nous permettre d’aborder ce sujet-là qui est : la population vieillit. Car la population, c’est nous.
Denys Desjardin
Sorti depuis le 17 mars en salle de cinéma et réalisé par Denys Desjardin, le film documentaire J’ai placé ma mère raconte un moment fort : celle de la tentative d’accompagnement de son parent dans la fin de sa vie. Après la séance, la salle est émue. Et Denys Desjardin aussi. Accueilli par le co-propriétaire du cinéma Le Tapis Rouge, il explique avoir choisi le cinéma pour cette communion précieuse qu’on ne trouve pas sur les plateaux de télévision.
Voir que son film est partagé par jeunes et moins jeunes lui donne espoir pour l’avenir. Le réalisateur ne le cache pas : il souhaite que son film soit un tremplin, un espoir d’amélioration des conditions de traitement des personnes âgées dans les CHSLD (centre d’hébergement et de soin de longue durée). Son film est politique et assumé. Il pointe la nécessité de mieux prendre en considération la population, de faire preuve d’humanité, de veiller à ceux qui nous ont donné la vie.
Retraçant l’histoire de sa mère, Madeleine, décédée durant la pandémie (mais pas du covid), Denys Desjardin expose comment sa sœur et lui ont traversé les méandres de l’administration québécoise, entre les coups de téléphones, les peines et les faux-espoirs, pour essayer de donner les meilleurs soins à leur maman.
Il y aura toujours de la place là où personne ne veut aller. On a mis de la lumière sur un problème qui était déjà là.
Denys Desjardin
Les tic-tacs et les attentes continuent, les images des lieux aussi. Denys Desjardin prend alors une décision : placer sa mère. Le cadre de la caméra devient son issue. Montrant les limites de la bureaucratie québécoise, le réalisateur décrit sa vision : un tunnel qui l’éloigne de sa mère et qui l’empêche de lui dire au revoir, donnant la sensation que Madeleine est traitée sans humanité, comme si elle était un objet. Se dessine alors une solitude commune qui est contre balancée par une lumière : celle de la mère du réalisateur.
Une réalisation approximative ?
Malgré l’urgence du changement et le caractère légitime de son sujet, le film tombe néanmoins dans le piège de ce qu’il aborde : le pathos. La réalisation, parfois trop lourde – insistant sur les sons dramatiques, les images d’enfermement et même le mot « prison » – empêche presque la bonne humeur et l’humour de la mère de Denys Desjardin de se déployer, ce qui a pour conséquence de laisser parfois de côté le propos principal de l’œuvre : l’humain. Le film ne montre pas l’enfermement, il le démontre, l’insiste, le place et le replace, oubliant la délicieuse malice de l’humaine qu’il suit.
Heureusement, tout n’est pas déroutant. Un élément demeure stupéfiant : la mort. En effet, le traitement du thème de la mort et son accompagnement sont abordés avec une très belle lucidité qui ne peut qu’impressionner par sa justesse. La sœur du réalisateur, notamment, qui s’acharne pour sa mère, discours avec grâce : elle sait que c’est la fin, et veut que cette fin soit digne. Ces mots simples renvoient en une seconde le ton accablant du long-métrage, et, alors, on est sauvé.