La zone grise: La génération Tate

0
Publicité
La zone grise est l’éditorial bimensuel du Zone Campus. Dans ce dernier, Laura Lafrance y partage ses opinions et pensées du moment, et ce, sur une variété de sujets. Portrait par Camille Limoges.

Le 11 janvier dernier, le média Vice partage en exclusivité des échanges entre l’influenceur Andrew Tate et une femme où celui-ci s’exclame qu’il « aime la violer » et qu’elle devrait se condidérer chanceuse « d’avoir été baisée par l’un des hommes les plus dangereux de la planète ». Une semaine plus tôt, on apprenait que Tate avait été arrêté en 2015 puisqu’il était soupçonné d’avoir agressé sexuellement deux femmes en Angleterre.

Après avoir été arrêté à la fin de l’année 2022 en raison d’allégations de trafic humain, de viol et de crime organisé, Andrew Tate continue de faire parler de lui tandis que la vérité éclate au grand jour pour ceux et celles qui n’étaient pas déjà en mesure de remarquer l’incommensurable violence de ses propos partagés un peu partout sur le net. Rappelons que Tate avait été arrêté plus tôt en 2022 pour les mêmes raisons avant d’être libéré par les autorités roumaines.

La matrice et le masculiniste

Lors de son arrestation le 29 décembre dernier, Tate, alors escorté par la police roumaine, a dit à la caméra que « la matrice m’a attaqué ». Il faut comprendre que dans le langage de Tate, la matrice fait référence à la soi-disant élite mondiale contrôlée par les médias, les politicienNEs et les grandes entreprises de ce monde qui voudraient censurer ses propos. Ainsi, s’il s’est fait arrêter par la police, ce n’est certainement pas parce qu’il aurait forcé des femmes à filmer des vidéos pornographiques, les aurait séquestrées ou violées. Non, non, non! S’il s’est fait arrêter, c’est bien évidemment parce qu’il menace l’ordre établi et que ses paroles, presque prophétiques, permettent à des millions d’hommes de se libérer de ce monde d’illusions (notez ici le sarcasme).

Tate est un masculiniste parmi tant d’autres, telle n’est pas la question. Toutefois, ce qui est inquiétant, c’est bel et bien qu’il ait réussi à gagner en popularité à une vitesse ahurissante, et ce, auprès des adolescents autant bien qu’auprès des jeunes hommes. Ce qui est encore plus déconcertant, c’est que la montée en popularité de Tate a eu lieu plusieurs mois après qu’il ait été questionné pour la première fois dans un dossier impliquant des allégations de proxénétisme. Bien qu’il ait été libéré par la suite, cet événement aurait dû être suffisant pour que ses plus fervents followers remettent en question celui qu’ils considèrent être le « top G ».

Les adolescents et les hommes inspirants

Si Tate est aussi populaire, c’est notamment parce qu’il a su exploiter les failles des médias sociaux en demandant à ses admirateurs de faire des montages de ses vidéos et podcasts, montages qui ont été partagés et vus plus d’un milliard de fois. Or, un autre facteur qui explique l’influence de Tate est l’absence de modèles inspirants pour les jeunes hommes. Si on se ferme les yeux sur les (très) nombreux aspects problématiques de sa personne, Tate semble vendre le rêve à ses abonnés : il leur dit qu’ils peuvent être riches s’ils travaillent fort comme lui, qu’ils peuvent attirer les plus belles femmes de la planète et conduire des voitures de luxe et, surtout, qu’ils peuvent briser l’illusion du 9 à 5 pour mener une vie qui leur plaît réellement.

Comment avons-nous fait pour en arriver là en tant que société? Comment avons-nous fait pour que nos adolescents admirent plus l’arrogance, la richesse et le matérialisme d’un ancien kickboxeur que l’intelligence, la bonté et la sagesse d’un autre?

La génération de demain

Si cette génération de jeunes hommes est autant influencée par Tate (qui est loin d’être le seul de son espèce), nous ne devons pas le leur reprocher, mais plutôt chercher à comprendre ce qui a rendu cela possible. Après tout, si plusieurs personnes ont décrié la misogynie et la violence véhiculées par Tate, il reste qu’il y en a trop qui sont restées silencieuses. Si les adolescents ont besoin de modèles, il faudrait être en mesure de leur en proposer qui ne contribuent pas à la violence et à l’oppression des femmes. Le sexisme d’hier, si on ne s’y attaque pas, deviendra le sexisme de demain. J’ai espoir que cette histoire, bien que prévisible, apprendra aux jeunes générations que la vraie richesse, ce n’est pas celle que l’on acquiert aux dépens des autres, mais plutôt celle que l’on construit collectivement.

REPONDRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici