
La Banque du Canada (BC) vient d’augmenter son taux directeur de 50 points pour l’établir à 3,75% au 26 octobre 2022. Cette nouvelle qui était attendue ne fait pas le bonheur de tous. À vrai dire, même la Banque elle-même avoue que ce n’est pas avec gaieté de cœur qu’elle a pris cette décision. Cependant, celle-ci (la décision) s’imposait étant donnée la situation dans laquelle se trouve actuellement l’économie du pays.
En effet, il n’est de secret pour personne que l’économie mondiale en général, canadienne en particulier, est actuellement dans une zone de forte turbulence. À peine commençait-on à surmonter le choc de la pandémie, voilà que la guerre en Ukraine venait exaspérer la situation. L’inflation est toujours présente et semble se renforcer dans plusieurs secteurs. La demande reste largement insatisfaite; l’offre étant perturbée par la pénurie de main-d’œuvre. Entre-temps, le pouvoir d’achat des ménages a reculé de près de 10% sur un an. Bref, la situation est telle que la Banque du Canada n’a pas d’autres choix que d’augmenter les taux.
Rappel du rôle du taux directeur de la Banque centrale
Si l’augmentation du taux directeur de Banque du Canada attire autant d’attention, c’est parce que ce taux est son principal outil de politique monétaire. Ce taux influe sur de nombreux taux d’intérêt qui ont de l’importance pour les Canadiens.
Il faut noter que chaque jour ouvrable, les institutions financières canadiennes (IFC) se transfèrent des paiements. Ceci pour répondre aux besoins de leurs clients. Lorsque vous utilisez votre carte de débit ou que vous effectuez un virement électronique, l’argent circule entre ces institutions. À la fin de la journée, celles-ci doivent régler tous ces paiements. Certaines peuvent avoir envoyé plus de paiements qu’elles n’en ont reçu, et vice versa. Pour équilibrer leurs soldes réciproques, les IFC peuvent s’emprunter des fonds sur le marché du financement à un jour. La BC fixe une cible pour le taux d’intérêt qu’elles appliquent quand elles s’accordent mutuellement des prêts à un jour.
Les IFC ne sont pas obligées de s’accorder mutuellement des prêts pour équilibrer leurs soldes quotidiens. Elles peuvent aussi faire appel à la BC. Dans ce cas, elles déposent des fonds auprès de la BC au taux de rémunération des dépôts. Ensuite, elles lui en empruntent au taux officiel d’escompte, puis les retirent ou les remboursent le jour suivant. L’écart entre le taux de rémunération des dépôts et le taux officiel d’escompte est généralement d’un demi-point de pourcentage. Le taux directeur de la Banque centrale se situe au milieu de cette fourchette. Le taux directeur actuel est de 3,75 %. Sa limite inférieure est de 3,50 %, c’est le taux de rémunération des dépôts. La limite supérieure de la fourchette est 4%, c’est le taux officiel d’escompte.
Les impacts de l’ajustement du taux directeur sur l’économie
Quand la BC ajuste le taux directeur, elle ne s’attend pas à un résultat immédiat. Il faut habituellement 18 à 24 mois pour que les effets de tels ajustements se transmettent pleinement à l’économie à travers quatre principaux canaux que sont : les taux d’intérêts offerts aux IFC; le taux de change du dollar canadien; les attentes d’inflation de la population et le prix des actifs.
En prenant l’exemple du taux offert aux IFC, les ajustements du taux directeur influencent celui-ci. Quand la BC baisse son taux directeur, les taux d’intérêt des IFC deviennent faibles. Les particuliers et les entreprises payent moins d’intérêts sur leur prêt hypothécaire et autres emprunts. Ils touchent également moins d’intérêts sur leur épargne. Ils ont alors tendance à dépenser plus, ce qui stimule l’activité économique et l’inflation. Quand la BC augmente son taux directeur, les taux d’intérêt des IFC deviennent élevés. Les particuliers et les entreprises payent plus d’intérêts sur leur prêt hypothécaire et autres emprunts. Ils sont alors plus hésitants à emprunter et à dépenser, ce qui freine l’activité économique et l’inflation.
Au niveau des actifs, l’augmentation du taux directeur peut signaler aux investisseurs que la demande globale va diminuer. Et par conséquent, que les entreprises vont faire moins d’argent. Ce qui fait baisser le prix d’actifs comme les actions et les obligations. Les ménages qui détiennent ces actifs se sentent moins riches et ils peuvent être moins portés à emprunter et à dépenser. Cette situation peut faire ralentir l’inflation. À l’inverse, la baisse du taux directeur peut signaler aux investisseurs que les entreprises vont faire plus d’argent. Ce qui fait monter le prix des actions et des obligations. Les gens se sentent alors plus riches et sont portés à augmenter : leurs emprunts, leurs dépenses et leur demande de biens et services. Cette situation peut faire accélérer l’inflation.
Les enjeux de la dernière augmentation du taux directeur de la BC
Selon la BC, l’économie canadienne demeure en situation de demande excédentaire et les marchés du travail restent tendus. La demande de biens et de services dépasse encore la capacité de l’économie à y répondre. Elle exerce ainsi une pression à la hausse sur l’inflation au pays. Aussi, les entreprises font encore état de pénuries de main-d’œuvre généralisées. Bref, depuis la réouverture complète de l’économie, la forte demande a entraîné une flambée des prix des services.
Depuis l’été, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) était descendue de 8,1 à 6,9 %. Ceci en raison surtout de la chute des prix de l’essence. Cependant, les pressions sur les prix restent généralisées. Les deux tiers des composantes de l’IPC ayant augmenté de plus de 5 % au cours de la dernière année. Les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la BC n’indiquent pas encore de manière significative que les pressions sous-jacentes sur les prix s’atténuent. Les attentes d’inflation à court terme demeurent donc élevées, ce qui accroît le risque que la forte inflation s’enracine.
Par la mesure qu’elle vient de prendre, la BC s’attend à ce que l’inflation baisse. Cela ne sera possible qu’à mesure que les taux d’intérêts plus élevés aideront à rééquilibrer l’offre et la demande. Mais aussi lorsque les pressions sur les prix attribuables aux perturbations mondiales de l’approvisionnement diminueront. Et enfin, lorsque les effets passés des prix plus élevés des produits de base se dissiperont. Sur ces hypothèses, l’inflation devrait descendre à environ 3 % fin de 2023, puis retourner à la cible de 2 % fin de 2024.
À quoi s’attendre dans les prochains mois…
Étant donné que l’inflation et les attentes d’inflation sont élevées et que des pressions continues s’exercent sur la demande dans l’économie, le Conseil de direction de la BC s’attend à ce que le taux directeur doit encore augmenter. Les futures hausses de taux seront influencées par leurs évaluations : de l’efficacité du resserrement de la politique monétaire pour ralentir la demande, de la résolution des problèmes d’approvisionnement, et de la réaction de l’inflation et des attentes d’inflation aux hausses de taux.
La prochaine date d’établissement du taux cible du financement à un jour est le 7 décembre 2022. La Banque publiera sa prochaine projection complète pour l’économie et l’inflation, ainsi qu’une analyse des risques connexes, dans le Rapport sur la politique monétaire qui paraîtra le 25 janvier 2023.
Références
https://www.economy.com/canada/monetary-policy-rate
https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2022-07-20/l-inflation-approche-de-son-sommet.php