La zone grise: L’élitisme à l’université, what’s up with that?

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Je réécoutais récemment la chanson Borders de la rappeuse M.I.A. où elle dénonce, de façon assez rythmée, de nombreuses problématiques sociales telles que l’hypocrisie humaine et l’inaction gouvernementale face à divers enjeux sociaux. À coup de « What’s up with that? », l’artiste d’origine britannique met sous le nez de son auditoire que, malgré toutes les bonnes volontés du monde, l’être humain a tendance à oublier rapidement et à mettre de côté ce qui cloche avec le monde. Obligeant par le fait même la remise en question, elle interroge à 31 reprises « What’s up with that? ». En bon québécois, elle nous demande « ce qu’il se passe » avec « les frontières », « la politique », « notre privilège », « la liberté », « nos valeurs », etc.

Même si je ne pense pas pouvoir être aussi deep qu’elle, du moins pas aujourd’hui, j’ai envie, moi aussi, de demander « What’s up with that? » à propos d’un sujet qui me hante depuis longtemps: l’élitisme en milieu universitaire.

Le temps d’une définition

Bon, avant de m’embarquer sérieusement sur le sujet, prenons le temps de trouver un terrain d’entente en définissant ce qu’est l’élitisme. Selon Conrad Hugues, docteur en littérature et spécialiste des réalités éducatives, « l’élitisme fait référence à la pratique sociologique où un groupe se considère ou est considéré par les autres comme étant distinct de la norme et, d’une certaine façon, supérieur » (traduction libre).

Dans son livre Education and Elitism, il avance que l’élitisme peut d’ailleurs être lié à diverses structures sociétales telles que l’oligarchie, l’aristocratie, la méritocratie ou encore la ploutocratie; en somme, cette pratique est liée à la pensée, parfois inconsciente, que la société devrait être gouvernée par les individus les plus riches, les plus éduqués ou les plus puissants. Le terme « élitisme », venant du latin « eligere », est lié au fait d’élire, de choisir une personne pour diriger la population. Dans le langage plus commun, l’élitisme fait plutôt référence au culte de l’élite.

L’élitisme, ce n’est pas seulement d’être une personne chiante; ça peut aussi être de penser que les autres sont tellement inférieures que ça devient correct d’en abuser et de leur faire du mal.

Dans le cadre de cette chronique, l’élitisme sera caractérisé, comme le mentionne Hugues, par le penchant qu’ont certains individus de se percevoir comme étant supérieur aux autres en raison de leurs connaissances ou de leur niveau d’éducation.

« Je ne suis pas élitiste, j’ai des hauts standards! »

Même si peu de personnes diront qu’elles sont fièrement élitistes, quiconque possédant un semblant d’humilité saura les remarquer. Parce qu’après tout, il est assez ardu de reconnaître qu’autrui possède un défaut lorsqu’on le possède soi-même.

croire qu’on est donc intelligent et donc important, ça n’a jamais rendu personne plus intelligent ou plus important.

L’élitisme, à mes yeux, trahit d’abord un profond manque d’humilité, ensuite une profonde lacune relationnelle. Dans un contexte universitaire, il y a autant d’étudiant.e.s que de professeur.e.s qui agissent comme si ils ou elles étaient plus important.e.s que les autres, que ceux et celles qui appartiennent à la plèbe. Tandis que le premier groupe regarde avec mépris ceux et celles qui ne sauraient pas étaler leurs connaissances avec arrogance, le deuxième groupe donne l’impression à certain.e.s étudiant.e.s de ne pas avoir leur place en milieu universitaire.

La valeur de la vie humaine

Outre le fait d’être profondément désagréables, les élitistes de ce monde semblent oublier que fondamentalement, il n’y aucune vie sur Terre qui vaille plus qu’une autre. Oui, oui, tu as beau avoir 32 doctorats et une Lamborghini, ton existence n’est pas plus importante que celle d’une personne qui n’a pas terminé son secondaire. La valeur de la vie humaine n’est pas hiérarchisée en fonction de ton statut social, de ton éducation ou de ton compte bancaire. En d’autres mots, c’est possible d’être meilleurE qu’autrui dans certaines choses, mais cela ne signifie être supérieurE à autrui. De plus, croire qu’on est donc intelligent et donc important, ça n’a jamais rendu personne plus intelligent ou plus important.

Les dérives de l’élitisme

Peut-être l’ignorent-elles, mais les personnes qui sont élitistes ne désirent pas réellement permettre aux individus plus talentueux de se créer leur propre place dans le monde; elles désirent plutôt créer une société inégalitaire où personne, à l’exception de quelques éluEs, ne peut atteindre le cercle restreint qu’est celui des élites. Personnellement, même si je réussis assez bien académiquement, j’ai longtemps eu l’impression de ne pas être assez lorsque j’étais en présence d’individus qui pensent être la crème de la crème.

Ça peut sembler anodin de dénoncer les personnes élitistes. Cependant, ce qui pourrait sembler n’être que de la prétention peut potentiellement mener à de dangereuses dérives. Ici, je fais notamment référence à des situations d’abus de pouvoir graves où des personnes en position d’autorité, en raison de leur statut, ont causé de sérieux torts à d’autres personnes.

Non à l’abus

L’élitisme, ce n’est pas seulement d’être une personne chiante; ça peut aussi être de penser que les autres sont tellement inférieurEs que ça devient correct d’en abuser et de leur faire du mal. Ce n’est pas seulement de se trouver supérieur; ça peut aussi être de normaliser la violence et l’abus envers des personnes moins privilégiées que soi.

Bien que je ne sois pas une personne extrémiste, je ne ressens aucune gêne à l’idée de me prononcer comme étant radicalement contre toute pratique qui cause de la souffrance chez autrui. Et on pourra en penser ce que l’on veut, mais il reste que l’élitisme est un comportement violent que l’on accepte socialement parce que nous ne voulons pas nous mettre à dos des personnes influentes. Or, viendra le jour où nous n’aurons pas le choix de faire fi du positionnement sociale de certains individus; riches ou pauvres, docteurE ou bachelier/bachelière, les êtres moralement corrompus ne méritent pas d’être mis sur quelconque piédestal.

Référence:

Hughes, C. (2021) Education and Elitism. London: Routledge

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