Cette étonnante usine naturelle saura-t-elle s’adapter aux changements climatiques ?
Grâce à des instruments très sophistiqués, la doctorante Jennifer Paillaissa a mesuré différents spécimens de plantes (l’épaisseur des feuilles, leur grandeur, grosseur des végétaux, etc.), mais surtout, leur capacité à emmagasiner le carbone pour le transformer en sucres : principe de base de la photosynthèse. Ce qui est intéressant dans son travail est que ce processus photochimique est bien connu, mais pas dans le Grand Nord. En effet, 90 % des bases de données mondiales sur la photosynthèse sont faites sur des plantes tempérées ou tropicales.
Travaux d’écriture par Jennifer
La réponse de la photosynthèse dans des conditions nordiques, c’est ce que Jennifer tente de démystifier à travers calculs et données récoltés. La première partie de son doctorat a été l’écriture d’un article démontrant les réponses de la photosynthèse aux différents aspects du climat (humidité, température, orientation solaire et altitude). Les deux autres parties se concentrent davantage sur l’étude de trois espèces de saules en Arctique. Elle y est d’ailleurs allée deux fois, pour du travail sur le terrain. Elle cherche entre autres à élucider qui du sol ou du climat a le plus d’impact sur la photosynthèse et sa dynamique nordique.
« Lorsqu’on cherche à modéliser la réponse de la végétation sur les changements climatiques, on se réfère à des bases de données végétatives issues de régions tempérées et tropicales qu’on applique à l’ensemble de la planète. La problématique est que nous ne connaissons pas bien le comportement des plantes en Arctique et ne savons pas comment elles gèrent réellement les changements climatiques. Il en résulte donc une mauvaise modélisation du réchauffement climatique quand on estime que l’Arctique se réchauffe 4 fois plus vite que le reste de la planète. Nous connaissons très peu de choses sur les limitations de ces plantes dans ces conditions ».
Jennifer Paillassa, étudiante 3è cycle, département des sciences de l’environnement, UQTR.
L’adaptation extraordinaire des plantes
Les limitations de la dynamique de la photosynthèse sont les contraintes rencontrées par la doctorante, pratiquement inconnues jusqu’à présent. Nous savons que pour faire de la photosynthèse, une plante a besoin d’énergie lumineuse, d’eau et de CO2. Dans ce désert arctique, non seulement l’été ne dure que deux mois (mi-juin à la mi-août), mais en plus les sources d’eau ne sont pas des plus abondantes, ce qui nuit à la croissance des plantes … D’autant plus qu’en dessous de 10 degrés Celsius, c’est tout le système vasculaire qui est au ralenti. Pourtant elles existent et s’adaptent.
Limitations de la photosynthèse
Pour capter le CO2, une plante ouvrira d’innombrables petits trous à la surface de ses feuilles qu’on appelle « stomates », qui régulent sa transpiration et sa perte en eau. Le mésophile (l’épaisseur des cellules de l’intérieur d’une feuille), est ensuite un autre obstacle à franchir avant que le CO2 puisse arriver dans les chloroplastes (organites dans la cellule où est synthétisée la chlorophylle). C’est avec l’enzyme « Rubisco », présente dans les chloroplastes, que le dioxyde de carbone est métabolisé en sucres.
Jusqu’à maintenant, les recherches avaient noté deux limitations à la production de la photosynthèse : les stomates ainsi que la Rubisco. Dans ses recherches, Jennifer pourra certainement prouver qu’en Arctique, le traitement du CO2 se ferait davantage par le mésophile que par conduction stomatique. Étant donné que le mésophile est plus épais et plus grand, retenant mieux l’eau. Il permettrait ainsi une plus grande plasticité aux stomates pouvant s’ouvrir sans devoir se soucier de l’échange d’eau.
Selon l’espèce de plante, c’est un phénomène qui sera plus ou moins décisif et observable, certainement encore un signe d’adaptation de la nature. Merci, Jennifer Paillassa d’affronter les grands froids pour nous partager la magie de la nature !