Au courant des derniers siècles, les femmes se sont émancipées à travers plusieurs métiers, souvent au rythme de leurs époques. C’est cependant à travers l’écriture que les premières notes féministes vont se déceler, particulièrement dans le monde occidental. Cette semaine, je vous présente Virginia Woolf (1882-1941), une écrivaine tourmentée du XXe siècle qui sera une des premières auteures modernistes.
Il y a quelques semaines, je vous ai présenté Elizabeth Gaskell, écrivaine anglaise qui, avec ses romans, a voulu dénoncer les conditions de travail des femmes dans les usines. Ses romans embrassent une cause noble mélangée avec des histoires d’amour et de famille. Avec Virginia Woolf, nous nous éloignons de cette lecture que l’on pourrait qualifier de ludique. Avec ses romans introspectifs, cette auteure anglaise est reconnue pour être l’une des premières à définir le style de roman psychologique.
Atteinte elle-même de ce que nous appelons maintenant un trouble bipolaire, elle utilisera ses souffrances psychiques pour nourrir ses trames narratives. Son histoire n’est pas joyeuse, au contraire elle est plutôt triste. Il est tout de même important de se rappeler de cette écrivaine qui souhaitait une meilleure place pour la femme en société et une sexualité plus ouverte, s’avouant elle-même bisexuelle. Bref aperçu de l’existence trouble et marginale de cette auteure anglaise.
Prémisses d’une vie triste
Virginia Stephen nait en 1882 dans une famille reconstituée où ses deux parents se sont remariés par cause de veuvage. Elle sera éduquée à la maison, particulièrement par son père qui était lui-même écrivain. C’est donc autour de la littérature de la haute société qu’elle s’épanouit, mais son enfance sera assombrie par ses deux demi-frères, fils de sa mère, qu’elle accusera plus tard d’attouchement envers elle et sa sœur. En 1895, alors qu’elle a à peine 13 ans, sa mère décède, ce qui la pousse à sa première dépression. Le tout s’aggrave à la suite de la mort de son père neuf ans plus tard, et sa situation l’amènera à être internée pour dépression grave.
Avec ses romans introspectifs, cette auteure anglaise est reconnue pour être l’une des premières à définir le style de roman psychologique.
Elle réussira à prendre le dessus avec l’aide de sa sœur et de son frère, et surtout grâce au cercle d’intellectuels duquel elle s’entoure. Ensemble, ils forment le Bloomsbury Group qui regroupe des auteurs anglais qui souhaitent semer la controverse. Tous de bonne famille, ils avaient pour but de secouer la société par leurs actions et leurs écrits. C’est à travers ce groupe qu’elle rencontre Leonard Woolf, qu’elle mariera en 1912.
Affection et passion
Avec son nouveau mari, elle trouve un certain équilibre. Elle le voit comme son meilleur ami, comme son compagnon de vie indispensable. Ses problèmes mentaux ne peuvent cependant pas être contrôlés par cette affection, et elle fait sa première tentative de suicide en 1913. Tourmentée, elle réussit toutefois à transformer sa confusion en écrits et publie son premier roman en 1915, La traversée des apparences, qui traite principalement du passage de l’adolescence à l’âge adulte.
Elle fonde avec son mari leur propre maison d’édition, ce qui lui donnera tout au long de sa carrière une liberté d’écriture. Toujours troublée, ses romans font preuve d’une dualité interne entre ce qu’elle est et ce qu’elle projette en société. Son quatrième roman, Mrs Dalloway, montre bien son dilemme intérieur en présentant un personnage tiraillé entre le maintien des apparences dans sa vie mondaine et ce qu’elle souhaite intérieurement pour elle.
Son univers sera chamboulé en 1924, alors qu’elle fait la connaissance de Vita Sackville West, poétesse, romancière et essayiste anglaise qui s’incruste dans le Bloomsbury Group. Après une collaboration ensemble, elles entament une liaison qui durera presque 10 ans. Elle s’inspire d’ailleurs de leur histoire pour écrire le roman Orlando que le fils de Vita décrira comme «la plus longue lettre d’amour de l’histoire». Même après leur liaison, les deux femmes resteront amies, et Virginia lui fera souvent lire ses romans avant leur publication.
Honnêteté fatale
«Si vous ne dites pas la vérité sur vous, vous ne pouvez pas la dire sur les autres». Ces mots de Virginia Woolf décrivent bien son sentiment face à l’honnêteté, qui la mènera finalement à sa mort en 1941. Quelques semaines après avoir fini son dernier roman Années, elle se suicide par noyade. Elle écrira dans une lettre à son mari qu’elle se sent devenir folle et qu’elle ne peut plus taire les voix dans sa tête. C’est sa peur de ne plus pouvoir se concentrer et d’écrire, et aussi de passer à travers une autre période de dépression qui la mènera à cette fin tragique. Elle a tout de même grandement marqué la littérature en mettant en scène des personnages féminins complexes, la mettant comme figure de proue pour le féminisme du XXe siècle.