
C’est déjà le retour pour plusieurs de la routine étudiante; c’est-à-dire des cours, des travaux, des soirées entre amis à la Chasse-Galerie, des maigres souper parce que nous n’avons pas les moyens de nous offrir plus, et bien entendu des livres et des manuels à lire. Un bon moyen de se sortir d’une lecture ennuyante? Lire autre chose de beaucoup plus agréable!
Comme plusieurs d’entre nous, étudiant, j’ai travaillé énormément cet été afin d’être en mesure de payer mes études. Je vous mentirais si je vous disais que j’ai quand même réussi à remplir mon devoir de littéraire en lisant une vingtaine de romans en un été. J’ai réussi à n’en lire que trois. Mais ce furent trois excellents ouvrages, d’une seule et même auteure que j’affectionne particulièrement: Gabrielle Roy.
J’ai d’abord lu son tout premier roman, Bonheur d’occasion, avant de prendre par hasard Ces enfants de ma vie, puis Cet été qui chantait. C’est de ce dernier que je veux m’entretenir avec vous.
Au premier abord, il m’est apparu comme un recueil de pensées écrit par une pauvre femme, vivant seule, et qui n’avait que la nature devant laquelle s’émerveiller. J’ai ensuite compris que c’était beaucoup plus que ça. En fait, c’est un hymne à toute cette beauté qui nous entoure, mais que peu de gens, désormais, savent voir. C’est le récit d’un être en parfaite communion avec son environnement, ainsi qu’avec tous les êtres avec lesquels elle cohabite.
Depuis que je me suis mise à lire l’œuvre de l’auteure d’origine manitobaine, je remarque à chaque fois la singularité de son regard, sa façon de voir les choses. Elle n’a pas seulement un regard critique qui lui permet d’analyser son environnement avant de le coucher sur papier; elle a aussi un regard empreint d’une douceur et d’une compréhension de l’autre. C’est avec simplicité et avec émotion qu’elle réussit à décrire la beauté des arbres, des oiseaux et des fleurs.
Elle nous donne envie de regarder par la fenêtre et d’admirer à notre tour la danse des arbres sous la pluie et le vent, de voir les feuilles changer de couleurs au fil des jours d’automne, et de profiter de la bonne odeur que dégage la rosée au petit matin.
«Jamais on ne vit petits arbres poussant côte à côte parvenir à tant se ressembler: même hauteur, même minceur du corps, même distribution du feuillage, même façon un peu timide de se tenir, caractéristique des trembles – les moins orgueilleux des arbres – tout droits cependant et pareillement enveloppés de leur discrète musique.» (p. 105)
C’est comme si chaque être vivant sur terre avait une personnalité propre, que ce soit deux trembles jumeaux, une corneille solitaire aux caractéristiques uniques, ou encore un chat pas comme les autres. Tous se distinguent et se retrouvent personnifiés par l’écrivaine, qu’elle décrit dans ses différents récits.

Chaque chapitre se consacre à un personnage (animal ou plante) différent, qui se retrouve évidemment dans la nature, dans l’environnement de l’auteure. À travers ces mots poétiques et simples tout à la fois, elle nous transmet la profondeur de sa relation avec cette belle nature. Elle nous donne envie de regarder par la fenêtre et d’admirer à notre tour la danse des arbres sous la pluie et le vent, de voir les feuilles changer de couleurs au fil des jours d’automne, et de profiter de la bonne odeur que dégage la rosée au petit matin.
Pour certains.es, peut-être que ces mots ne sont que des mots sans importance, qui ne réveillent aucun souvenir de ce sentiment que l’on éprouve face à la beauté du monde. Par contre, sans doute qu’il y en a quelques-uns parmi vous qui, comme moi, avez déjà vécu cette communion avec la nature. Pour moi, cette œuvre de Gabrielle Roy résume toute mon enfance passée sur la ferme agricole de mes parents, ainsi que nos vacances au vieux chalet de mon grand-père, perdu dans la forêt, avec mon père qui m’apprenait le nom des arbres et qui nous emmenait, mes sœurs et moi, en balade au petit matin pour que l’on puisse connaître cette paix silencieuse au milieu de la forêt, là où l’homme ne s’était pas encore installé.
C’est «dans le décor simple et pullulant de Charlevoix, entre le fleuve et la forêt, au milieu d’un été de lumière et de fleurs» que Gabrielle Roy écrit son huitième ouvrage, dont la première édition parut en 1972. «Grave et doux, ce chant de l’été lui fait entendre la musique de son propre cœur enfin unie à celle de l’univers.» (p.1)
Pour moi, cette œuvre de Gabrielle Roy résume toute mon enfance passée sur la ferme agricole de mes parents.
Quand je vois mère Nature se déchaîner comme elle le fait avec ses ouragans et ses tremblements de terre, ses feux de forêt et ses épidémies, je me dis qu’il serait peut-être temps d’apprendre à se reconnecter avec elle. Apprendre à mesurer la valeur de ce qu’elle nous donne. Apprendre à respecter ses limites, et à protéger le peu qu’il nous reste de beauté en ce monde.
Quand je vois des forêts amazoniennes risquant l’anéantissement, ainsi que nos forêts boréales et tous leurs écosystèmes qui sont mis à mort, j’ai envie de crier au monde qu’il n’y a rien de plus beau que ce qu’on est en train de détruire. Je voudrais que tous ces «bouffons qui nous gouvernent» (En Berne, Cowboys Fringants) prennent le temps, comme Gabrielle Roy le faisait, de marcher là où la nature domine encore l’activité humaine, et qu’ils voient ce qu’ils risquent de perdre.
Je voudrais que tous puissent comprendre ce sentiment de frustration qui m’habite face à la cécité des gouvernements envers notre Terre.
Mais ce n’est pas comme ça que cela fonctionne. Alors, continuons de faire notre bout de chemin et, dans la mesure du possible, de prendre soin de notre environnement, si cher à notre survie. Et à notre bonheur.