La p’tite vite: Quand «non» devient violence

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Anthony Morin. Photo: Mathieu Plante
Anthony Morin. Photo: Mathieu Plante

Attention! Le texte suivant traite d’un sujet délicat pouvant heurter la sensibilité de certaines personnes. Nous préférons vous en avertir. Bonne lecture!


Quand les mots blessent, quand le rejet blesse, le «non» peut-il devenir une source de violence sexuelle?

Il va sans dire qu’il est bien, voire noble, d’être contre toutes formes de violence sexuelle. Le slogan «sans oui, c’est non» est fièrement scandé un peu partout au Québec ces dernières années. Je suis de ceux qui promeuvent, protègent et valorisent ce dernier comme porte-étendard contre la culture du viol.

Toutefois, il peut être judicieux de s’interroger si les refus d’accéder à un rapport sexuel ne peuvent pas être en soi une forme de violence insidieuse et mal comprise.

Avant de vouloir ma peau

Bon, pour ceux et celles que ces premières lignes irritent, veuillez me laisser le temps de clarifier ma pensée. Le Petit Larousse de la sexualité définit la violence sexuelle ainsi: «toute violence, au sens large, exercée à des fins sexuelles, et/ou portant atteinte à la sexualité d’autrui» (Mimoun, 2007).

Il est donc possible de convenir rationnellement que la violence se présente sous différentes formes. Le gouvernement du Québec sur son site violenceconjugale.gouv.ca est on ne peut plus clair sur le sujet, en précisant les formes d’agressions possibles. Il est clairement stipulé que la violence psychologique et la violence sexuelle sont des types de violence. En poussant davantage la réflexion, est-il possible de combiner ces deux aspects de la violence? Poser la question, c’est déjà y répondre.

La sexualité, bien plus que du plaisir

Outre la fonction première de reproduction ainsi que la fonction plus populaire encore qu’est le plaisir, la sexualité au sein d’un couple est source de réconfort, d’engagement et d’affection. Bien qu’il soit tout à fait possible d’obtenir ces derniers éléments par d’autres moyens que les rapports sexuels, ils en sont toutefois une source considérable.

Malgré tout, au-delà des généralités, il y a la prise de conscience que, lorsqu’une personne, homme ou femme, prive, rejette, restreint son partenaire sexuellement dans le but de faire souffrir, de rabaisser ou de manipuler l’autre, c’est une forme de violence sexuelle psychologique.

La violence du conditionnel

En clair, le chantage sexuel où la sexualité y est relayée à la fonction de récompense ou de levier de négociation. La manipulation n’y est plus discrète ou insidieuse, elle est implicite et clairement établie. Bien qu’ici la notion de consentement semble évidente, il est important de rappeler le concept de consentement libre et éclairé.

Il existe une différence considérable entre un « oui libre »de toutes contraintes, accordé et désiré, en contrepartie d’un «oui dû» offert en récompense où le principe de désir mutuel n’y est plus. Le chantage sexuel devient alors source de violence pour les deux partenaires qui sous des contraintes différentes (l’un par désir d’avoir une activité sexuelle, l’autre par avoir ce qu’il veut sur le plan matériel, affectif, monétaire ou autres) seront contraints à outrepasser leurs désirs et intérêts premiers afin d’accéder aux gains convoités. La violence n’est donc pas essentiellement unidirectionnelle, mais bidirectionnelle, ce qui signifie que les deux partenaires se font mutuellement violence en s’adonnant à une monétisation malsaine de leur sexualité.

Le qualificatif «malsain» ne se veut pas moralisateur, mais tient compte davantage à un effet de dénaturation de l’image même de la sexualité qui la relaye à une source de gains plutôt que de plaisir et d’affection mutuelle.

Quelques exemples

Les exemples cités ici-bas sont fictifs, mais sont inspirés de cas réel rencontré en clinique et relaté par un ancien sexologue, aujourd’hui à la retraite. Dans le premier exemple, Madame trouve que Monsieur (ou madame) arbore un surplus de poids disgracieux. Elle lui fait part de cette observation et lui indique qu’elle ne s’adonnera plus au sexe oral tant et aussi longtemps que le (la) partenaire n’aura pas perdu les kilos en trop. Bien que madame soit ainsi parfaitement dans ces droits de refuser un comportement sexuel non désiré, et ce, peu importe la raison, il n’en demeure pas moins que le partenaire sera blessé psychologiquement au niveau de son estime et lésé sur le plan sexuel.

Autres exemples, un partenaire refuse catégoriquement les caresses et les rapports sexuels de son conjoint si celui-ci lui a fait des remontrances sur comportements pendant la semaine. Ainsi, le partenaire essuyant le refus pourrait finir par croire qu’il n’a pas le droit de s’exprimer au sein du couple. Le chantage et le manque d’affection sont d’ores et déjà considérés comme de la violence conjugale. Toutefois, en matière de violence sexuelle, surtout lorsqu’il s’agit des femmes envers les hommes, il y a peu de place pour ce genre de constat.

Soyons clairs et précis, la violence est condamnable sous toutes ses formes. En aucun cas, une personne lésée sexuellement ne peut décider de forcer son partenaire à faire ce dont il/elle n’a pas envie, même si les raisons de son refus sont injustes et saugrenues. Malgré tout, il est impératif de réagir vivement face aux situations de violences.

Pour prévenir, il faut en parler

Je vous entends vous exclamer avec ferveur: «mais comment faire alors pour que les partenaires soient mutuellement respectés dans leurs besoins et leurs limites?»

Pas de panique! Pas de panique! Il n’y a pas 36 solutions, pour que chacun évolue sainement dans la relation, il faut en parler, calmement, sans accusation, sans jugement ni esprit de compétition. Bien qu’il s’agisse de violence, il est souvent possible d’en discuter avec son auteur. Il est capital d’imposer ses propres limites et exigences vis-à-vis d’une relation.

La solution peut paraître simpliste et servie à toutes les sauces, mais la communication est essentielle, surtout lorsqu’il s’agit de conflits intraconjugaux. Néanmoins, quand les mots ne suffisent plus, la séparation peut être la seule avenue possible. La violence n’est pas toujours dans les gestes ou dans les mots, mais peut aussi être dans la portée de ceux-ci. Un «non», mal intentionné, peut être lourd de sens, même dans le sexe.

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