La dynamique des glaces

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Le processus de formation de couvert de glace d’un lac est mieux connu qu’en contexte de rivière. En plus du gel, la neige très lourde renfonce la glace sous la surface de l’eau et crée de la «slush» qui augmente l’épaisseur et donc, la résistance des couverts de glace. Une fois le couvert formé, les écarts de température et les débits déclenchent les mouvements de glace, favorisant ainsi des embâcles qui peuvent provoquer des inondations dévastatrices.

« L’embâcle hivernal est le phénomène de glace qui provoque les inondations de plus grande ampleur. »  

Lisane Arsenault-Boucher, doctorante en science de l’environnement à l’UQTR.
Mur de glace, rivière Nicolet, 2021. Crédits: Lisane Arsenault-Boucher.

Géographe de formation, Lisane Arsenault-Boucher s’intéresse au phénomène des embâcles hivernaux du sud du Québec. Dans le cadre de son doctorat en science de l’environnement à l’UQTR, elle étudie ces phénomènes sous trois axes : l’occurrence des embâcles et la formation de ceux-ci; développer une base de données pour pouvoir reconstituer une chronologie complète sur un tronçon de rivière et entrevoir l’occurrence des embâcles dans le contexte des changements climatiques.

« Ça n’a pas de bon sens, soit d’avoir mis une route là ou soit il y a quelque chose qui se passe avec la glace qui ne se passait pas avant. » 

Lisane Arsenault-Boucher, doctorante en science de l’environnement à l’UQTR.

Ces barrages de glace sont soudain et dépendent de la morphologie, des précipitations, des débits, des grands écarts de température, de la croissance de la glace et de plusieurs autres facteurs encore, c’est pourquoi ils sont très difficiles à prédire et à déceler. 

« C’est comme si je travaille avec une dictée trouée! À cause du manque d’existence des données, ça complexifie donc toutes les analyses. » 

Lisane Arsenault-Boucher, doctorante en science de l’environnement à l’UQTR.

Néanmoins, des résultats se révèlent, étant qu’une augmentation des débits qui fait casser le couvert de glace rendraient prévisible les embâcles. D’autant plus qu’ils seraient plus fréquents avec les changements climatiques.

Chronologie hydroclimatique

Depuis 1985, le ministère de la sécurité publique possède une base de données d’images satellitaires d’embâcles hivernaux à certains tronçons. Lisane travaille à la reconstitution d’une chronologie complète d’un tronçon de 7km à la rivière Nicolet à l’aide des données répertoriées (surtout en zones urbaines), et non répertoriées (sous la canopée). Elle a effectué un défi de taille sur le terrain pour observer les traces de barrages de glace sur les berges, la végétation basse et les arbres. 

Chasseuse de glaces,2021. Crédits: Lisane Arsenault-Boucher

« Les cicatrices glacielles ont une signature particulière : la cicatrice va faire face à l’amont du chenal d’un impact ponctuel. Quand l’impact est suffisamment fort, l’éclat de glace va abimer le cambium (la partie vivante de l’arbre, sous l’écorce). La croissance de l’arbre est donc arrêtée à cet endroit-là, les tissus cicatriciels resteront toujours visibles. » 

Lisane Arsenault-Boucher, doctorante en science de l’environnement à l’UQTR.
Cicatrices glacielles Nicolet, 202. Crédits: Lisane Arsenault-Boucher

Le dénombrement des cicatrices compte tenu de l’âge d’un arbre peut déterminer un nombre X d’évènements. Les recherches de Lisane mettent en relation des cicatrices plus nombreuses dans une canopée plus dense, et les données du ministère dévoilent que les embâcles sont plus fréquents quand l’anthropisation est plus grande.

L’idée est de développer une base de données où mettre ensemble ces observations et réunir les recherches afin de pouvoir mieux reconnaître et prévoir le phénomène sans toutefois dénaturer des sites écologiques pour la sécurité humaine. Bien que des sites soient excessivement dévastateur à cause de la formation des embâcles, d’autres en dépendent. Certains milieux ont besoin de cette recharge hydrique annuelle où l’absence de barrage affecterait tout un écosystème.

« Ça fait partie de la dynamique naturelle des cours d’eau ; c’est normal qu’un cours d’eau déborde. Ce qui n’est pas normal c’est qu’on ait construit des maisons dans des plaines inondables. » 

Débris d’impact Nicolet. Crédits: Lisane Arsenault-Boucher

Plusieurs autres recherches ont démontré que les embâcles printaniers ont été devancés dans l’année, est-ce que davantage d’embâcles hivernaux pourraient donc se manifester à cause des réchauffements climatiques ? C’est une hypothèse qui pourra peut-être un jour avoir une réponse, entre autres, grâce aux données recueillies par la doctorante.  

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