Au cours des derniers jours, la décision de Neil Young de retirer sa musique de la plateforme de diffusion Spotify a énormément fait parler.
L’éminent musicien canadien demande, dans une lettre qui a été retirée depuis, à Spotify de retirer l’ensemble de sa discographie de la plateforme puisque cette dernière a « une force très dommageable via ses mensonges et sa désinformation publique à l’égard de la Covid-19 » (traduction libre). En effet, Spotify a signé l’an dernier un contrat d’exclusivité avec Joe Rogan, personnalité publique américaine, pour diffuser son balado « The Joe Rogan Experience ». Or, selon Young, cette entente légitimiserait les propos controversés qui sont émis par Rogan et les personnes invitées dans le cadre de son podcast.
L’expérience Joe Rogan
D’abord, je tiens à préciser que je suis loin d’avoir suffisamment écouté le podcast de Rogan pour pouvoir émettre une opinion très articulée à son sujet. Je ne pense pas avoir consommé plus de dix minutes de contenu produit par Rogan. Ainsi, cette chronique ne traitera pas de la qualité ou de l’absence de qualité du podcast, mais plutôt de la responsabilité de Spotify – et de toutes autres plateformes de diffusion en ce qui a trait au contenu diffusé. Dans tous les cas, il reste que « The Joe Rogan Experience » est un phénomène culturel qu’il est impossible de nier; chaque épisode du podcast serait écouté par plus de onze millions de personnes. Cela en ferait le podcast le plus populaire au monde.
Propos controversés sur la pandémie
Dans une vidéo publiée sur le compte Instagram de Rogan, le 30 janvier dernier, celui-ci explique qu’il est seulement une personne qui s’assied avec d’autres individus pour avoir une conversation; il reconnaît qu’il lui arrive de commettre des erreurs, mais qu’il est seulement intéressé à avoir des discussions avec des personnes provenant de différents milieux et qui ont des opinions différentes aux siennes et à celles communiquées dans les médias traditionnels. Dans le passé, il a reçu de nombreuses personnalités très connues, qu’il s’agisse du professeur Jordan Peterson ou du millionnaire Elon Musk. Cependant, si son podcast a réussit à convaincre Neil Young de quitter la plateforme, c’est principalement parce qu’il a donné une grande visibilité à des individus qui présenteraient des visions mensongères de la pandémie de la Covid-19. C’est ainsi que le 31 décembre 2021, plus de 250 personnes œuvrant dans le milieu de la santé ont signé une lettre ouverte afin de demander à Spotify d’implémenter une politique sur la désinformation.
Neil Young, qui est allé dans la même direction que ces dernières, a fait un ultimatum à Spotify: « C’est moi ou Rogan, pas les deux ». Young a d’ailleurs écrit, dans sa lettre, que les auditeurs et auditrices du podcast ne seraient pas en mesure de croire que Spotify pourrait diffuser un contenu mensonger et qu’ils et elles, êtres crédules, ne seraient pas en mesure de remettre en question ce qui y est dit. Il ne faut pas non plus oublier de mentionner que Young avait déjà fait des démarches pour retirer sa musique de la plateforme il y a quelques années, sous prétexte que la qualité y était médiocre. Cette fois-ci, utilisant la pandémie pour finaliser son coup, Young a convaincu d’autres artistes, telLEs que Joni Mitchell et Gilles Vigneault, d’emboiter le pas et de retirer leurs chansons de la plateforme.
Aucun esprit critique, vraiment?
Il semble plutôt improbable, en jetant un coup d’œil au logo du podcast, de penser que l’individu moyen n’y verrait que du feu. Le troisième œil qui y est affiché me semble d’ores et déjà un signe que ce balado relève plus des envies d’explorer divers sujets de Rogan que de son désir de communiquer une vérité universelle.
Je trouve, dans tous les cas, que la décision de Young relève d’une morale sélective bien douteuse.
Je pense que Young est tout à fait dans ses droits de vouloir retirer ses chansons de Spotify. Bien que sa musique soit encore accessible sur la plateforme à l’heure actuelle, il semblerait que sa requête ait convaincu Spotify d’ajouter un avertissement pour informer les spectateurs et spectatrices que les avis présentés dans le podcast ne sont pas des conseils médicaux et qu’il vaut mieux se référer à des autorités médicales sérieuses pour en savoir plus sur la Covid-19.
Être à moitié éthique
Je trouve, dans tous les cas, que la décision de Young relève d’une morale sélective bien douteuse. Pour lui, la désinformation serait inacceptable puisqu’elle mènerait aux décès et à l’hospitalisation de nombreuses personnes. Ok, fine. Mais, supposant que les plateformes de diffusion doivent être des compas moraux irréprochables, ne voit-il pas de problèmes à l’idée d’être diffusé sur d’autres plateformes qui, elles aussi, mettent de l’avant du contenu douteux? Qu’il s’agisse de chansons qui encouragent la violence sexuelle faite aux femmes, de podcasts qui présentent des habitudes de vie non-recommandables ou de vidéos homophobes, pourquoi Young ne se bat-il pas pour n’être diffusé que sur des plateformes complètement éthiques? La désinformation est-elle vraiment pire que la haine ou la sexisme? Après tout, Young sera diffusé sur Apple Music aux côtés d’artistes comme R. Kelly et Black Taboo.
Neil, si tu veux être éthique, ne fais pas les choses à moitié. Les plateformes de YouTube, Apple Music et toutes les autres, bien qu’elles offrent une meilleure qualité sonore, ne sont pas vraiment plus éthiques que Spotify à bien d’autres niveaux. La prochaine fois, fais juste dire que tu veux que tes fans écoutent Heart of Gold dans une qualité irréprochable et ce sera okay.