L’économie internationale connait actuellement de sérieuses perturbations. Parmi celles-ci, il y a la guerre commerciale ou économique pour la domination du monde. A cause des menaces et sanctions qu’elles subissent, des pays telles que la Russie et la Chine sont en train de rabattre les cartes. Elles déploient depuis quelques années, une stratégie monétaire visant à réduire considérablement la part du dollar américain dans les échanges.
Cette stratégie que certains économistes qualifient de dédollarisation n’est pas sans conséquences pour l’économie mondiale. Pour mieux comprendre ces enjeux, examinons d’abord le rôle du dollar américain dans l’économie internationale.
Le rôle du dollar américain dans l’économie internationale
Le premier dollar américain a été imprimé par la colonie du Massachusetts en 1690 et adopté par les congrès de la Confédération les 6 juillet 1785. Le dollar devient la monnaie officielle des États-Unis d’Amérique en 1792. Les premiers billets verts apparaîtront plusieurs années après, en 1860. De nos jours, plus de 99% des dollars actuels en circulation sont fabriqués par la Réserve fédérale.
Le dollar s’impose comme la monnaie des échanges internationaux au lendemain de la
Seconde Guerre Mondiale; dans le cadre de ce qu’on a appelé les accords de Bretton Woods en 1944. Celles-ci instituaient un nouveau système monétaire international sous l’égide des États-Unis. Parce que les États-Unis étaient les grands vainqueurs de la 2e Guerre Mondiale, c’était le pays devenu le plus puissant économiquement et politiquement. C’était le pays qui pouvait imposer sa vision de l’ordre monétaire international. Et c’est ce qu’ils ont fait dans le cadre de ces accords, en faisant du dollar la monnaie clé du système monétaire international.
Ainsi, depuis les accords de Bretton Woods, le dollar est la monnaie la plus sollicitée au monde pour les transactions. Il sert à mesurer la performance des principales devises mondiales sur le marché monétaire. Près de 50% du commerce international s’effectue en dollars. Il représente 61% des réserves des banques centrales à travers le monde. On l’utilise dans plus d’une soixantaine de pays comme monnaie officielle.
Pourquoi certains pays ne veulent plus utiliser le dollar américain dans leurs échanges
Les États-Unis ont pleinement profité de l’hégémonie du dollar pour l’instrumentaliser selon leurs intérêts. En effet, cette monnaie permet aux Américains d’asseoir encore plus la gestion de l’extraterritorialité de leur propre droit. Ce qui signifie qu’un juge américain peut tirer prétexte de l’utilisation du dollar à l’international pour engager des poursuites judiciaires au motif du lien de rattachement direct aux États-Unis. De cette manière, les Américains peuvent imposer des sanctions unilatérales à n’importe quels État ou entreprise qui utilise leur dollar.
C’est d’ailleurs ce qu’on observe actuellement dans la crise russo-ukrainienne. Les États-Unis ont décidé de geler les réserves en dollar de la Russie, soit 630 milliards de dollars. Avant cela, en 2014, BNP Paribas avait dû payer près de 9 milliards de dollars d’amendes pour avoir violé les sanctions américaines. En 2008, Siemens a payé 800 millions de dollars au titre de la loi du Foreign Corrupt Practices Act.
A partir de ces exemples, on comprend pourquoi plusieurs pays tels que la Chine, la Russie, L’Arabie saoudite, l’Iran, l’Inde et bien d’autres, sont en train de développer des stratégies pour ne plus utiliser le dollar dans leurs échanges. Puisqu’en cas de mécontentement, les États-Unis peuvent leur confisquer leurs avoirs en dollars. C’est ce qui explique pourquoi, le 1er avril 2022, la Russie a par exemple décidé que le paiement de ses exportations de gaz et de pétrole vers les États-Unis et certains pays de l’Union européenne s’effectuera désormais en monnaie russe, c’est à dire le Rouble.
Les conséquences (probables) de la dédollarisation de l’économie internationale
Parce que les États-Unis ont un déficit budgétaire très important, ils ont une balance commerciale déficitaire. Ce qui implique qu’ils sont endettés envers plusieurs pays. Tant que ces pays continuent à accepter le dollar comme monnaie de paiement, alors les États-Unis peuvent continuer à acheter à crédit en émettant des titres de dettes appelés bons de trésor. C’est ce qui explique pourquoi un pays comme la Chine détient jusqu’à 3400 milliards de dollars de bons de trésor américains.
Maintenant, si le nombre de pays qui achètent du dollar diminue, cela va diminuer le pouvoir de cette monnaie. La première conséquence sera que le dollar va perdre sa valeur par rapport aux autres monnaies. Elle ne sera plus une réserve de valeur fiable et les gens auront de moins en moins besoin pour leurs échanges. L’autre conséquence directe est que les États-Unis ne pourront plus acheter à crédit comme ils l’ont fait ces dernières décennies. Ce qui va augmenter l’inflation et déstabiliser l’économie américaine et même mondiale. D’ailleurs le taux d’inflation aux États-Unis est actuellement de 7,9%, au plus haut depuis 1982. Et l’une des causse de cette hausse record est la perte du pouvoir d’achat du dollar.
Et l’avenir du dollar alors…
La stratégie actuelle de dédollarisation de l’économie internationale est rendue d’autant plus nécessaire que le Etats-Unis, avec leur politique économique protectionniste, veulent réduire leurs déficits. Moins de déficits commerciaux vis-à-vis du reste du monde, c’est nettement moins de dollars en circulation et disponibles pour des transactions commerciales internationales.
Dès lors, la nature ayant horreur du vide, et aucune monnaie nationale ne pouvant rivaliser avec le dollar à ce jour, plusieurs experts pensent que c’est l’or qui pourrait revenir en force dans le système monétaire international pour garantir les transactions.
Références
Bocola, L., & Lorenzoni, G. (2020). Financial crises, dollarization, and lending of last resort in open economies. American Economic Review, 110(8), 2524-57.
Pitot, Joseph (2020). Le dollar, l’extraterritorialité du droit américain et le système monétaire international, IRIS
Gave, Charles (2020). Russie-Ukraine : les sanctions économiques vont-elles précipiter un retour à l’étalon-or ? Institut des libertés
https://corporatefinanceinstitute.com/resources/knowledge/finance/united-states-dollar-usd/
https://www.ege.fr/infoguerre/la-dedollarisation-des-economies-fin-de-lere-de-puissance-des-etats-unis
https://www.bdor.fr/actualites-or/dedollarisation-de-l-economie-et-retour-de-l-or
https://www.agefi.fr/asset-management/actualites/quotidien/20220228/gel-avoirs-russes-laisse-craindre-turbulences-338669