La zone grise: Kanye West, homme incompris ou problématique?

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La zone grise est l’éditorial bimensuel du Zone Campus. Dans ce dernier, Laura Lafrance y partage ses opinions et pensées du moment, et ce, sur une variété de sujets.

Dans les derniers jours, l’artiste pluridisciplinaire Kanye West, principalement connu pour sa musique rap et pour sa relation avec la star de téléréalité Kim Kardashian, a fait les manchettes à plusieurs reprises, et ce, pour des raisons plutôt controversées. Ce n’est pas la première fois que West se trouve dans une situation similaire, bien que cette fois-ci la tournure des événements n’indique rien de bon pour la suite de sa carrière.

Après s’être présenté à la Paris Fashion Week portant un chandail arborant l’inscription « White Lives Matter », soit une phrase utilisée par les suprémacistes blancs depuis 2015 en réponse au mouvement « Black Lives Matter », West s’est dirigé sur Twitter pour y écrire qu’il allait s’en prendre au peuple juif qui, selon lui, dirigerait la grande majorité des instances gouvernementales en plus de contrôler les médias. La rhétorique antisémite de West lui a valu d’être banni des plateformes Twitter et Instagram. Dans les jours suivants son tweet, de nombreuses compagnies, dont Adidas, ont rompu leur contrat avec l’artiste, ce qui lui a fait perdre son statut de milliardaire. Or, si je trouve que la situation entourant l’artiste est particulièrement intéressante à analyser, c’est notamment parce que, pour plusieurs individus, ce dernier ne serait qu’un artiste que le public ne saurait adéquatement comprendre.

La dichotomie de la pensée

Bien que des dizaines et des dizaines d’articles aient été publiés au cours des derniers jours à ce sujet, ils adoptent généralement tous le même point de vue, soit celui que les actions et les paroles de West sont inacceptables, point de vue que je partage également. Toutefois, si l’on se dirige vers des plateformes qui mettent exclusivement du contenu généré par les utilisateurs et utilisatrices, le discours est quelque peu différent. En effet, en ne passant que quelques minutes sur la plateforme Tik Tok, je suis tombée sur plus d’une trentaine de vidéos qui tentaient de montrer que West était loin d’être une personne problématique, mais qu’il était plutôt un grand incompris. Cela n’était pas sans me rappeler le discours des pauvres admirateurs d’Andrew Tate qui, une fois qu’il s’est fait bannir des médias sociaux, se plaignaient que celui-ci était une victime de la censure des médias de masse et, qu’au fond, ses propos avaient été mal interprétés.

S’il est aisé de trouver du contenu polarisé sur des sujets qui touchent directement aux enjeux de nos sociétés occidentales, comme le sont les vidéos et articles sur Tate et West, il est plus rare d’entendre des points de vue qui sont nuancés et bien ficelés sur ces questions. Si la violence des propos de Tate et de West n’a pas besoin d’être prouvée pour être reconnue comme telle, il reste que la polarisation des idées contribue à l’appauvrissement de la pensée.

Se faire une tête

Ne vous méprenez pas, cette chronique ne se veut d’aucune façon une défense de ces hommes, mais plutôt une réflexion sur l’angle d’approche des discours les entourant. Peut-on prétendre que les propos de ces derniers ainsi que le contexte dans lequel ceux-ci sont émis soient entièrement bien compris par la plupart des gens qui émettent leur opinion à leur sujet? Certainement pas. Si les mots révèlent le fond de la pensée humaine, il faut que ceux-ci soient analysés dans l’entièreté de leur contexte. Pour ce faire, il faut définitivement avoir accès à l’entièreté de la prise de parole. Ainsi, je ne pense pas qu’un extrait de 10 secondes sur Tik Tok ou qu’un seul tweet puissent être considérés comme des preuves valides qu’une personne soit problématique.

Dans le cas de Tate et de West, il est certain qu’il ne s’agit pas que d’un tweet ou d’un extrait pris hors contexte. Or, si l’on élargit à d’autres situations, on constate bien souvent que l’opinion des gens ne s’appuient pas sur l’entièreté du contexte d’énonciation, mais plutôt sur l’une de ses parties. C’est comme si l’on demandait à quelqu’un de rédiger une critique d’un livre après n’en avoir lu que la moitié.

Pour un monde de la pensée critique

Bien que je sois en accord qu’il faille dénoncer rigoureusement les propos et les actions qui nuisent au bien-être collectif de notre société, je pense que cela doit inévitablement passer par une compréhension totale et intégrale de ces derniers. Avant d’apposer une étiquette sur autrui, assurons-nous d’être en mesure de disséquer notre argumentaire pour que celui-ci révèle la profondeur de notre réflexion.

La réflexion de surface ainsi que la polarisation sans nuance ne contribuent pas à faire avancer les débats qui touchent aux enjeux fondamentaux de notre société puisqu’ils n’encouragent pas la pensée critique. Et finalement, pour répondre à la question qui fait office de titre de cette chronique, oui, West est problématique. Une autre chronique serait nécessaire pour m’expliquer, car je ne pense pas que le terme « antisémite » soit suffisant pour bien illustrer la globalité de sa pensée. Après avoir visionné maintes entrevues, réalisées au cours des derniers jours, on ne peut que comprendre que la situation est infiniment plus complexe que ne le laisse présager ce seul mot.

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