Ce jeudi 30 mars s’est tenue une conférence remplie d’une grande sagesse : celle des réflexions éthiques de Valéry Giroux, directrice adjointe du centre de recherches en éthique (CRÉ) et chercheuse au Groupe de recherche en éthique environnementale et animale. Organisée par la tout autant passionnante professeure de philosophie à l’UQTR Naïma Hamrouni et avec l’aide de Sandrine Renaud, doctorante en éthique appliquée, la conférencière évoque les discriminations que subissent les autres animaux en montrant « qu’ils échappent largement aux raisonnements qui nous conduiraient autrement à mieux les protéger ».
De gauche à droite : Naïma Hamrouni, Valéry Giroux, Sandrine Renaud & François Boucher. Crédit : Journaliste.
« Personne ne peut nier que les animaux non humain sont aujourd’hui considérés et traités comme des êtres ayant une valeur morale inférieure à celle des êtres humains »
Valéry Giroux
L’intersectionnalité pour mieux penser l’animalité :
Le constat de Valéry Giroux est simple, les êtres humains considèrent aujourd’hui les animaux comme leur propriété et se servent d’eux à toutes sortes de fins. Elle explique ainsi que si les animaux non humains sont mis de côté, c’est à cause de deux facteurs principaux : ils n’appartiennent pas à l’espèce Homos sapiens (ils ne sont donc pas inclus dans le concept d’humanité) et ils sont dépourvus de capacités cognitives sophistiquées que l’on valorise, comme la conscience de soi ou l’autonomie rationnelle. Par ce constat, Valéry Giroux effectue un parallèle puissant avec les discriminations subies par les femmes racisées. Comme l’ont montré les féministes noires et les chercheuses travaillant à partir du cadre de l’intersectionnalité (notamment Kimberlé Crenshaw, que nous vous invitons à découvrir), les femmes racisées sont victimes à la fois de sexisme et de racisme, conçus comme des discriminations opérant de manière indépendante les unes des autres, mais opérant pourtant ensemble, s’influençant et se renforçant mutuellement. Valéry Giroux propose ainsi de penser la situation des animaux en insistant sur le croisement des marginalisations spécistes et capacitistes qu’ils subissent.
Elle suggère que les expériences de personnes/communautés qui ont eu de multiples oppressions peuvent nous permettre de mieux comprendre pourquoi les injustices subies par les animaux non humains montrent une résistance particulièrement grande aux différents raisonnements qui devraient nous conduire à mieux les protéger. Nous savons bien que les caractéristiques strictement biologiques (comme la couleur de la peau ou le type d’appareil reproducteur) n’ont pas la pertinence requise pour justifier la discrimination, mais notre capacitisme nous porte à ignorer cet argument antipéciste. Nous savons également que les capacités comme l’intelligence ne font pas en sorte que les uns ont plus d’importance morale que les autres ou que leurs intérêts comptent plus que les intérêts équivalents des autres. Mais notre spécisme nous conduit à l’oublier dès que les individus dont il s’agit n’appartiennent pas à l’espèce humaine.
Valéry Giroux. Crédit : Journaliste.
Le spécisme ou l’emprisonnement des animaux dans un statut trop arrêté
Durant la conférence, la chercheuse parle donc aussi du spécisme. Ce concept se définit grossièrement par le fait de privilégier certains individus ou leurs intérêts uniquement parce qu’ils font partis de la communauté Homo sapiens. « La ligne de démarcation morale ou de divisions des êtres semble être marquée par l’espèce qu’on leur assigne respectivement », rappelle Valéry Giroux. Elle ajoute cependant que nous discriminons également les animaux en fonction de leur ressemblance avec nous, des liens qu’on entretient avec eux et des usages précis que l’on veut en faire. C’est ainsi que les autres animaux peuvent subir des discriminations, mais aussi être stratifiés : « on accorde plus de considération morale aux chiens et aux primates qu’aux cochons, aux poissons et aux rats » nous éclaircit-elle. Sur quelles bases? Parce que le chien est considéré comme un compagnon, qui plus est fidèle, alors que le cochon est perçu comme de la nourriture. Voilà la différence. Les sources de marginalisation subies par les animaux non humains se multiplient lorsqu’ils nous paraissent être à la fois non humain, moins intelligents, sources de profit, laids et parfois même dégoûtants, etc. Et leurs croisements donnent lieu à des vulnérabilités singulières.
« Oser s’inquiéter d’individus qui se situent en marge des marges même quand les combats au sein desquels ils sont invisibilisés sont encore loin d’être gagnés »
Valéry Giroux
Le problème que met en avant Valéry Giroux pour terminer sa conférence est qu’il faut faire attention en construisant un argumentaire pour lutter contre une discrimination à ne pas en renforcer une autre. Elle se réfère aux recommandations de la chercheuse engagée Sunaura Taylor et met les animalistes en garde contre le risque d’inciter « involontairement à contempler la possibilité d’éviter la discrimination envers les animaux non pas en traitant mieux ces derniers, mais en traitant moins bien les êtres humains doués de capacités psychologiques similaires aux leurs ». Elle souligne en outre les risques que comporte tout exercice consistant à faire des liens entre les animaux et des êtres humains qui souffrent encore énormément de déshumanisation ou d’animalisation.
À la lumière de cette conférence passionnante, une question se pose : au titre des risques de nourrir un discours discriminatoire, passer sous silence des discriminations pour ne pas nuire à d’autres populations elles-mêmes discriminées, n’est-ce pas les perpétuer? Valéry Giroux conclut en défendant, malgré les défis que cela comporte, l’opportunité de s’inspirer du cadre de l’intersectionnalité pour éclairer la manière dont les animaux non humains sont les grands oubliés de la lutte anticapacisite, ce qui a pour effet de renforcer à la fois les injustices spécistes dont ils sont victimes et les injustices capacitistes dont souffrent beaucoup d’êtres humains.
Valéry Giroux étant l’une des éditrices de la revue antispéciste l’Amorce qui édite des textes odieux dirigés contre les « wokes », il serait temps qu’elle comprenne le lien existant entre le wokisme et l’intersectionnalité. Une revue antispéciste qui affiche si ouvertement son mépris des wokes n’a rien d’intersectionnel mais a tout d’une revue d’extrême-droite.
Etre intersectionnel consiste aussi à lutter contre la diabolisation du wokisme et contre cette cancel culture (la vraie cancel culture) qui s’exerce partout contre eux. Qui sont les wokes ? Des féministes, des antiracistes, des antispécistes, des environnementalistes, des militants LGBT++, etc.
Dès sa création en 2020, la revue antispéciste l’Amorce fondée par Valéry Giroux (elle en est toujours éditrice) éditait une tribune contre les woke, contre la « tyranie des minorités » et la « cancel culture ». La lettre du Harper’s Magazine était citée par l’Amorce en référence pour justifier cette publication qui ressemble mot pour mot à toutes les publications contre les woke ayant envahi les journaux de droite la même année. En revanche, n’était pas cité par l’Amorce la lettre de réponse publiée dans le magazine The Objective, cette lettre qui fut partout « cancellée ». Décrédibiliser les luttes féministes et antiracistes en diabolisant le wokisme et en affirmant qu’ils pratiqueraient la cancel culture n’est pas de l’intersectionnalité. Il serait temps que Valéry Giroux comprenne le lien existant entre le wokisme, l’intersectionnalité et la cancel culture. Une revue antispéciste qui affiche si ouvertement son mépris des wokes n’a rien d’intersectionnel mais a tout d’une revue d’extrême-droite.
Chère Maya, je me permets de répondre à votre commentaire en tant que lectrice de L’Amorce ; il suffirait que vous lisiez la revue pour vous convaincre qu’elle n’a rien d’une revue d’extrême-droite, et qu’elle fait au contraire une place importante à l’intersectionnalité, justement, et à la convergence des luttes (mais pas seulement). Ce n’est pas parce qu’un texte y est publié qu’il engage l’intégralité de la revue (c’est bien indiqué à la fin de chaque article qu’il n’engage que ses autrices), et ce n’est pas parce qu’il s’insurge contre certaines pratiques qu’on retrouve souvent chez des personnes autoproclamées intersectionnelles qu’il est anti-intersectionnalité.
Pour ma part, ce que je reproche à cet article, ça n’est pas tant son contenu que son ton, hautain et agressif, sans bienveillance aucune, qui ne convient pas à une belle revue telle que L’Amorce (qui depuis, semble-t-il, a déclaré qu’elle ne voulait plus publier de tels textes, car « non-bienveillants », justement).
Quant à ce compte rendu excellent de la conférence de Valery Giroux, j’en retiens une piste importante pour lutter contre l’antispécisme : ce serait le croisement entre le spécisme en soi et le capacitisme dont sont victimes les animaux, et le passage incessant d’un registre à l’autre, qui permettrait aux partisan-es du spécisme de rester sur leurs positions malgré les critiques reçues. Et du coup, il faudrai accorder de l’importance à la façon dont s’effectue ce croisement pour tenter de le désamorcer…
Valéry Giroux étant l’une des éditrices de la revue antispéciste l’Amorce qui édite des textes odieux dirigés contre les « wokes », il serait temps qu’elle comprenne le lien existant entre le wokisme et l’intersectionnalité. Une revue antispéciste qui affiche si ouvertement son mépris des wokes n’a rien d’intersectionnel mais a tout d’une revue d’extrême-droite.
Etre intersectionnel consiste aussi à lutter contre la diabolisation du wokisme et contre cette cancel culture (la vraie cancel culture) qui s’exerce partout contre eux. Qui sont les wokes ? Des féministes, des antiracistes, des antispécistes, des environnementalistes, des militants LGBT++, etc.
Dès sa création en 2020, la revue antispéciste l’Amorce fondée par Valéry Giroux (elle en est toujours éditrice) éditait une tribune contre les woke, contre la « tyranie des minorités » et la « cancel culture ». La lettre du Harper’s Magazine était citée par l’Amorce en référence pour justifier cette publication qui ressemble mot pour mot à toutes les publications contre les woke ayant envahi les journaux de droite la même année. En revanche, n’était pas cité par l’Amorce la lettre de réponse publiée dans le magazine The Objective, cette lettre qui fut partout « cancellée ». Décrédibiliser les luttes féministes et antiracistes en diabolisant le wokisme et en affirmant qu’ils pratiqueraient la cancel culture n’est pas de l’intersectionnalité. Il serait temps que Valéry Giroux comprenne le lien existant entre le wokisme, l’intersectionnalité et la cancel culture. Une revue antispéciste qui affiche si ouvertement son mépris des wokes n’a rien d’intersectionnel mais a tout d’une revue d’extrême-droite.
Chère Maya, je me permets de répondre à votre commentaire en tant que lectrice de L’Amorce ; il suffirait que vous lisiez la revue pour vous convaincre qu’elle n’a rien d’une revue d’extrême-droite, et qu’elle fait au contraire une place importante à l’intersectionnalité, justement, et à la convergence des luttes (mais pas seulement). Ce n’est pas parce qu’un texte y est publié qu’il engage l’intégralité de la revue (c’est bien indiqué à la fin de chaque article qu’il n’engage que ses autrices), et ce n’est pas parce qu’il s’insurge contre certaines pratiques qu’on retrouve souvent chez des personnes autoproclamées intersectionnelles qu’il est anti-intersectionnalité.
Pour ma part, ce que je reproche à cet article, ça n’est pas tant son contenu que son ton, hautain et agressif, sans bienveillance aucune, qui ne convient pas à une belle revue telle que L’Amorce (qui depuis, semble-t-il, a déclaré qu’elle ne voulait plus publier de tels textes, car « non-bienveillants », justement).
Quant à ce compte rendu excellent de la conférence de Valery Giroux, j’en retiens une piste importante pour lutter contre l’antispécisme : ce serait le croisement entre le spécisme en soi et le capacitisme dont sont victimes les animaux, et le passage incessant d’un registre à l’autre, qui permettrait aux partisan-es du spécisme de rester sur leurs positions malgré les critiques reçues. Et du coup, il faudrai accorder de l’importance à la façon dont s’effectue ce croisement pour tenter de le désamorcer…
Et, me vient maintenant à l’esprit que vu les commentaires, ça vaut le coup de mettre le lien vers la revue L’Amorce : https://lamorce.co ! 🙂