Le 26 septembre, les 1 500 délégués de l’Union des municipalités de la Colombie-Britannique (UBCM) ont voté en faveur de la décriminalisation de la marijuana. Le 14 octobre, en France, c’était au tour du ministre de l’Éducation nationale de plaider sur France Inter pour la dépénalisation du cannabis. Constatant l’absence d’un tel débat au Québec, voici quelques pistes de réflexion sur la pertinence, voire l’urgence, de sa légalisation.
Nous l’avons vu dans mon dernier article, le cannabis ne cesse de subir des pressions politiques illégitimes. Pendant ce temps, les gouvernements jouent à l’autruche: la grosse majorité du financement, de la recherche, des publications, de l’activité politique et de la législation se concentre sur la question de sa nocivité.
Au Canada, aucun essai clinique démontrant sa sécurité et son efficacité n’ayant été fait, le cannabis ne peut pas être vendu comme produit médical. En fait, le «pot médicinal» existe ici depuis l’adoption d’une nouvelle règlementation du ministère fédéral de la santé en juillet 2001 permettant, sous certaines conditions, l’accès au cannabis à des personnes présentant des symptomatologies spécifiques.
Selon un rapport du Comité du Sénat paru il y a dix ans, non seulement la règlementation représente un obstacle à l’accès, mais elle restreint de façon inutile la disponibilité du cannabis pour ceux qui pourraient en retirer des bienfaits. En fait, il n’existe aucune justification expliquant pourquoi le cannabis devrait être un traitement de dernier recours.
La société doit y réfléchir
Considérant que 77% de tous les délits relatifs aux drogues concernent le cannabis et que 30% de toute l’activité du système de justice pénale aurait un rapport avec le cannabis… il est aberrant de constater que la prévention et la recherche représentent moins de 10% du budget de la stratégie canadienne (non financée depuis 1997)!
Il est évident, rappelle le Comité, que les principaux coûts sociaux relatifs au cannabis relèvent de choix de politiques publiques, principalement de la criminalisation continue de cette substance, tandis que les conséquences de l’usage de la substance elle-même ne comptent que pour une fraction de l’ensemble des coûts sociaux imputables à l’usage de drogues illicites. Évidemment, normaliser l’usage ne signifie pas pour autant banaliser.
Selon les études, il n’y a pas de relation immédiate entre les tendances de consommation et les orientations des politiques publiques: la consommation n’augmente pas dans les pays où c’est légalisé et ne diminue pas vraiment dans les pays restrictifs, au contraire.
Par ailleurs, une politique publique doit reposer sur des principes intelligibles et énoncer des objectifs clairs. Nos voisins du sud pourraient devenir des modèles à cet égard. En janvier 2010, le New Jersey a été le 14e État à légaliser l’usage du cannabis, suivi de l’Arizona en novembre 2011. En Californie, un système d’ordonnance du médecin pour acheter du cannabis a déjà été mis en place en 1996, également après un vote des électeurs.
À quand la vente de cannabis médical abordable dans nos pharmacies ou encore de cannabis récréatif de qualité dans les points de vente de la SAQ?
«Il est temps de cesser de stigmatiser le cannabis. Par exemple, il est impossible de faire une surdose de pot. En revanche, plus de 7 000 personnes par année meurent à cause de la consommation d’aspirine aux États-Unis. Qui parle d’interdire l’aspirine?», clamait alors un citoyen états-unien. «L’alcool fait plus de ravages que le pot, et pourtant l’alcool est légal», renchérit un autre. «Les arrestations à cause de la marijuana, et l’absence de taxation de l’industrie, sont de plus en plus vues comme du gaspillage», poursuit un troisième.
Légaliser, c’est payant pour l’État
Tout comme l’UBCM demandait de mener le combat pour modifier la loi canadienne sur la marijuana, qu’ils ont qualifiée de désuète, les députés du Québec devraient eux aussi réfléchir sérieusement comme le fait actuellement la France ou même l’Angleterre qui vient tout juste de publier un énième rapport dans lequel plusieurs évidences s’imposent : la guerre contre cette drogue douce est inefficace et 77% des députés estiment que la politique actuelle contre la drogue n’est pas effective.
Le 2 novembre 2010, la Californie, un état hyper-endetté, a voté contre la proposition 19, c’est-à-dire «la régulation, le contrôle et la taxation du cannabis». Pourtant, une récente étude de l’État montre que la Californie produit annuellement pour 14 milliards de dollars en marijuana, soit davantage que l’industrie viticole. On parle alors de 1,4 milliard en revenus par année pour la taxation du pot, ce n’est pas rien! En France, en août 2011, l’économiste Pierre Kopp affirmait que ce serait plus d’un milliard d’euros pour l’État…
Considérant que le Québec est l’un des trois plus grands producteurs au Canada avec l’Ontario et la Colombie-Britannique, serait-il possible, voire entièrement prometteur, de tenir une telle consultation au Québec? Je suis convaincu que oui. À quand la vente de cannabis médical abordable dans nos pharmacies ou encore de cannabis récréatif de qualité dans les points de vente de la SAQ? En attendant, on s’en roule un autre?