L’aplomb dans la tête: Dépression saisonnière et autres délires

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Mes deux dernières chroniques furent lourdes en émotions et en critiques, et la mi-session se faisant sentir de plus en plus, j’ai ressenti le besoin de «décrocher» comme on dit. Come on, un peu de légèreté, me suppliais-je intérieurement devant une autre sempiternelle discussion argumentative sur Facebook. Tshu-tshut me consolais-je devant la première page du Nouvelliste. Quand les électeurs du Québec en entier te déçoivent, fais-toi des biscuits, ouvre la télé, et attends quatre ans.

Je dois avouer que je suis de celles qui ont besoin, une fois par semaine, de ramener consciemment leur cerveau en bas de 70 de QI (retard mental grave). Nous avons tous nos engins de décrochage, nos mécanismes de pause cérébrale. Des mécanismes de fuite ou de défense, dirait-on en psychologie. On dit que le sommeil, le déni et le refoulement sont des mécanismes de défense plutôt immatures. Les miens sont beaucoup plus évolués: écouter des téléséries en mangeant du pop-corn, cuisiner pour une armée (souvent absente), la lecture de niaiseries sur les internets, l’application obsessionnelle de vernis à ongles (parfaits, ils doivent être parfaits mon précieux), et plus récemment, le tricot compulsif. Compulsif parce que je suis pas capable d’arrêter. C’est comme tomber dans la lune et ne pas vouloir en sortir: une maille, deux mailles, trois mailles, gna gna gna. La déficiente en moi est aux anges.

Peut-être aurez-vous remarqué que fixer sur quelque chose de précis, bien que complètement inutile, peut s’avérer hautement relaxant, voire rassurant. J’ai une impression de contrôle pas mal plus forte avec mon tricot et la couleur de mes ongles qu’avec mes résultats d’examens. On redevient comme un enfant: content de soi parce qu’on a réussi une tâche niaiseuse. Ça fait du bien, après tout, on ne termine tellement plus rien aujourd’hui. Quand on termine un travail, il y a encore de l’étude. Quand on termine un chiffre au boulot, on recommence le lendemain. Même quand on achève un baccalauréat, c’est pas assez. C’est rendu grave, quand juste à terminer Breaking Bad, on se sent compétent. On voudrait une attestation: A écouté les 62 épisodes de Breaking Bad (en anglais) dans une période record de deux mois, avec la mention excellence.

Je me dis parfois – et je ne suis pas la seule – que la dépression saisonnière aura finalement raison de moi et de toute parcelle de motivation pouvant m’animer.

On sous-estime réellement le bien-être et le sentiment de compétence que ça peut apporter que de faire soi-même certaines tâches de base. Par réflexe, on paie quelqu’un pour les faire à notre place dès qu’on en a l’opportunité. Mais pensons-y, quand on fait son changement d’huile soi-même, on doit se sentir pas mal moins niaiseux chez le garagiste. En tout cas, j’imagine. Personnellement, j’ai toujours ressenti un léger sentiment de réussite à ouvrir un galon de lave-glace. Avec des mitaines, c’est décuplé. Juste quand je vérifie mon huile, je me sens comme G.I. Jane.

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Ces moments de pause que l’on s’accorde volontiers ne sont pas sans rappeler la tendance hautement étudiante à la procrastination. D’autant plus que la météo s’y prête assez bien ces jours-ci. Je me demande même si on peut appeler ça des «jours», un 24 heures de vent frette et de ciel noir. Je me dis parfois – et je ne suis pas la seule – que la dépression saisonnière aura finalement raison de moi et de toute parcelle de motivation pouvant m’animer. À chaque mois d’octobre, alors que le soleil se couche au moment où, l’été, la soirée commence, j’en viens toujours à la conviction qu’après tout, nous ne sommes que des mammifères québécois en hibernation. Qu’il devrait, selon toute vraisemblance, être tout à fait naturel de nous mettre à manger de la soupe et des biscuits en quantité astronomique, de nous rouler dans notre couette et de dormir quinze heures par jour. Tout le monde sur le chômage pour quatre mois, distribution de ragout de boulettes à domicile, Walt Disney pis un chaï latté, merci bonsoir.

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Mais non. Il y a les cours, les travaux, la vaisselle qui s’empile, les plastiques à poser dans les fenêtres, les pneus à changer, le linge à plier. Tant qu’à n’avoir aucun contenu digne de ce nom dans ma chronique cette semaine, pourquoi ne pas vous faire part en toute collégialité que je n’arrive absolument jamais à avoir le dessus sur la pile de vêtements qui règne sur ma sécheuse. Je me suis demandé sérieusement ce qui me faudrait au juste pour que je plie finalement tout ça. J’en ai conclu qu’il faudrait qu’au moment où j’entre dans ma chambre, il n’y ait qu’une montagne de vêtements sur le lit, rien d’autre, aucune musique, et pour unique éclairage des néons ultra-agressants blancs au plafond et une ambiance conséquente d’interrogatoire est-allemand. J’entendrais un général d’armée – celui de Full Metal Jacket de préférence – me crier après agressivement par trois énormes haut-parleurs de la Deuxième Guerre mondiale. Comme ça, oui. Je serais productive.

Do you maggots understand that?

Sir, yes Sir.

P.S.: Je vous encourage à adopter la vitamine D, à un comprimé par jour, à partir de maintenant.

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