Les chroniques sexos d’Ely : la sexualité et le vieillissement

Une sexualité qui prend de l’âge

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Les chroniques sexos d’Ely. *Co-écrit avec Maud Gorsen.

Une sexualité qui prend de l’âge

L’Organisation mondiale de la santé montre que la population mondiale est de plus en plus vieillissante. En effet, entre 2015 et 2050, la proportion de personnes ayant plus de 60 ans va presque doubler. En attendant, le nombre de recherches réalisées sur l’expérience du vieillissement est encore trop faible. De plus, les stéréotypes et mythes entourant certains sujets comme la sexualité des personnes âgées peuvent mener ces dernie.r.e.s à subir des discriminations spécifiques telles que de l’âgisme. Dans cette chronique, nous allons voir que malgré des pressions sociales et idées préconçues, la sexualité peut bel et bien perdurer dans le temps.

Pour illustrer nos propos et notre conception de la sexualité, nous vous proposons de faire dialoguer le parcours et la sexualité d’Ely avec des construits théoriques choisis. Ely est une personne imaginaire, majeure, aux identités multiples et changeantes à qui nous espérons que vous saurez vous identifier.

Le regard de la société sur la sexualité des personnes âgées

Ely a bien vieilli. À son âge, dès qu’iel parle de sexualité, les personnes l’entourant ne veulent pas l’écouter. Ely écoute la télévision et entend avec habitude les conseils invitant un jeune homme à trouver des techniques pour empêcher l’apparition d’une érection « Pense aux seins d’une grand-mère, tu vas voir, c’est sûr que ça va fonctionner ». Ce dont s’est rendu compte Ely, c’est qu’aux yeux du plus grand nombre, autant que de nombreuses dimensions de sa vie, sa sexualité ne compte plus ou peut provoquer du rejet. En arrivant en résidence pour personnes âgées, on lui a même refusé de frencher sa voisine Géraldine ! Ely est fâché.e et humilié.e. Iel nous a donc écrit pour mieux comprendre ce qu’il se passait.

Déjà, nous souhaitons valider la perception d’Ely qui vit plusieurs discriminations liées à l’âgisme. Ce concept, apparu en 1969, a été défini par Robert Butler comme « une profonde gêne [, une répugnance personnelle et un dégoût] chez les jeunes et les personnes d’âge moyen envers le vieillissement, la maladie et l’infirmité; ainsi que la peur de l’impuissance, de l’inutilité et de la mort » (p. 243). La peur de l’impuissance et de la mort rejoint aussi le déni entourant la potentielle sexualité de nos propres parents ou grands-parents.

Démystifier les caractéristiques d’une sexualité vieillissante

Cette discrimination est liée à des représentations sociales erronées considérant que les personnes âgées n’ont pas ou ne devraient plus avoir de sexualité. Ces préconceptions rejoignent souvent les stéréotypes liés à une sexualité nécessairement basée sur la performance, sur la reproduction et sur la jeunesse. Cette manière de penser nous pousse à percevoir la sexualité, l’identité de genre et l’orientation sexuelle d’une personne âgée comme statiques et immuables.

Pour démystifier les croyances liées à la sexualité des personnes âgées, il serait d’abord important qu’Ely puisse identifier les modifications corporelles amenées par son vieillissement. Au niveau organique, certaines maladies et traitements associés peuvent affecter sa sexualité. En dehors de pathologies, des études remarquent que le vieillissement entraîne une diminution globale de la réponse sexuelle. Dans une perspective binaire, les hommes peuvent éprouver des difficultés érectiles, une moins forte sensibilité au niveau du pénis et du gland ainsi que des sensations pré-orgasmiques moins intenses. Les femmes peuvent, quant à elles, constater des conséquences directes de la ménopause. On observe un temps d’orgasme plus court, une diminution de la lubrification et de l’élasticité vaginale.

Le contexte environnemental et l’intérêt sexuel

Le contexte environnemental peut aussi affecter la sexualité d’Ely. Avec l’âge, la rencontre de nouveaux partenaires peut être limitée. De plus, les normes liées à différents lieux de résidence peuvent contraindre ou médicaliser la sexualité de leurs résident.e.s. Les mythes sociaux peuvent aussi porter atteinte à la vision qu’Ely a d’iel-même. Enfermés dans des codes de performance et de virilité, les hommes peuvent souffrir de ne plus « être reconnu[s] dans leur statut d’actif » (p.14). Tandis que les femmes, face à un corps changeant et à un éloignement des normes de beauté, peuvent avoir une plus forte difficulté dans leur rapport à elles-mêmes.

Toutefois, chez Ely et de nombreuses personnes de son âge, l’activité ou l’intérêt sexuel peuvent toujours perdurer. Une étude nord-américaine montre qu’un homme sur trois et qu’une femme sur cinq serait sexuellement actif.ve.s entre 75 et 85 ans. Cette activité reliée à une bonne santé sexuelle serait un indicateur important du niveau de santé global et de la qualité de vie. Finalement, la sexualité est un domaine important à valoriser. Elle constituerait un puissant anti-stresseur, permettrait de prévenir certains problèmes cardiaques et diminuerait les sensations de douleurs.

Les conseils sexos pour améliorer sa santé sexuelle

  • Pour préserver son bien-être sexuel, on peut travailler l’acceptation des changements associés au vieillissement. Cette aptitude passe par un travail de distinction entre le plaisir, la procréation et la performance, en remettant au centre la notion d’hédonisme*.
  • S’informer sur les outils adaptés notamment pour pallier les effets de certains médicaments (bétabloquants, antidépresseurs, neuroléptiques, etc). Favoriser le lubrifiant pour les personnes ayant des problématiques de sécheresse vaginale. Avoir recours à des prises de médications par injection favorisant l’érection pour les hommes ou dans des cas plus complexes le dispositif du vacuum ou encore l’implant pénien.
  • Préserver une intimité émotionnelle avec son.a partenaire. Se décentrer des parties génitales et de la pénétration. Développer la sensibilité d’autres zones érogènes. Favoriser les caresses, massages pour une excitation plus lente et le slow sex, il faut prendre son temps.
  • Parce que tout ne se fait pas individuellement, il serait important que les proches puissent également valider les personnes âgées dans leur expérience et favoriser une communication inter-générationnelle sans tabou.

* »L’hédonisme est le principe de plaisir pensé, agi et entretenu, englobant le désir de jouissance, les actes qui s’ensuivent, et toutes les représentations qui s’y lient”. Définition tirée de l’ouvrage Les hédonismes de Michel Martin.

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