Le Québec une page à la fois: «La déesse des mouches à feu» de Geneviève Pettersen

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Judith Éthier. Photo: Mathieu Plante
Judith Éthier. Photo: Mathieu Plante

Vous vous rappelez sans doute vos jeunes années d’adolescence qui ne sont pas si loin derrière vous. Pour certains, elles auront été de belles années d’amitiés, d’expériences et de plaisirs, alors que pour d’autres, elles auront été un véritable enfer.

Dans son roman La déesse des mouches à feu, Geneviève Pettersen nous propose la réalité d’une jeune fille qui devra composer avec plusieurs difficultés, qui l’entraîneront dans toutes sortes d’aventure et dans une recherche constante de sa place dans le monde.

Catherine, 14 ans, vit à Chicoutimi-Nord et doit supporter le douloureux divorce de ses parents, la brutalité de son père et son silence, la sensibilité de sa mère et ses exigences de «poupoune», mais surtout, les jugements trop nombreux des autres jeunes de son milieu. Elle tente donc de gravir les échelons de la popularité à son école, au sein d’un cercle d’ami.e.s aux influences douteuses.

Avec une écriture et un style parfaitement adaptés à l’époque durant laquelle se déroule l’histoire (c’est-à-dire les années 90), l’auteur nous plonge dans un univers où se mélange la musique punk rock, Kurt Cobain, des plombs aux couteaux, du PCP vert, des soirées de débauche dans des campes au fond des bois les soirs d’hiver, des baises et des jalousies, des batailles de skateux et «des petites crisses qui tripent sur Christiane F. et des beaux gars comme dans les films en noir et blanc.»

L’auteur nous plonge dans un univers où se mélange la musique punk rock, Kurt Cobain, des plombs aux couteaux, du PCP vert, des soirées de débauches dans des campes au fond des bois les soirs d’hiver.

Mais plus encore, elle nous fait entendre la langue des jeunes, la langue des habitant.e.s de cette région, utilisant «expressions imagées, mots inventés, construction de phrases fantaisiste, références culturelles: le langage vernaculaire de l’est du Québec est probablement le personnage le plus important du roman.» Ce genre littéraire est certes très réaliste, mais il devient difficile d’accès à certains moments à cause de la complexité de sa composition. Il me semble pourtant être une parfaite représentation de la réalité de l’endroit et de l’époque.

Autre élément important de l’histoire: Catherine reçoit pour sa fête le roman Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée de la part de sa mère. Celle-ci souhaite évidemment dissuader sa fille d’agir de la même manière que l’héroïne du roman, mais l’effet sera tout le contraire. La jeune adolescente y verra un modèle et une référence, s’y reconnaissant sans doute par moments.

Fait intéressant, ce roman a également fait partie de l’adolescence de l’auteure, Geneviève Pettersen, également originaire de la région de Chicoutimi. Ce roman visait pourtant à décourager les jeunes filles à tomber dans la drogue, l’alcool et le sexe, à leur faire peur, mais il en aura pourtant inspirée plus d’une, développant chez elles une fascination pour le monde du rock’n roll.

La déesse des mouches à feu est un roman percutant qui utilise un sujet de base qui peut sembler à premier abord plutôt banal, c’est-à-dire l’adolescence. Mais ceci raconté avec tellement de justesse, et sans aucune censure, aucun préjugé ou stéréotype, que l’on ne peut s’empêcher de dévorer le livre d’un bout à l’autre des deux couvertures.

Dans ma lignée de romans percutants lus ces derniers temps, celui-ci en est un que je recommande évidemment à tous. Un livre que j’aurais aimé lire durant mon secondaire, même si ma propre adolescence était beaucoup, voire infiniment moins trash que celle de Catherine. J’aurais aimé être au courant des réalités différentes de la mienne. Malgré le fait qu’à cet âge, on ne veut pas nécessairement connaître le malheur des autres…

 «Expressions imagées, mots inventés, construction de phrases fantaisiste, références culturelles: le langage vernaculaire de l’est du Québec est probablement le personnage le plus important du roman .» — Josée Lapointe

Une adaptation théâtrale du roman

Du 5 au 30 mars prochain, la compagnie du Théâtre PÀP présentera une pièce adaptée du roman au Théâtre de Quat’sous. On pourra ainsi y voir «un groupe de jeunes filles s’emparer de la scène et des mots de Geneviève Pettersen pour célébrer le caractère dur, enivrant et universel des pulsions adolescentes.» Mis en scène par Patrice Dubois et Alix Dufresne, et assistés d’Elsa Posnic, les personnages de la pièce seront interprétés par Lori’anne Bemba, Zeneb Blanchet, Charlie Cliche, Evelyne Laferrière, Alexie Legendre, Éléonore Loiselle, Elizabeth Mageren, Kiamika Mouscardy-Plamondon, Éléonore Nault, Jade Tessier et Amaryllis Tremblay. Une représentation qui promet de faire vibrer tous ceux qui iront y assister.

Je souhaite aujourd’hui vous laisser sur un commentaire publié dans la revue Les Libraires par Denis Gamache, de la librairie Au Carrefour, et qui me semble résumer parfaitement l’esprit du roman.

«Bouleversant de vérité, La déesse des mouches à feu ramène le lecteur aux années 1990; le discman, le Sunny Delight, Kurt Cobain. Au-delà de ces mythes culturels, Catherine, enfant du divorce, cherche sa place au sein d’une bande d’ados en quête de sens. La drogue et le sexe, mais aussi l’amour, l’amitié, la mort; autant de malaises adolescents (mais universels) exprimés avec justesse. Un texte doux-amer où la douleur des silences se heurte à la méchanceté des mots. L’auteure livre des personnages attachants et réalistes qui hanteront le lecteur longtemps. Le premier roman d’une grande écrivaine possédant un style déjà bien défini. Madame Chose [blogue de l’auteure] a enfin un nom.»

Geneviève Pettersen, "La déesse des mouches à feu", Le Quartanier, Montréal, 2014, 204 pages.
Geneviève Pettersen, «La déesse des mouches à feu», Le Quartanier, Montréal, 2014, 204 pages.
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