L’aplomb dans la tête : Le parco-maitre (ha, ha, ha)

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J’ai un problème mental. Une sale maladie. Je suis en guerre ouverte contre les contraventions. Les contraventions de stationnement plus précisément, en papier rectangulaire, élégamment disposées dans une pochette en plastique sur mesure pour les jours de pluie. C’est-tu pas cute.

Mon père y est allé de ses conseils de distrait en rémission: «Lili, quand tu mets de l’argent dans le parcomètre, prends pas de chance, mets un deux piasses de plus au cas où, niaise pas avec ça.»

Ce qu’il ne comprend pas mon père, c’est la sévérité de ma maladie mentale. Vous voyez, le passage: «quand tu mets de l’argent dans le parcomètre» ne s’applique même pas. J’en mets pas. Et c’est pas parce que j’oublie d’en mettre, des sous dans le parcomètre. J’oublie qu’IL Y A des parcomètres. J’oublie que ça existe les parcomètres. Ça ne m’effleure même pas le coin du coude de l’esprit qu’il faut payer pour se stationner, dans’vie.

J’ai tenté d’apprivoiser ma maladie. J’ai écris sur mon volant «parcomètre». J’ai vérifié jusqu’à quelle heure je devais payer, j’ai calculé, j’ai payé. Je m’en suis allée toute en harmonie avec mon surmoi et mes responsabilités. Je me trouvais bonne. Mais voilà, je revenais le soir et je rencontrais la contravention en rouge sur blanc. J’ai commencé à virer au mauve sur noir. J’ai réfléchi. Je m’étais trompé de jour de la semaine. J’avais payé jusqu’à 17h, c’était payable jusqu’à 21h. Je savais même pas qu’on était mercredi.

Croisade

Les contraventions me narguaient, alors j’ai décidé de les narguer moi aussi. J’ai même cédé à la torture. J’ai vécu une période où, lorsque je constatais une contravention sous mon essuie-glace, je la laissais là. Jusqu’à détérioration complète par la nature dudit ticket. Manges-en de la neige pis de la pluie! T’in, un p’tit coup de wiper, t’aimes-ça hein!? C’était moi ou elle, vous comprenez. Je suis tombée en mode «je t’ignore, alors tu n’existes pas, saleté». Oui, je faisais un peu de déni.

Un jour, une fille garée devant moi m’a klaxonnée alors que je quittais le stationnement. Je me suis arrêtée, sans trop comprendre pourquoi elle me faisait des signes comme si j’allais frapper l’Iceberg. Elle me pointait la contravention sous mon essuie-glace, croyant que je l’avais oubliée là. Elle ne pouvait pas savoir qu’elle était en plein processus de torture météorologique. Une autre journée, la voisine de mon ami lui a rapporté une contravention qui s’était envolée de mon pare-brise sans que je m’en rende compte. Les gens me couraient littéralement après pour me les redonner. Les contraventions me suivaient.

J’en suis venue à développer une formidable machination, basée sur la théorie selon laquelle si je gardais de façon permanente la contravention sous mon essuie-glace, je pourrais me stationner n’importe où. Le policier croirait que je me suis déjà fait coller un billet et passerait son chemin. Ainsi, je ne paierais pas de frais de stationnement pendant une semaine, et j’en viendrais à me rembourser moi-même le cout du constat (c’est ici que je te donne des coups de coude avec un air hyper fier). Transformer mon fléau en triomphe, j’étais extatique. Ça a fonctionné pendant un temps -deux jours- puis, à la sortie d’un cours, une policière me collait un deuxième billet par-dessus l’ancien. Je me suis cachée en attendant qu’elle parte, puis je suis partie en marmonnant qu’elle n’a vraiment pas de cœur, elle.

Les contraventions me narguaient, alors j’ai décidé de les narguer moi aussi. J’ai même cédé à la torture.

Une contravention, c’est pour moi d’une insignifiance magistrale. Je sais toujours pas pourquoi je devrais m’en faire pour ça. Je comprends bien sûr que je vais devoir éventuellement payer et que ça peut couter énormément cher. Mais sur le coup, à mes yeux, c’est d’une relativité désarmante. L’argent est comme la contravention: un bout de papier insipide et sans intérêt. Risible, à la limite.

Rémission

J’en suis venue, au fil des années, à connaitre tous les rouages administratifs de la Cour municipale et de la SAAQ. J’ai appris que signer un plaidoyer de culpabilité accorde un mois de plus pour payer une amende. J’ai appris que les ententes de paiements se font avec Valérie, et uniquement le mercredi. Je me suis habituée à prendre un numéro, et au ton plein de remontrances de l’agente.

Puis, un soir de décembre, face au colossal sapin de Noël du Port de Trois-Rivières, j’en suis venue à la conclusion que c’est probablement moi qui l’a subventionné au grand complet. Pis franchement, c’était une dépense inutile.

Devant l’échec lamentable de ma croisade contre la contravention, j’ai dû brandir mon drapeau blanc, avouer ma défaite. J’ai une maladie, je vous l’ai dit. Je ne peux simplement pas entrer en relation avec un parcomètre sans risque de rechute. Je me suis rendue à l’évidence: la seule solution reste de ne pas conduire. J’ai donc voulu troquer l’auto pour la bicyclette l’été passé. J’ai acheté un vélo, j’ai oublié de barrer le cadenas, et je me le suis fait voler pendant la nuit. Deux fois.

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