Le gars qui parle de cinéma: «Le Brio»

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Louis-Étienne Villeneuve. Photo: Mathieu Plante
Louis-Étienne Villeneuve. Photo: Mathieu Plante

L’éloquence du haut et l’éloquence du bas. 

Le film 

 «Là c’est une provocation.» 

Avez-vous vu Intouchables d’Olivier Nakache et Éric Toledano? L’histoire d’un homme de la rue (Omar Sy) qui devient l’assistant d’un richissime Français (François Cluzet)? Une rencontre entre deux modes de vie, où chaque personnage finit par grandir en profitant du meilleur de l’autre? Où l’amitié émerge par-delà les différences? Et bien Le Brio, c’est exactement la même chose, en changeant les noms, les lieux, les professions, l’enjeu. 

Synopsis: Une jeune fille arabe issue de la ghettoïsation parisienne (Camélia Jordana) suit des cours à l’Université Paris II Panthéon-ASSAS pour devenir avocate. Lors de son premier cours, elle subit les foudres d’un professeur de la vieille garde (Daniel Auteuil), qui traîne déjà plusieurs plaintes pour racisme. Pour éviter que l’institution subisse les contrecoups de cette mauvaise publicité, le professeur se voit forcé de donner un tutorat privé avec l’étudiante en vue d’un concours de rhétorique. Une rencontre entre deux modes de vie, où chaque personnage finit par grandir en profitant du meilleur de l’autre. Sept ans après Intouchables, la recette reste bonne: mais c’est un plat qu’on a déjà goûté.

Sept ans après Intouchables, la recette reste bonne: mais c’est un plat qu’on a déjà goûté. 

Des histoires de rencontres entre différentes strates de la société, il y en a depuis que l’art existe. Mais ici, on peut voir dans le traitement une transposition presque intégrale du travail effectué dans le film de Nakache et Toledano. «Si ça l’a fonctionné, ça fonctionnera encore.» 

Et le pire, c’est que ça fonctionne encore. On rit. On est touché. Le film est juste assez culture pop pour être accessible. Il est aussi juste assez travaillé pour ne pas faire trop culture pop. On y cite Schopenhauer, Nietzsche, Aristote, mais juste un peu. Par défaut, on embarque dans l’histoire, mais juste assez. On sait comment ça va finir, mais on peut apprécier les décors, les répliques, quelques prises de vue. 

En somme, on ne réinvente pas le cinéma. C’est ironique, d’une certaine manière, car le film parle de rhétorique, de contenant qui importe plus que le contenu. D’avoir raison, plutôt que de trouver la vérité. Comme de fait, le contenant du film est plutôt bon. Le contenu… suffit. Si vous n’avez pas vu Intouchables (en fait, si vous n’avez pas vu grand-chose), alors: pas de problème. Dans le cas contraire, vous aurez été prévenu.e.s.

Le pire, c’est que ça fonctionne encore. 

La réflexion 

Qu’est-ce qui fait un grand film? 

Dans mon cours de cinéma au Cégep, mon professeur insistait pour dire que tout grand film commence par le choix des acteur.ice.s. La sélection du casting et la haute performance des rôles principaux étaient selon lui des conditions nécessaires pour le succès d’une œuvre. 

Pourtant, si l’on s’arrête quelque peu sur cette proposition, il est facile de venir identifier des films qui ont marqué le paysage cinématographique sans que les acteur.ice.s principaux.les ne se soient particulièrement démarqué.e.s – voire tout l’inverse. Un exemple frappant est Hayden Christensen, dans Star Wars II et III. L’inverse est tout aussi vrai: on peut aisément trouver de nombreux films avec des interprétations magistrales, mais qui sont pourtant passés inaperçus. En voici un, tiens: Chorus, de François Delisle, sorti en 2015. Vous connaissez? 

Mon professeur avait tout simplement tort; mais si je voulais défendre son propos, je dirais qu’il est vrai qu’une très mauvaise performance individuelle peut venir couler une œuvre. Peut-être plus que tous les autres défauts possibles. Le jeu des acteur.ice.s est un facteur déterminant. 

On sait comment ça va finir, mais on peut apprécier les décors, les répliques, quelques prises de vue.  

Qu’est-ce qui fait une grande œuvre? Parfois, c’est simplement qu’elle nous parle personnellement. Dans ces moments, il n’y a généralement pas moyen de débattre: si un film a résonné en nous, personne ne pourra jamais nous convaincre de sa pauvreté. D’autres fois, au contraire, un film peut ne pas nous avoir parlé, bien que l’on soit capable d’en reconnaître la qualité. 

Les critères? On pourrait en débattre, mais je crois que les grandes œuvres sont celles qui, dans au moins trois de leurs aspects techniques (réalisation, interprétation, scénario, décor/costume, image, musique, effets spéciaux, etc.), se démarquent nettement de tout ce qui est produit au même moment. L’œuvre parfaite, elle n’existe pas. Mais l’œuvre hégémonique, celle qui excelle là où les autres ne font que bien faire, c’est elle, l’œuvre honorable. Faites l’exercice avec les grands classiques du cinéma, vous verrez par vous-mêmes. 


 

Au Cinéma le Tapis Rouge 

La promesse de l’aube, d’Éric Barbier (Drame français mettant en vedette Pierre Niney et tiré du roman autobiographique de Romain Gary) 

La terre vue du cœur, de Iolande Cadrin-Rossignol (Documentaire sur la biodiversité mettant en vedette Hubert Reeves) (à partir du 20 avril

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