La zone grise: Anglade et les femmes dans la politique québécoise

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La zone grise est l’éditorial bimensuel du Zone Campus. Dans ce dernier, Laura Lafrance y partage ses opinions et pensées du moment, et ce, sur une variété de sujets.

En début de semaine, le paysage politique québécois a été ébranlé par la démission de Dominique Anglade, alors cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ). Tandis que le discours médiatique entourant cette décision est varié, il reste qu’il serait irresponsable de fermer les yeux sur un aspect central de la fin de la carrière politique d’Anglade: le rôle des femmes à l’Assemblée nationale.

Si le Devoir publiait cette semaine qu’Anglade « jette l’éponge », d’autres décrient plutôt l’aveuglement volontaire de certains individus face à la mission impossible qu’a tenté de relever l’ex-cheffe du PLQ. Comme l’expliquait Yolande Cohen, historienne, dans un texte d’opinion publié hier dans La Presse, la culture partisane du Québec est « toxique » pour les femmes. Cohen y affirme, sans faire de détours, que l’Assemblée nationale est un « boys club » qui « n’a jamais accepté qu’une femme, issue de la Coalition avenir Québec (CAQ) de surcroît, puisse diriger le PLQ! »

Jeter l’éponge, vraiment?

Je ne sais pas pour vous, mais à mes yeux, l’expression « jeter l’éponge » ne semble pas être connoté positivement. C’est plutôt le contraire: quand on jette l’éponge, c’est parce qu’on a baissé les bras, qu’on a perdu espoir et, à limite, qu’on n’a plus la force de continuer. Cela suggère une forme de faiblesse, de paresse. Aurait-on employé la même expression s’il s’agissait d’un homme qui quittait la vie politique? Ou aurait-on plutôt souligné son engagement dans la sphère politique québécoise?

C’est presque comme si on se réjouissait de voir que la seule femme cheffe d’un parti politique d’envergure quittait le navire. Qui plus est, Mme Anglade était la seule cheffe qui offrait un semblant de diversité culturelle à l’électorat québécois: d’origine haïtienne, Mme Anglade était d’ailleurs la première femme à devenir cheffe du PLQ. Bien que le climat politique des dernières semaines n’annonçait rien de bon pour le parti, je ne dirais pas que Mme Anglade a jeté l’éponge. Au contraire, que l’on soit d’accord avec les valeurs de ce parti ou non, il reste que Mme Anglade a contribué positivement au rôle occupé par les femmes en politique, et ce, même si l’Assemblée nationale est rempli de mononcles qui s’obstinent à refuser le progrès social.

Une tempête médiatique

Adams Tekougoum, candidat du PLQ, écrit, dans un texte d’opinions publié hier, que Mme Anglade a été victime tout au long de sa carrière politique d’un « mauvais vent médiatique ». Il explique que « elle a constamment fait face à un lynchage systématique, à un acharnement presque sans précédent dans le contexte. Les discours négatifs à son égard se succédaient et se ressemblaient. Dans presque tous les médias on lui prédisait l’apocalypse électorale avec d’ailleurs à la clé, une possible défaite dans sa propre circonscription. » Bien que l’on puisse remettre en question l’objectivité d’un candidat du PLQ face à son ex-cheffe, il demeure que les propos de M. Tekougoum, qui n’oublie pas de souligner les difficultés supplémentaires vécues par Mme Anglade en raison de son genre et de sa couleur de peau, reflètent bien ma pensée.

Rappellons-nous le 4 septembre 2012 où, après que Pauline Marois ait été élue première ministre du Québec, l’attentat terroriste du Métropolis a failli coûter la vie de Mme Marois. Est-ce que cet événement aurait eu lieu si c’était un homme qui avait été nommé premier ministre ce soir-là? Rappellons-nous aussi toutes les fois, au cours des derniers quatre ans, où Mme Manon Massé a reçu des commentaires sur sa moustache et où on a commenté l’habit de Mme Catherine Dorion. Peut-être n’est-ce que des cas isolés, mais il me semble bien que le facteur commun entre chacun de ces cas soit le genre des personnes concernées. Aurait-on commenté l’habillement d’un politicien? Ses choix capillaires? Ses capacités à diriger un parti politique? Je ne pense pas.

Même si plusieurs refusent de s’ouvrir les yeux sur le sexisme systémique qui sévit à l’Assemblée nationale, je pense qu’il est grand temps que nous ayons le courage de voir ce qui ne fonctionne pas dans notre paysage politique québécois.

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