Dans les dernières semaines, plusieurs internautes, soit des centaines de milliers, ont applaudi Miley Cyrus et Shakira d’avoir « call-out » leur ex-conjoint à travers leur plus récente composition. L’expression « call-out », utilisée en langue anglaise pour désigner le fait de dénoncer les actions et les comportements inacceptables d’une personne, est la plus juste que j’ai trouvé pour parler des chansons devenues virales de Cyrus et de Shakira.
Tandis que Shakira se moque abondamment de son ex Gérard Piqué et de sa nouvelle copine avec qui il aurait été infidèle, Miley Cyrus, de son côté, répète de façon plutôt accrocheuse, en faisant référence à son ex-mari Liam Hemsworth, qu’elle « peut s’aimer mieux que lui n’a su le faire » (je traduis). Les internautes, tous genres confondus, ont célébré ces chansons dans lesquelles Cyrus et Shakira tentent de se faire justice elles-mêmes. Même si j’approuve l’émancipation et la puissance que suggère Cyrus dans sa chanson « Flowers », je ne peux que me questionner sur le côté acceptable, du moins d’un point de vue éthique, d’un tel engouement pour la « call-out culture ».
Se faire « call-out » = se faire canceller?
S’il est possible de faire des rapprochements entre la culture du cancel et celle du « call-out », il reste que l’une suggère des actions beaucoup plus graves que l’autre. Dans la « cancel culture », l’idée de faire annuler une personne (soit de lui faire perdre sa plateforme ou et/ou sa position privilégiée) en raison d’actions clairement répréhensibles (et souvent criminelles) est encouragée. On pense ici à des cas qui ont fait les manchettes comme ceux de Julien Lacroix, de Kanye West ou d’Andrew Tate. Vous vous dites sans doute que je n’ai nommé que des hommes, mais je rétorquerais en vous disant que Mariepier Morin est la preuve que les femmes peuvent aussi se faire canceller!
Pour ce qui est de la culture du « call-out », il s’agit plutôt de dénoncer une personne pour ses agissements sans avancer que celle-ci devrait être « annulée ». Je suis loin de dire que la culture du cancel soit désirable pour un climat social sain, bien qu’elle soit justifiable si l’on observe les injustices qui découlent de notre système judiciaire. Je pense plutôt que la culture du « call-out » est une forme plus modérée de la culture du cancel, mais je me demande encore s’il est moralement acceptable de célébrer le dénigrement d’autrui.
Se venger ou se prononcer sur notre souffrance?
La chanson de Shakira, où elle répète de maintes façons qu’elle est mieux que la nouvelle amoureuse de son ex-conjoint, est ce que les amateurs et amatrices de musique rap appellent une « diss track », soit une piste où unE artiste critique autrui de façon irrespectueuse (« diss » est un diminutif de « disrespect »). Le but de la chanson, outre la satisfaction que Shakira a dû ressentir en l’écrivant, semble bel et bien d’humilier publiquement Piqué et sa nouvelle copine en montrant au monde à quel point il mérite de se faire traiter ainsi. Shakira aurait réussi, selon les commentaires inscrits sous la vidéo, à se venger pour la souffrance que lui aurait causé Piqué. Or, est-ce acceptable d’encourager des émotions aussi malsaines que la vengeance? Ou la gravité des actions posées rendraient légitime la vengeance de Shakira?
Même si je suis la première à penser que Piqué a été complètement grossier dans ses agissements avec son ex-conjointe, je ne trouve pas qu’il soit admirable de la part de Shakira de chercher à le « disrespect ». Ce qui aurait été admirable, c’est d’agir avec grâce et intelligence et surtout (surtout!) de ne pas s’abaisser au niveau de la personne qui nous a causé du tort. Pour cette raison, je pense que Miley Cyrus, avec sa chanson qui prône plutôt l’empouvoirement et l’indépendance que l’humiliation d’autrui, a réussi à « call-out » son ex-conjoint d’une façon beaucoup plus efficace que Shakira, parce que son message excède le simple fait de chercher à critiquer autrui. Se prononcer sur notre souffrance et inspirer les gens à reconnaître leur propre pouvoir, on aime!
