Récemment, je suis allé voir l’excellent film innu Kuessipan. Se déroulant dans la réserve autochtone de Uashat mak Mani-Utenam, il nous met dans le visage les dures réalités que subissent nos frères et nos sœurs autochtones. Ayant enseigné aux autochtones dans cette région et en ayant vécu à deux rues de ladite réserve, j’ai réalisé à quel point leur vie était fragile, brisée mille fois, tentée d’être recollée en morceaux.
Une odeur de crise
Les communautés autochtones souffrent partout au pays, et plus récemment la nation autochtone Wet’suwet’en. Vendredi le 31 janvier d’ailleurs, une vingtaine d’étudiant.e.s ont manifestés leur soutien ici même à Trois-Rivières aussi bien que partout au pays. Pour ceux.celles qui ne sont pas familier.ère.s avec l’histoire, elle concerne une nation autochtone aux prises avec l’implantation d’un gazoduc sur leur terre ancestrale. Le rapprochement avec la crise d’Oka de 1990 est plus que plausible… et probable. À l’époque, le peuple mohawk avait eu une extrême réaction épidermique à l’implantation illégale de la construction d’un terrain de golf sur leur réserve. La situation fût déclarée urgente et principalement comme un état de crise.
Le rapprochement avec la crise d’Oka de 1990 est plus plausible… et probable.
Aujourd’hui, Wet’suwet’en nous rappelle une misère. Le cri des myriades de nations au travers du Canada. Celui des marginaux, abattus, colonisés, mais fiers. Fiers malgré la répression policière, l’abus de pouvoir et les fusils sur la tempe. Fusils venant des groupes policiers fédéraux, censés protéger, ils sont ici, comme les autres corps policiers, les bourreaux des nations autochtones.
Peau blanche, masques noirs
Au Québec, la situation autour de tout ça est délicate, puisque notre colonialisme est teinté d’une posture schizoïde. À la fois peuple opprimé et peuple oppresseur, le nationalisme de certain.e.s ne se veut pas toujours inclusif, et oublie souvent le double envers de notre historique. Encore aujourd’hui, on voit les disparités folles entre les jeunes provenant des groupes autochtones et ceux.celles qui ne le sont pas.
Lorsque j’étais enseignant, on m’a appris que seulement un autochtone sur dix arrivait à se rendre à des études postsecondaires. Encore là, la réussite n’est pas assurée. Plusieurs problèmes sociaux et structurels se mettent en place, et plus que simplement l’isolement ou la violence des communautés. Trop souvent, nos écoles évoquent les pensionnats d’antan, et pour des peuples qui a si longtemps vu sa culture déconstruite et aseptisée, annihilée, elle ne peut en autrement que de fuir nos institutions qui leur semblent non-adaptés. Nos demandes d’écritures ne correspondent pas à la structure linguistique de leur langue ni à leur histoire orale. Notre système s’offre à eux, mais il est loin d’être adapté.
Plusieurs problèmes sociaux et structurels se mettent en place, et plus que simplement l’isolement ou la violence des communautés.
En plus des inégalités structurelles qui se glissent dans l’éducation, la pauvreté et l’absence de présence parentale cause des problèmes d’apprentissages de base. Comme une collègue enseignante de primaire sur la Côte-Nord me racontait, les enfants en bas âge ont souvent des retards de langage, qui les hypothèquent pour la vie.
Il est abject que dans un pays comme le nôtre, considéré comme un des meilleurs pays au monde où vivre, que nous acceptions que des peuples vivent ainsi. Pourtant cette situation arrive sur le sol de notre État… et les moyens que nous utilisons sont peu efficaces. Comment peuvent-ils réussir à sauver leurs traditions et leurs cultures quand notre État-providence en place ne peut même pas leur fournir une dignité fondamentale ?
Une situation loin d’être réglée
Aussi récemment que vendredi et samedi de cette semaine, la communauté Wet’suwet’en fait encore les frais d’une ingérence fédérale. À la suite d’une injonction de la Cour suprême, n’ayant probablement pas grand-chose à faire du droit des peuples à se gouverner eux-mêmes, c’est encore quatre manifestant.e.s qui se sont vu être arrêté.e.s cette semaine pour avoir bloqué l’accès au chantier.
Il est abject que dans un pays comme le nôtre, considéré comme un des meilleurs pays au monde où vivre, que nous acceptions que des peuples vivent ainsi.
Petite lueur d’espoir cependant alors que le ministre des Affaires autochtones cherche une résolution pacifique à la crise. Bien conscient du concept d’autodétermination des peuples, à l’instar des instances internationales, la situation reste néanmoins assez tendue. Car notre gouvernement fédéral est rarement dans la veine de mentionner et de laisser valoir le principe d’autodétermination des peuples, comme nous avons pu le voir à la fois dans notre propre histoire, mais aussi dans les dernières années, à cause du mouvement catalan.
Encore une fois, soulignons l’appui aux communautés fortes des Premières nations, afin que ces dernières sachent qu’elles ne sont pas seules, et que plusieurs sont prêt.e.s à sortir dans les rues pour les aider à lutter contre l’oppression!
Courage!