En regard du Sommet de l’éducation qui aura lieu en février, voici quelques réflexions que je veux ajouter à ce débat pertinent sur l’importance, voire l’urgence, d’une accessibilité accrue aux études supérieures.
Tout d’abord, les 1er et 2 décembre derniers, l’UQTR a accueilli le Rassemblement national des étudiants (RNÉ) qui en a profité pour adopter plusieurs propositions fort intéressantes : condamner la judiciarisation perfide du conflit étudiant, exiger le retrait des charges criminelles, souligner l’usage abusif des forces policières, revendiquer de véritables États généraux sur l’éducation plutôt qu’un simple Sommet, invitant au passage une mobilisation locale continue. À suivre!
En janvier, Pierre Moreau, candidat à la chefferie du sclérosé Parti libéral du Québec, parlait de «rouvrir le débat sur la pertinence des cégeps» à cause de «chiffres accablants en matière de diplomation». Or, nous ne pouvons que constater son incompétence, car si (outrepassant le fait que ce sont les libéraux qui ont diminué l’accessibilité aux études avec une hausse des frais de scolarité dès 2007) nous regardons les statistiques concernant la diplomation postsecondaire au Canada, le Québec prend la tête justement grâce aux institutions collégiales qui permettent aux jeunes d’entrer plus rapidement sur le marché du travail. Dossier clos.
Dans une chronique parue dans le Zone Campus, mon collègue Simon Fitzbay déblatérait récemment sur «l’irréalisable et dogmatique gratuité scolaire». Or, comment se fait-il qu’autant de pays aient choisi cette voie de la promotion et de la défense d’une éducation publique entièrement gratuite pour tous, de la garderie à l’université? En effet, nombreux sont les pays où existe une réelle gratuité scolaire : France, Mexique, Finlande, Japon, Russie, Brésil, Allemagne, Argentine, Norvège, Maroc, Espagne, Hongrie, Danemark, Italie, Suède, Écosse, Grèce, Islande…
Sommes-nous trop incompétents pour embarquer dans ce bateau de la modernité? Nos frais de scolarité sont les plus bas en Amérique du nord, me rétorquerez-vous, mais devons-nous vraiment niveler vers le haut, vers la moyenne américaine, plutôt que de constater la primordialité que devrait prendre l’éducation dans une société, soit l’égalité des chances?
Revenons en arrière. Lors de l’élection de juin 1960 qui a mené Jean Lesage à amorcer la Révolution tranquille, le PLQ faisait la promotion de la gratuité scolaire dans une publicité parue le 7 juin dans le journal Le Devoir afin de présenter la «solution libérale». La voici intégralement: «1. Considérer l’instruction, à tous les degrés, comme problème familial et responsabilité provinciale. 2. Gratuité scolaire totale – de la petite école à l’université inclusivement – pourvu que l’étudiant ait le talent et la volonté requis. 3. Gratuité des manuels scolaires dans toutes les écoles publiques. 4. Allocations de soutien couvrant logement, pension et vêtement – selon les besoin de l’étudiant.»
Sérieusement, que s’est-il passé pour que les programmes de nos partis politiques dégénèrent à ce point en moins de 50 ans? On nous parle désormais de coûts modulés selon le programme, de rabais sur les impôts lorsque l’étudiant sera employé ou encore d’augmenter les frais de scolarité en vertu du principe dégoûtant de «l’assurance-qualité».
Il me semble que ce n’est pas difficile à comprendre! «Après le pain, l’éducation est le premier besoin des peuples», disait le révolutionnaire Danton. Plus près de nous, la philosophe Hannah Arendt complète en affirmant : «C’est avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, mais les préparer d’avance à la tâche de renouveler un monde commun.» Je l’ai déjà affirmé mais je le répète encore avec enthousiasme : Vive le Québec libre… et instruit!
Nombreux sont les pays où existe une réelle gratuité scolaire: France, Mexique, Finlande, Japon, Russie, Brésil, Allemagne, Argentine, Norvège, Maroc, Espagne, Hongrie, Danemark, Italie, Suède, Écosse, Grèce, Islande…
Même la recommandation 115 du Rapport Parent (1966) affirmait que «la gratuité scolaire [était] souhaitable à long terme». Selon l’article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels, ratifié entre autres par le Canada, et entré en vigueur le 3 janvier 1976, «l’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité.»
De passage à l’émission Tout le monde en parle en octobre dernier, Jean Cournoyer, ex-ministre du Travail au Parti libéral du Québec, affirmait ceci de façon pertinente : «Je sais que ça va déplaire aux oreilles chastes, mais il n’y a rien de plus important dans la société que l’éducation supérieure […]. La société la finance déjà à 80%, pourquoi elle ne prendrait pas un 20% de plus? C’est pour son avenir et celui de ses enfants.»
En effet, seule une société éduquée va réussir à se libérer du mimétisme engendré par cette société de consommation qui tente de broyer notre potentiel réflexif. Avoir plus de diplômés, c’est davantage de revenus pour l’État, mais c’est aussi des citoyens mieux éduqués, plus autonomes, en meilleure santé, plus libre, davantage heureux, plus aptes à se prendre en main. L’éducation doit redevenir une priorité nationale!
Terminons avec les sages paroles d’Elie Wiesel, docteur en philosophie et prix Nobel de la paix en 1986 : «Seule une identité forte ouvre les portes à l’universalité; l’éducation est le fondement de la paix et du combat contre les préjugés et le racisme; le devoir de mémoire et de connaissance de l’histoire est essentiel à la construction de tout projet d’avenir.»