La Galerie R3 ouvrait sa toute première exposition de 2020 jeudi dernier avec « la fin de la terre » de l’artiste et photojournaliste Valerian Mazataud. L’artiste documente les cérémonies de citoyenneté canadienne par un double processus de prise de vue : enregistrement vidéo et photographie de sa télévision. Une visite commentée a eu lieu où Valerian Mazataud a présenté son exposition et a discuté de son processus de création.
Valerian Mazataud, né en France en 1978 et basé à Montréal, a débuté sa carrière de photographe documentaire indépendant en 2009. Il travaille avec les médias canadiens et internationaux (par exemple Le Devoir et The Globe and Mail). Or, ce qu’on remarque dans l’exposition « la fin de la terre », c’est quelque chose qui se détache du reportage classique.
Du photojournalisme à l’art contemporain
Le photojournalisme apparaît souvent comme du contenu relevant du document et du reportage. Au-delà de la photographie de presse, Valerian Mazataud élève la documentation à un second degré : celui de l’art contemporain. Il ajoute sa propre interprétation de manière à créer un récit subjectif. Tout comme le souligne Lorraine Beaulieu, directrice de la galerie, « [p]lutôt que de transmettre une information, il cherche à faire vivre une expérience et à remettre en question les modes de représentation et les narrations classiques sur plusieurs enjeux contemporains » (2020).
Le projet a débuté en 2014, année où l’artiste obtenu sa citoyenneté canadienne.
L’art s’est immiscé de manière transitoire dans la méthodologie de création de Valerian Mazataud. Il souligne que l’art lui est apparu comme une nouvelle alternative pour traiter de sujets contemporains. L’art lui permet ainsi d’adopter « une approche plus personnelle ». C’est d’ailleurs ce qui l’a motivé à entamer le projet « la fin de la terre ». Le projet a débuté en 2014, année où l’artiste obtenu sa citoyenneté canadienne, puis s’est terminé en 2017. Il tire le titre de l’exposition de la devise du Canada : « un dominion d’un océan à l’autre, et du fleuve jusqu’à la fin de la terre ». Fasciné par le long et rigoureux processus de citoyenneté canadienne, il a voulu le rendre visible autrement. Alors que ce processus apparaît comme administratif, il désirait faire ressortir ce qui n’est pas nécessairement esthétique et visible.
VHS : l’image autrement
Afin de rendre compte de ce processus de fabrication de nouveaux citoyens et nouvelles citoyennes, il utilise un double processus de prise de vue. Il enregistre d’abord les cérémonies de citoyenneté canadienne sur une cassette VHS. Par la suite, il la visionne dans sa télévision. À l’aide d’un appareil photo, il photographie sa télévision et cela donne lieu à des images dont le traitement rappelle les photographies des années 90. Les photographies produites par l’artiste sont empreintes d’une nostalgie, d’une tristesse, d’un côté déshumain, mais aussi d’une grande beauté. Les spectateur.trice.s sont ainsi confronté.e.s à ce double regard.
L’esthétique de la caméra de surveillance
Ayant lui-même participé à la cérémonie de citoyenneté canadienne, il se souvient du caractère administratif, institutionnel et machinal, mais aussi du caractère émotionnel de cet événement. Il affirme avoir été ému lorsqu’il a porté serment à la reine. C’est précisément sur cette ambivalence qu’est fondée son exposition.
Plus que les photographies suspendues, la projection vidéo est l’œuvre qui rappelle le plus la caméra de surveillance. Cela est dû au choix des gros plans, de la superposition et de la succession d’images. Les spectateur.trice.s sont plongé.e.s dans un lieu sombre où ils et elles sont dans une position d’un certain voyeurisme. Alors ce que ces images sont disponibles en ligne, il est rare que nous leurs faisons face. Il y a ainsi un lien qui s’opère entre les histoires individuelles et le récit collectif, mais également entre celle de l’artiste et celles qu’il nous partage.
Une photo de la reine, Élisabeth II, est accroché au mur dans un cadre en bois orné or. Alors qu’elle apparaît au premier regard comme une vulgaire plaisanterie, on se plait à se plonger dans l’image et à admirer l’esthétique et les contrastes qu’elle suscite.
L’exposition « la fin de la terre » de Valerian Mazataud est présentée à la Galerie R3, 3351, boul. des Forges, Pavillon Benjamin-Sulte, Trois-Rivières, jusqu’au 7 février 2020.
Bibliographie
Beaulieu, L. (2020, 3 janvier). la fin de la Terre : Valerian Mazataud[communiqué]. Repéré à https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/gscw045a.afficher_detail_form_reponse?owa_no_site=4299&owa_no_fiche=130&owa_no_form_reponse=427923&owa_fenetre_surgissante=N