J’espère que je ne vous apprends rien en vous disant qu’au Québec, les débats politiques sont axés sur la question de l’indépendance (question qui existe encore, n’en déplaise à ceux qui préfèreraient que non) et sur la vision gauche/droite.
En ce qui concerne l’indépendance, la compréhension de son enjeu principal est à la portée d’un enfant de 12 ans, à savoir si oui ou non le Québec est en mesure de se gérer tout seul, sans l’aide du Rest of Canada, mais sans être obligé de contribuer aux projets canadiens.
Par contre, ce que je remarque, c’est que même les plus politisés d’entre vous, ami(e)s lecteurs, lectrices, n’avez qu’une idée floue de ce que sont la gauche et la droite. Puisqu’il s’agit de deux concepts au cœur de mon champ d’étude (la philo politique), je vais me permettre de faire (encore!) mon ti-Joe-connaissant…
En 1789, à l’Assemblée nationale française, ceux qui désiraient un pouvoir centralisé, un roi, une armée forte et l’insistance sur la sécurité interne de l’État (la police, quoi), s’asseyaient à droite du président d’Assemblée. Ceux qui désiraient une décentralisation du pouvoir, une démocratie, très peu voire aucun armement et qui insistaient sur une répartition égale des richesses, s’asseyaient à gauche.
Après de longues années de réflexions, de lectures et de débats sur le sujet, je crois pouvoir vulgariser les positions en deux conceptions (qui se valent autant l’une que l’autre) de la Justice : justice-mérite et justice-équité. Je m’explique.
Certaines personnes que je connais, dans une situation où ils peuvent venir en aide à deux de leurs amis en même temps, vont décider, pour être juste, d’aider autant chacun des deux requérants, de leur donner la même somme, le même temps ou la même quantité de nourriture. D’autres personnes prioriseraient celui des deux qui est le plus nécessiteux, ou encore, celui des deux qui a le plus de potentiel, le plus de talent ou le plus de serviabilité. La «balance» des premiers n’a qu’une mesure, et elle indique «justice» lorsque les plateaux sont au même niveau. La «balance» des seconds sert à pencher vers qui a le plus besoin d’aide ou qui, après avoir reçu l’aide, sera le plus utile à la société (donc indirectement au juge lui-même).
À gauche, un jugement quantitatif fondé sur une vérité indiscutable : tous les humains sont également humains. À droite, un jugement qualitatif fondé sur une autre vérité indiscutable : à moins d’un énorme imprévu, c’est le plus fort qui gagne.
Comme nous ne sommes ni des ordinateurs qui ne voient que des chiffres et des polygones, ni des animaux pour qui tout n’est que couleurs et odeurs, nos jugements prennent normalement les deux facteurs en considération. Or, chacun d’entre nous a un penchant pour l’un ou l’autre facteur, et tranche plus souvent en faveur soit de l’équité, soit du mérite.
La force de la gauche, c’est que tout le monde dans le contrat social peut voir que la répartition du gain est équitable. La faiblesse, c’est que l’intelligent, l’homme en santé et le travailleur acharné reçoivent la même part du butin que l’imbécile, le malade et le lâche.
La force de la droite, c’est qu’elle oblige la compétitivité, donc l’effort et le dépassement de soi. Sa faiblesse, c’est que les juges de la distribution de la richesse (donc les propriétaires) sont arbitraires, et que les critères de ce qu’ils considèrent méritoires sont discutables.
Mon (pas tellement) humble avis, c’est qu’il faut chercher à subvenir aux besoins vitaux de tous, de la manière la plus égale possible. Autrement dit : la gauche (justice-équité) s’applique parfaitement aux besoins vitaux. Le «salaire citoyen» n’est pas une mauvaise idée… mais gérer l’argent intelligemment n’étant pas une compétence que tous possèdent, je donnerais plutôt de la nourriture à tous les foyers.
Quant à la droite (justice-mérite), elle est parfaitement applicable aux luxes. Capitalisme sauvage, compétitivité, jugement arbitraire des propriétaires, tous ces problèmes n’en sont plus s’il s’agit de départager celui méritera d’avoir une piscine creusée ou hors-terre. Il faut cependant faire attention : si nous surconsommons par gourmandise et que notre science est incapable d’équilibrer les conséquences dans la nature, celle-ci risque de reprendre son dû…
Si vous acceptez cette vision du débat gauche/droite, le problème est de définir ce qui est vital et ce qui ne l’est pas. L’éducation est-elle vitale? Bonne question…
Ce que je déplore, en me permettant le jeu de mots de la fin, ce sont les gens qui confondent la légalité et l’égalité.